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25 janvier 2021 1 25 /01 /janvier /2021 09:49

Où est passé le dogme de l’enfer?              

25 janvier 2021, Conversion de Saint Paul

 

Luca Signorelli, Les damnés en enfer, San Brizio (Cappella Nova), Cathédrale d’Orvieto

 

 

Le jour de la Conversion de Saint Paul, nous publions un article écrit au cours des années précédentes et qui nous a été envoyé récemment, constatant avec douleur une nouvelle aggravation de la situation générale. En effet, le Concile Vatican Trois du Cardinal Martini - cet abusif Concile Vatican Trois, soutenu par le monde et non combattu ou combattu de manière inadéquate par la hiérarchie - a pu se répandre pendant des décennies dans l’Église et a aujourd’hui gagné le sommet humain de Celle-ci (Ndr).

***

« [Aujourd’hui] le monde se trouve terriblement englué dans le marécage d’un sécularisme qui veut créer un monde sans Dieu ; d’un relativisme qui étouffe les valeurs permanentes et immuables de l’Évangile et d’une indifférence religieuse qui reste imperturbable face aux biens supérieurs et aux choses qui concernent Dieu et l’Église. [...] Quelques mois avant son élection au trône papal, le cardinal Karol Wojtyla a déclaré : “Nous nous trouvons aujourd’hui face à la plus grande lutte que l’humanité ait jamais connue. Je ne pense pas que la communauté chrétienne l’ait bien compris. Nous sommes aujourd’hui devant la lutte finale entre l’Eglise et l’Anti-Eglise, entre l’Evangile et l’Anti-Evangile”. Cependant, une chose est certaine : la victoire finale appartient à Dieu et elle se produira grâce à Marie, la Femme de la Genèse et de l’Apocalypse, qui combattra à la tête de l’armée de ses fils et de ses filles contre les forces de l’ennemi, de Satan, et qui écrasera la tête du serpent” » (Cardinal Ivan Dias, en tant que Légat Pontifical, homélie de la fête de l’Immaculée Conception, Lourdes 2007).

La gnose (mère de toutes les hérésies, des pouvoirs occultes...) «n’a, d’un certain point de vue, aucune difficulté à s’insinuer dans la pensée catholique, même à un niveau supérieur. […] Aldo Natale Terrin, enquêtant sur le post-moderne, soutient que l’Église d’aujourd’hui vivrait dans l’acceptation d’une double appartenance : pouvoir être catholique (mais de quelle manière ?) et autre chose en même temps, en se vantant d’accéder désormais en toute impunité à d’autres sources. Non seulement la double appartenance serait acceptée en interne aux différents niveaux, mais ferait partie de la proposition même de l’Église à l’homme contemporain : c’est un pacte tacite, interne et externe» (Un professeur de l’“Université du Pape”, le Latran, interview à 30 giorni, mai 2003).

Voici les dangers qu’un grand cardinal (mort « triste » et avec « de grands remords ») avait noté en marge du Concile Vatican II, en les décrivant comme connexes à l’orientation dominante du Concile. Dans l’ambiance qui a suivi immédiatement l’allocution Gaudet Mater Ecclesia, « un air de malaise évident et excité » régnait. Ce témoin autorisé avait vu et prévu que l’on était en train de « jeter dans une zone d’ombre les grands problèmes de l’orthodoxie », au nom d’un « pastoralisme » donné à tort comme une nécessité. Il avait vu et prévu la « formation de deux points de pression (biblique-rationaliste et mysticisme à tendance charismatique) » tendant à « éliminer » la saine doctrine. Il avait vu et prévu la tendance à « répondre à un monde athéisé sur la lignée protestante » (Benny Lai, Il Papa non eletto. Giuseppe Siri cardinale di Santa Romana Chiesa).

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«Père très clément [...] disposez nos jours dans Votre paix, sauvez-nous de la damnation éternelle, et accueillez-nous dans le troupeau des élus». C’est ce que dit le très ancien Canon Romain, plus au moins repris dans le Novus Ordo Missae, tiré du Vetus Ordo Missae. A propos de ce Canon le pape Paul VI aurait dit à son ami philosophe français Jean Guitton qu’il lui avait donné la première place. En effet, il port dans le Novus Ordo le nom de Prière Eucharistique I.

Alors, maintenant que la Sainte Messe n’est plus habituellement en latin - ce qui est généralement considéré comme l’essence de la réforme liturgique faite au nom du Concile Vatican II - ces mots résonnent-ils plus fortement, enfin compris par le peuple?

En réalité, les choses sont différentes: cette supplication, et cette confession de la « foi catholique transmise par les Apôtres », ont généralement disparu.

Ce qui dans le très ancien Missel traditionnel, même renouvelé, était le Canon est devenu l'un des Canons (au choix, “au libre choix” du célébrant, officiellement). Précisément et officiellement, il est devenu la Prière Eucharistique I.

Prière Eucharistique I, “la première”, donc celle qui sera dite le plus souvent ? Beaucoup auraient pu le penser. Laissons de côté ce mot rassurant sur ce qui est en réalité un déclassement, un glissement, et, plus largement, sur les réserves concernant la réforme liturgique historique[1]. En réalité, elle est souvent devenue la prière eucharistique ultime.

Alors qu’il n’est pas rare d’entendre cette Préface bien connue, dont le sens logique évident et l’idée qu’elle donne sont la négation de l’enfer et la proclamation d’un salut universel subjectif.

En bref: dans la tendance actuelle, l’encouragement de l’hérésie anti-catholique prévaut sur le dogme catholique, condamné au silence. N’est-ce pas une proclamation à l’envers qui sort d’une telle combinaison? Mais qui est celui qui, par excellence, met les choses à l'envers?

Peut-être que les choses sont généralement meilleures dans la prédication, dans les homélies? Pourquoi, parmi les nombreux maux dont les hommes d’Eglise parlent tant, omettent-ils si souvent de rappeler le plus oublié: l’enfer? Pourquoi, au contraire, entendons-nous si souvent des propos qui favorisent sa négation?

Comparons le passage suivant du Magistère (et notons sa teneur stricte et affirmative) avec la réalité constatée actuellement à l’intérieur de l’Église ; un passage dans lequel, en outre, on répond au sophisme allusif fréquemment esquissé en réponse (ou en non-réponse): comment peut-on se fonder sur la peur de l’Enfer!...

« Il est vrai que le désir du Ciel est un motif en soi plus parfait que la crainte du châtiment éternel ; mais il n’en découle pas que pour tous les hommes il soit aussi le plus efficace ». En effet, ce discours de S.S. Pie XII aux curés et aux prédicateurs du Carême de Rome, le 23 mars 1949, ne dit pas que l’enfer devrait être le seul thème de la prédication ; mais si Notre Seigneur Jésus-Christ, qui est le Bon Pasteur, mais qui est aussi le Verbe fait chair, a parlé de cela dans l’Évangile, et pas qu’un peu, celui qui sur l’autel agit in persona Christi peut-il rester presque silencieux sur ce sujet? «[La prédication sur l'enfer] n’a non seulement rien perdu de son opportunité même à notre époque, mais est même devenue plus nécessaire et plus urgente que jamais [...] et aucune circonstance de temps ne peut diminuer la rigueur de cette obligation. Elle oblige tout prêtre en conscience », et la doctrine catholique sur l’enfer doit être proclamée et enseignée «sans aucune atténuatio».

Il serait obtus de ne pas reconnaître que la situation actuelle diffère en partie de celle du temps de Pie XII: c’étaient dans l’ensemble, des temps de « foi diminuée », de « diminution de la ferveur »; maintenant c’est le temps de la « grande apostasie » (de sorte que, comme le disait Jean-Paul II à Fatima, ce sont « les fondements mêmes » du salut qui sont  « minés » : déjà les fondements le sont, déjà les présupposés du discours le sont...et la situation générale a effectivement changé. C’est un aspect réel. Mais en comparant cet enseignement avec la réalité ecclésiale actuelle, n’y a-t-il pas un contraste frappant ? Des problèmes, des doutes et des questions radicales n’apparaissent-ils pas à propos de la rupture dans la praxis de l’unité catholique, qui est avant tout l’unité dans le temps ? Quelle est alors la communion avec de très nombreuses parties de l’unique Église du Christ, telles que l’Église triomphante et l’Église souffrante?

Faire passer les idées par la Praxis est une vieille méthode marxiste (les modernistes remplacent le mot Praxis par le mot Pastoral, la dynamique est la même).

Mais que dire de la demi-réponse, également fréquemment esquissée, selon laquelle la disparition de l’enfer serait justifiée par le Magistère actuel (ou mieux, par le Magistère récemment exprimé)  

Tout d’abord, il faut distinguer les opinions personnelles (même de personnes très haut placées) et le Magistère (bien qu’une opposition entre les deux soit problématique). Les mots, les gestes, les choix ont des degrés d’officialité et d’autorité très différents.

Ensuite, il faut noter que le Magistère récemment exprimé a déclaré officiellement à plusieurs reprises qu’il ne voulait pas remplacer celui qui était exprimé depuis longtemps, mais le laisser intact.

Et puis, prenons comme exemple des textes tels le Catéchisme de l’Eglise Catholique, promulgué en 1992 par le Pape Jean-Paul II et son Compendium, publié en 2005 par le Pape Benoît XVI sur mandat (en 2003) de Jean-Paul II ; en référence stricte au Concile Vatican II (1962-1965) et au Synode des évêques (1985). Dans un texte assez bref comme le Compendium, l’enfer est mentionné aux points 74, 125, 212, 213 et dans l’Appendice.

Le Magistère conciliaire et post-conciliaire ne justifie donc pas cette disparition contrairement  à ce que la tendance progressiste dominante (et un certain traditionalisme “dur”) dit ou insinue à tort de manière idéologique ou partisane.

Mais d’un autre côté, après réflexion, même en admettant que ces déviations outrepassent, instrumentalisent ou ignorent les actes officiels, nous posons la question : le courant centriste (et un certain traditionalisme “modéré” ou plutôt servile) a-t-il pleinement raison d’assurer que les textes du récent Magistère authentique n’ont rien à voir avec de telles déviations?

Prenons par exemple le n° 212 du Compendium du Catéchisme de l’Église Catholique (mars-juin 2005). « En quoi consiste l’enfer ? Il consiste en la damnation éternelle de ceux qui meurent par libre choix dans le péché mortel. Le principal châtiment de l’enfer est la séparation éternelle d’avec Dieu, en Qui seul l’homme a la vie et le bonheur pour lesquels il a été créé et auxquels il aspire. Le Christ exprime cette réalité par ces mots : “Loin de moi, maudits, dans le feu éternel” (Mt 25, 41) ». Juste un exemple : d’une part, l’épithète “principal” indique, en toute logique, que la peine du dam (la plus grande, il est vrai) n’est pas la seule peine de l’enfer ; donc, en enfer, il y a aussi une autre peine, et c’est la peine du sens. En revanche, elle n’est exprimée qu’à travers une allusion indirecte, laissée d’ailleurs quelque peu dans l’ombre. N’est-ce pas déjà anti-traditionnel ? Le développement homogène de la doctrine catholique se fait par explicitation, du gland au chêne, et non l’inverse, face aux menaces contre les vérités de la foi jusqu’alors en état de placida possessio, l’Eglise a toujours et partout réagi en “plaçant sous la lampe” le bien mis en danger. Elle le professe alors de manière plus claire, plus formelle, plus explicite mais certainement pas d’une manière plus ambiguë, plus déficiente et en tout cas plus implicite. Est-ce toujours le cas ici, ou n’est-ce pas plutôt le contraire ? Et cela arrive dans un texte dont l’intention - en soi louable - est de mettre un terme à la perte du contenu doctrinal de la foi, qui sévit. Ne s’agit-il pas déjà d'un renversement de situation en demi-teinte de la tradition catholique?

 

 

[1] Perplexités qui se sont révélées également au Synode de 1967, qui étaient non seulement largement présentes mais où elles ont même été majoritaire, au point de rejeter la ligne liturgique de Mgr Bugnini.

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