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22 août 2023 2 22 /08 /août /2023 17:08

Au Vatican et à la conscience de chacun

 

22 août 2023, Cœur Immaculé de Marie

 

 

« Celui qui penserait la mission prophétique de Fatima terminée se ferait des illusions ». (S.S. Benoît XVI, 13 mai 2010)

 

La chronique, tant civile que religieuse, rappelle souvent l'actualité de Fatima. Pourtant, nous ne voyons aucun appel à une démarche adéquate en faveur de sa relance. Qu’attend-on de plus? Une autre âme damnée ? Le déclanchement d’une bombe atomique?

 

Le 11 février 2021, j'ai envoyé une lettre à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, énumérant les contradictions et les omissions de la publication officielle sur ce sujet, Il Messaggio di Fatima (2000), en demandant:

 

« 1. Pourquoi autant d’omissions et d’incohérences dans une brochure aussi courte?

 

2. Quand une révision en sera-t-elle faite ? (Plus de vingt ans se sont déjà écoulés depuis sa publication, intervenue elle-même quarante ans après 1960) ».

 

 

Réponse ? Un silence éloquent de cimetière (on continue cependant à se référer aux affirmations contenues dans la brochure, comme si de rien n'était). Idem pour le second envoi de la même missive. Pas même un accusé de réception (tant pis pour la plus grande "valorisation des laïcs et des femmes" tellement vantée, et tant pis pour la nouvelle transparence du Vatican).

 

Il est hautement souhaitable que de nombreux catholiques, par exemple les lecteurs de cette revue, envoient de telles lettres à Rome [Le Secret de Fatima. Devant ces questions précises Rome ne dément pas - Fatima. La (tardive) non-réponse de la Congrégation]. Le témoignage insoupçonnable du cardinal Bertone est également encourageant à cet égard: dans son livre sur le sujet, il affirme, à plusieurs reprises, que la [demi] publication du Troisième Secret en l'Année Sainte 2000 a eu lieu également grâce à l'insistance des mouvements consacrés à Fatima.

 

* * *

 

En même temps, il faut espérer que les ressources de Fatima "du domaine public" seront valorisées à leur juste mesure [cf. aussi Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous (Lc 13, 1-5)].

 

Nous pensons bien sûr au Saint Rosaire, dont la Vierge a demandé la récitation quotidienne à chacune de ses apparitions dans la localité portugaise.

 

Mais pensons aussi à la pieuse pratique réparatrice des cinq premiers samedis du mois, dévotion à laquelle la Très Sainte Vierge Marie (dans le Second Secret) a lié des promesses telles que: le salut de nombreuses âmes; la préservation des calamités et des persécutions; la véritable paix temporelle.

 

Face aux si grandes promesses contenues dans la plus grande apparition mariale de l’histoire, celle que la Présentation officielle du Troisième Secret désigne comme « la plus prophétique des apparitions », est-il sage de réagir par l’obstination ou par la résignation et la passivité?

 

 

Claudia Marchini

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29 juin 2023 4 29 /06 /juin /2023 19:28

Des Anglicans à la Fraternité Saint-Pie X... au détriment de la vérité

 

29 juin 2023, Saint Pierre et Saint Paul Apôtres

 

Œcuménisme en marche. L’anglican marié et franc-maçon Baker, soi-disant “évêque”, au trône papale du Latran. L’hérétique copte Tawadros II à l’autel papale du Latran. La Minoritenkirche, église au centre de Vienne dont la propriété a été transféré gratuitement par François à la Fraternité Saint Pie X.

 

Quelle est la dernière énormité bergoglienne en matière d'appartenance à l'Église ? Citons ses toutes dernières paroles, bien dans la ligne de ce qu'il a effectivement accompli avec les Anglicans protestants, les Coptes orientaux monophysites et...la Fraternité Saint-Pie X, qui tous acceptent complaisamment les concessions de sa "main tendue" œcuménique.

 

Il est évident que crise doctrinale, faux œcuménisme et énormités diverses ne sont pas l’apanage exclusif de ces dix dernières années, mais cela ne dispense pas d’examiner avec attentions les récentes détériorations et certains phénomènes.

 

Ecoutons Jorge Mario Bergoglio lui-même lors de l'audience du 29 mai 2023 : « Il y a quelques années, lors d'une rencontre de jeunes. Je suis sorti de la sacristie et il y avait une dame très élégante, riche aussi, avec un garçon et une fille. Cette dame, qui parlait espagnol, m'a dit : "Père, je suis heureuse d'avoir converti ces deux-là, celui-ci vient d'une telle et celle-là d'une telle". Je me suis mis en colère et j'ai dit : "Tu n'as rien converti, tu as manqué de respect à ces personnes, tu ne les as pas accompagnées. Tu as fait du prosélytisme et cela n'est pas évangéliser". Elle était fière d’avoir converti...». Se tournant ensuite vers les Barnabites, il s’est recommandé à eux en disant : « Le prosélytisme ce n'est pas évangéliser » parce que « notre annonce missionnaire n'est pas du prosélytisme, je souligne beaucoup cela, mais le partage d'une rencontre personnelle - "si tu veux, le Seigneur est comme ça, cette vie est ainsi ...", mais pas le prosélytisme - qui a changé notre vie. Sans cela, nous n'avons rien à annoncer, ni une destination vers laquelle marcher ensemble ».

 

Phrases qui - cela va sans dire - ont été reprises avec enthousiasme par toute la presse maçonnique, y compris celle de la gauche caviar... Voyez-vous, la dame n'était pas seulement catholique et soucieuse de la conversion de deux jeunes, mais elle était aussi élégante et riche!

 

Au passage, on peut s’interroger sur la véracité de ces historiettes récurrentes, car même si elles relèvent d’une approche vétéro-marxiste sudaméricaine largement décrépite (même un peu désagréable), elles sont si bien rodées qu’elles revêtent l’apparence d’un "manuel prêt à l’emploi"…

 

Cependant, cette fois-ci, nous pensons qu'il faut plaider en faveur de la cohérence bergoglienne entre ce qu'il dit et ce qu'il fait au niveau œcuménique. Il y a une logique. Une logique perverse, si l'on veut. Mais il y a une logique.

 

Car quel est l'intérêt d'accueillir les Anglicans pour une célébration à Saint Jean du Latran ? Pourquoi, le 18 avril 2023, faire "célébrer" et faire s'asseoir un "évêque" protestant hérétique sur la chaire du successeur de Pierre, dans la Cathédrale des Cathédrales catholiques ?

 

L'autorisation semblait venir de très haut...même si ensuite, face à certaines réactions, le Chapitre du Latran s’est vu obligé, comme d’habitude, "d’ajuster le tir". Manœuvre qui a été jugée par tous peu crédible, avec ses "confusions de traduction de l'anglais" qui ont fait sourire jusqu'aux journalistes. Il Messaggero a même évoqué des « tournures presque comiques »1.

 

Une "erreur de virgule d’anglais" a été évoquée pour plaider en faveur d’une impossibilité de bien comprendre : celui qui avait officiellement "pontifié" au Latran sur la Chaire de Saint Pierre était bien un "évêque", mais anglican, donc non validement ordonné et de surcroît marié et franc-maçon avoué. S’il s’agissait d’une erreur, alors pourquoi faire de même quelques jours plus tard avec un autre chef d'une secte schismatique et hérétique comme Tawadros II, et offrir, au chef de l' "église" copte hérétique, Saint Jean du Latran et profaner ainsi la basilique pour la deuxième fois en moins d'un mois ? Église la plus significative de la terre et du primat de Rome !

 

Pourquoi, œcuméniquement, le "pape des Coptes" a-t-il pu, d'abord enseigner (!) avec une catéchèse sur l'unité des chrétiens le 13 mai 2023, puis célébrer solennellement le 14 mai - dans la Cathédrale du Pape ! - pour tous les Coptes (schismatiques et hérétiques monophysites) présents à Rome, donnant ainsi l'impression qu'ils n'ont pas besoin de se convertir à l'Église catholique pour sauver leur âme ?

 

Cette fois-ci, il n'y a pas eu de déclaration attribuant le fait à des "erreurs de traduction" et à des "virgules" d’anglais. Maintenant, il n'y a même plus la feuille de vigne de l'anglais...et son Excellence Mgr Farrell parle au nom de François d'accueil...et même de « liberté religieuse »2.

 

Le concept devient clair, même pour ceux qui n'avaient pas voulu comprendre jusqu'à présent. Les églises catholiques peuvent être à disposition de tous ceux qui ne sont pas en communion avec l'Église, car telle est la nouvelle direction œcuménique, mais elles sont interdites à tous ceux qui sont soumis à l'autorité ecclésiastique et qui veulent célébrer le rite grégorien latin. Les mesures draconiennes qui ont aboli Summorum Pontificum en sont l’illustration.

 

Concernant les raisons profondes de cette aversion pour le rite traditionnel, dans les paroles autorisées d'un Pape (aspect qui a échappé à certains esprits sectaires), nous renvoyons à notre dernier article La vraie raison pour laquelle la Messe traditionnelle est "problématique".

 

 

Cela explique pourquoi, alors que Traditionis Custodes ferme les églises aux prêtres et aux Instituts qui célébraient le rite traditionnel et leur rend la vie impossible dans la célébration des Sacrements (sauf dans les cas où le bon sens catholique l'a emporté), un accord très, très pratique a été conclu avec la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X.

 

En effet, François a accordé et accorde encore aujourd’hui à cette société, qui à notre avis n’est pas formellement schismatique (même si certaines de ses dérives le sont), mais dont la situation est en rupture canonique avec Rome, plusieurs faveurs : 1) la faculté généralisée d'entendre validement les confessions sans avoir à demander aux évêques résidentiels ; 2) la faculté de célébrer validement les mariages en tout lieu ; 3) la faculté même d'ordonner des prêtres sans la permission de l'Ordinaire local, donc sans encourir aucune sanction canonique. Ce pouvoir, de fait, est d'ailleurs largement amplifié, à ce que l'on sait, par la Curie romaine, puisque lorsqu'elle est interrogée par l'évêque qui veut savoir s'il doit ou non sanctionner un prêtre parti avec la FSSPX, elle répond que - dans ce cas qui "tient beaucoup à cœur au Pape François" - l'œcuménisme "de fait" doit prévaloir aussi bien avec les frères Anglicans séparés du Latran qu'avec les frères Lefebvristes séparés... parce que nous sommes "Fratelli tutti"... sauf ceux qui célèbrent le Vetus Ordo Missae et qui n'appartiennent pas à la FSSPX !

 

Et le discours devient : "de fait" ne les sanctionnez pas. Les autres prêtres qui veulent célébrer le rite traditionnel le comprendront d'eux-mêmes, dans les diocèses ce sera souvent un "non", mais à la Fraternité Saint-Pie X je les laisserai bien tranquilles...et je leur donnerai ce qui les arrange. "De fait", un peu comme lorsque - "de fait" - j'accorde le Latran aux Protestants et aux Coptes ... "de fait".

 

François a été clair sur ce point, nous devons seulement « évangéliser » et non « faire du prosélytisme » car « notre annonce missionnaire n'est pas du prosélytisme, j'insiste beaucoup là-dessus, mais le partage d'une rencontre personnelle - "si tu veux, le Seigneur est comme ça, cette vie est ainsi...", mais pas du prosélytisme ». Ce discours sinistre de l’ "antiprosélitisme" avait déjà alarmé lors de la première année bergoglienne (voir Lettre ouverte au Cardinal Maradiaga). Son retour confirme pleinement les inquiétudes déjà exprimées à l’époque.

 

Il est évident que dans cette perspective, non pas de clarté, non pas de vérité, non pas d'appartenance visible à l'Église, mais seulement d’une générique « rencontre personnelle », les églises (entendues comme bâtiments) sont à donner de préférence à ceux qui sont séparés de l'Église, aux Anglicans, aux Coptes et - pourquoi pas - même à la Fraternité S. Pie X. Après tout, il ne s'agit que d'une « destination à trouver ensemble » au nom de la « liberté religieuse ».

 

Mais il ne faut pas soutenir ces groupes de catholiques « divisifs » (c’est l’hôpital qui se moque de la charité...) qui - tout en restant visiblement soumis à l'autorité romaine - rappellent au contraire qu'il y a un besoin de conversion pour les Anglicans et les Coptes, et qu'il y a un besoin, pour la Fraternité Saint-Pie X, au moins de vérité, de clarté et de correction de certaines dérives.

 

L'évêque d'A. l'a bien compris, lui qui a fermé un centre de messe traditionnelle ( pourtant bien aligné sur tous les aspects doctrinaux et liturgiques, entre autres par crainte de sanctions ) et a déclaré : « S'ils avaient été schismatiques comme la Fraternité Saint Pie X ou comme les orthodoxes, cela aurait été bien, mais le fait est qu'ils veulent être catholiques et continuer la Messe traditionnelle tout en restant dans l'Église, c'est inacceptable ». Peu de mois après et à peu de kilomètres, ouvrait un centre de Messe de la Fraternité S. Pie X. Ut unum sint ? Etrange Unité des chrétiens

 

Tout cela nous semble très clair : la politique est de pousser vers la sortie tous ceux qui adhèrent au Vetus Ordo Missae. Et ils donneront, ou plutôt ils donnent déjà, des églises aux "frères séparés" (à Vienne, par exemple, l'une des plus belles et des plus anciennes églises du centre a déjà été donnée gratuitement par François - avec passage de propriété ! - à la Fraternité S. Pie X !), les traitant tous comme des "églises sœurs fédérées", les Anglicans avec leur rite, les Coptes avec leur rite, l'Église lefebvrienne avec son rite.

 

Ainsi s’explique Traditionis Custodes et ses restrictions contre la messe traditionnelle dite par ceux qui sont soumis à l’autorité, alors que la Fraternité Saint Pie X bénéficie de concessions extraordinaires. La même situation très douloureuse est vécue par les catholiques de rite oriental unis à Rome, mais considérés comme un « obstacle à l'œcuménisme ». Avec cohérence et sacrifice ils ont choisi dans le passé la fidélité à Rome au prix de la persécution. Le nouveau courant ecclésial les traite comme un « obstacle » à la réalisation du (faux) œcuménisme. Celui sans vérité.

 

Le Vatican a de fait jusqu'à présent mieux traité les schismatiques que ses propres enfants, si quelqu'un en doute, qu’il demande aux prêtres catholiques orientaux de Syrie...

 

L’accueil des Anglicans au Latran, relève de la même logique et démolit l’action de Benoît XVI qui, malgré ses contradictions, avait créé l’Anglicanorum coetibus, structure favorisant le retour des Anglicans à l’Unité Catholique.

 

De la même façon, on persécute les catholiques qui célèbrent la Messe traditionnelle dans la fidélité à Rome et on favorise un "accord pratico-utilitaire", très politique - mais sans vérité ni clarté - entre Bergoglio et la FSSPX.

 

Don Stefano Carusi

 

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13 mai 2023 6 13 /05 /mai /2023 11:28

Dit de manière concise par une source faisant autorité


13 mai 2023, Saint Robert Bellarmin et Notre Dame de Fatima

 

 

«Dans la mise en œuvre concrète de la réforme liturgique, les thèses de Luther ont silencieusement joué un certain rôle au point que dans certains milieux, on a pu affirmer que le décret du Concile de Trente sur le sacrifice de la Messe avait été tacitement abrogé. La dureté de l’opposition à l’admissibilité de l’ancienne liturgie était certainement en partie fondée sur le fait qu’on y voyait œuvrer une conception du sacrifice et de l’expiation qui n’était plus acceptable».


(Sa Sainteté Benoit XVI, p.98 de l'édition italienne de son livre posthume; l'édition française omet certains mots)

 

 

Communauté Saint Grégoire le Grand

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25 mars 2023 6 25 /03 /mars /2023 20:09

 

Les "Communaux", les Communautés agraires, les Confréries

 

Dans le panorama multiforme offert par l'État pontifical, la répartition de la propriété foncière présente de nombreux aspects communs avec les administrations contemporaines de l'Ancien Régime, mais, compte tenu des particularités du territoire, elle présente dans certains cas des évolutions singulières.

 

En étudiant l'organisation des "communaux" (usi civici dans l’original italien, ndt) et des terres en propriété collective, il faut noter qu'un traitement général s'avère réducteur, les diversités environnementales susmentionnées ayant entraîné l'adaptation des usages à la géographie.

 

Sur l'ensemble du territoire des États pontificaux, le droit à la propriété foncière collective était reconnu ; tous les habitants de la communauté exploitaient de vastes étendues de terre et exerçaient le droit de pâturage, de coupe du bois et, dans certains cas, de semailles pour les besoins de la famille. Cette forme particulière de tenure agraire devait son existence à la nécessité de protéger les pauvres. Elle permettait, dans une société agricole, à ceux qui n’avaient rien de survivre, de posséder de petits troupeaux et de les faire paître sur les terres communes, de se chauffer, de cuisiner et d’utiliser le bois des forêts publiques, de chasser et de pêcher dans les montagnes et les lacs qui n'étaient pas soumis à une législation purement individualiste e capitaliste de la propriété.

 

En retraçant l'histoire de ces droits, certains en font remonter l'origine à la culture féodale, d'autres vont jusqu'à les rattacher à la transhumance des troupeaux des peuples de l'Italie pré-romaine. Mais l'hypothèse la plus raisonnable semble la plus évidente, retenue ab antiquo et formulée par le cardinal Giovanni Battista de Luca1 au début du 19ème siècle : la raison d'être de l'existence de la propriété commune, à côté de la propriété privée, est inhérente au droit naturel. Elle trouve ses origines lointaines dans la nuit des temps, depuis que les hommes ont ressenti le besoin de la propriété privée, mais ont aussi reconnu la nécessité de l’usage collectif de certains biens. La conception du Cardinal s'inscrit dans la doctrine chrétienne de la richesse, donnée par Dieu à l'humanité pour qu'elle vive et prospère, mais non pour que quelques-uns s'en emparent à leur profit exclusif.

 

Les premiers documents attestant de l'existence de biens communs dans les États de l'Église remontent au XIIIe siècle et concernent Sezze, Pérouse, Orvieto. A Velletri, l'émergence des structures de la commune est attestée par la présence des "procuratores silvae" qui administraient les forêts communales2. De l'autre côté des États, à Bolognola et Visso, dans les Apennins de l'Ombrie-Marche, la propriété collective, est attestée dans le premier de deux cas par un document daté de 13533, « elle couvre jusqu'à 70% du territoire communal, constitué de forêts et de pâturages. L'élevage des moutons et l'exploitation des bois, principales ressources des populations montagnardes, reposent essentiellement sur la propriété collective»4. Ce type d'exploitation était répandu dans de nombreuses localités de l'Italie centrale et permettait aux moins aisés d'élever des moutons et des cochons5. Souvent, l'exploitation réglementée de ces ressources fut à l’origine de la naissance d'une conscience communautaire, qui allait investir même de très petites localités et allait contribuer à la naissance de nouvelles municipalités.

 

Dans une grande partie des marais Pontins, la pêche était pratiquée dans les étangs et les cours d'eau appartenant à la municipalité ; de même, le droit de chasse sur les terres publiques offrait la possibilité d'attraper du gros gibier dans les forêts et du gibier d'eau dans les lacs6.

 

À côté de la propriété collective, les "communaux" (usi civici) ont perduré jusqu'à l'époque moderne; selon de Luca, ils permettaient à certaines communautés ou au baron d'exercer le ius pascendi sur des terres privées à certaines périodes de l'année. Dans certains cas, l'origine de ces droits pouvait remonter à l'époque de la cession par la communauté ou par le seigneur féodal de portions de terre, en réservant toutefois le droit de pâturage et de coupe du bois. Si le cédant était la Communauté, tous les habitants jouissaient des privilèges conservés, c’était les pâturages dits "de jure dominii". Dans le cas des pâturages "de jure cessionis", c’était un particulier qui cédait le droit de pâturage à la Communauté, qui le transférait ensuite à ses membres. Mais le cas le plus répandu était celui des pâturages "de jure civico" ou "consuetudinario", qui remontaient à une tradition immémoriale, selon laquelle les habitants des communautés avaient le droit de faire paître leur bétail sur les terres privées, baronniales, communales, ouvertes (non clôturées) et non cultivées ; ce droit était parfois étendu aux terres après la récolte, après la fauche du foin et dans les bois lorsque trois ans s'étaient écoulés depuis la coupe7.

 

Selon Antonio Coppi, dans ses écrits de 1842, les "communaux" (dans ce cas le ius pascendi) concernaient dans les États de l'Église environ 300 000 rubbie de terre (environ 554 000 hectares), soit environ 13,27 % de l'ensemble du territoire ; mais la situation était beaucoup plus marquée dans le Latium où, selon les données de Nicolaj (les chiffres datent du début du XIXe siècle), dans la délégation de Frosinone le phénomène touchait environ 43% du territoire, dans la délégation de Viterbe plus de 50%, mais dans les limites communales de Bagnaia, Barbarano Romano, Bieda, Vetralla et Viterbe il dépassait 85%, s'élevant à 97,8% pour la seule capitale8.

 

Dans les Marches, peu après la chute du gouvernement papal, il y avait 351 communautés agraires et 22359 terres sous domination collective9.

 

Dans de nombreux cas, les associations agraires étaient chargées de gérer les priorités et les attributions, de défendre et de réglementer les droits acquis avec des statuts spéciaux, elles portaient les noms de Comunanze, Comunità, Università. Ce sont ces institutions qui veillaient à ce que le paysage agraire ne se transforme pas en une kyrielle de troupeaux. Elles empêchaient les abus et les vexations et, surtout, elles défendaient avec acharnement un usage qui permettait de nourrir des milliers de bouches, en favorisant l'émergence d'un sentiment d'appartenance et la protection du bien commun d'un territoire.

 

Aux XVIIIe-XIXe siècles, sous l'impulsion des "Lumières" et des nouvelles théories libérales de l'économie, l'idée de l'abolition des "communaux" (usi civici), au profit de la jouissance exclusive du propriétaire, avança10. Dans les États ecclésiastiques, les nouveautés ne firent que susciter un débat et conduisirent Pie VII à promulguer des réformes dans le domaine de l'agriculture et du commerce des céréales. A ce sujet, le pape Chiaramonti a toujours opéré les changements avec la prudence nécessaire. Un contemporain, le duc Odescalchi explique que le pape ne voulait pas courir le risque de « modifier un système qui avait déjà réglé depuis si longtemps pacifiquement la culture des provinces suburbaines, ni de dépouiller de nombreuses communautés et de nombreux barons d'un droit, peut-être nuisible au bien public, mais qu'ils avaient acquis de la manière la plus légale, soit du prince, soit de ceux qui en avaient joui avant eux »11. Petronio commente : « On avait ainsi tenté de concilier renouvellement et conservation, besoins productivistes et garantie des structures constituées »12.

 

La Notification de 1849 visait à encourager une culture céréalière plus intense sur les terres appropriées. Mais, même cette mesure modérément innovante (dont l'application, non seulement était facultative, mais ne pénalisait pas excessivement les communautés, garantissant aux bénéficiaires des "communaux" une compensation en terres pour ce qu'ils avaient perdu)13, n'a pas eu de grands effets. En 1884, après une enquête dans les ex-territoires pontificaux, la situation semblait, de l'avis d'un ministre libéral, décourageante14.

 

Pour analyser le phénomène, il faut considérer que le gouvernement pontifical avait été extrêmement sensible aux doléances des populations et lorsque, comme dans ce cas, les associations paysannes des communautés avaient fait appel à la bienveillance pontificale pour réviser la loi, le Pape avait freiné son application « de peur que les populations rurales ne se trouvent privées du minimum vital»15. Cette analyse est confirmée en 1887 par le député Giovanni Zucconi qui n'est certainement pas suspect de sympathies envers le gouvernement papal16.

 

Après l’unité italienne, les parlementaires eurent moins de scrupules à bousculer les costumes séculaires : les exigences du capitalisme libéral de la fin du XIXe siècle bouleversèrent l'ordre agraire et social des territoires qui n’étaient plus pontificaux

 

La loi du 27 avril 1888 se révéla « faillible et néfaste (une loi de classe, parce avantageuse seulement pour les propriétaires…). Elle provoqua de violentes réactions paysannes à cause des indemnités trop faibles qui n’étaient presque jamais accordées en terre, et à cause de l’absence de possibilités d’affranchissement en faveur des bénéficiaires»17. Seuls de modestes vestiges des anciens "communaux" furent conservés, ce qui eut pour effet d'exacerber le malaise social18 et de créer un terrain favorable à l'émigration et à l'émergence du social-communisme.

 

Au Parlement, pour défendre les plus démunis, la voix même du député Franchetti s'était élevée. Le 15 décembre 1887 il avait pris la parole pour défendre les droits des associations agraires et avait fustigé ses collègues. Selon le rapport des actes parlementaires il avait affirmé que « l’école classique d’économie […], ferme dans sa seule distinction entre capitalistes et travailleurs »19 ressentait « une antipathie instinctive pour les entités hybrides, telles que les communautés d’usagers dans lesquelles l’individu disparait et qui ont pour but d’assurer un bénéfice à une catégorie de personnes en tant que telle ». Dans sa défense désespérée de ces "corporations de pauvres", il avait déclaré : « c'est une véritable dépossession que vous consommez avec cette loi : vous pouvez bien trouver le moyen d'indemniser les usagers en tant qu'individus, mais en tant que classe, ils restent dépossédés ; c'est une catégorie de personnes qui, par des moyens ordinaires, n’ont aucune manière de se nourrir, qui trouvent dans cette richesse commune du pays un moyen de subsistance supplémentaire, qui les empêche de mourir de faim. Vous leur retirez cet avantage et, en le leur retirant, vous ne leur donnez rien en retour. Et quand vous aurez aussi indemnisé les usagers actuels des droits que vous abolissez, vous aurez créé pour les générations futures une classe de prolétaires qui n'existe pas aujourd'hui » 20.

 

Les Confréries de l'Urbe à la défense des catégories sociales

 

Les rues et les places de Rome, épargnées par les démolitions de la période post-unitaire et du Ventennio, témoignent encore d'une réalité sociale qui s'est également exprimée dans l'urbanisme. Les palais des princes romains se mêlent aux masures des gens du peuple, souvent intercalés d'une chapelle ou d'un oratoire où des personnes de toutes conditions se réunissaient à des dates précises pour solenniser une fête, pour célébrer le saint patron céleste d'une catégorie de travailleurs, pour assister spirituellement et économiquement les pauvres, les prisonniers et les condamnés à mort, ou encore pour commémorer une date importante qui rappelait la lointaine patrie.

 

Les confréries étaient très nombreuses, il pouvait s'agir d'associations de compatriotes ou de métiers, dédiées à des pratiques de piété ou d'assistance, parfois caractérisées par un authentique esprit de corps qui, dans le tempérament romain, se transformait aussi en rivalité innocente. Tous, nobles et plébéiens, ecclésiastiques et commerçants, pouvaient porter un même uniforme et un même emblème, distingués seulement par les signes des fonctions occupées par chacun au sein de l’association.

 

Retracer l'histoire de toutes les confréries romaines est une tâche ardue, mais évoquer leur activité est important pour comprendre la vie quotidien d'un monde qui s’exprimait comme un chœur qui chante à plusieurs voix.

 

Les théories sur l'origine des confréries sont partagées : certains les font remonter à l'aube de la civilisation, d'autres situent leurs premiers balbutiements à la fin de l'âge apostolique, d'autres encore associent leur naissance aux collegia funeraticia (associations reconnues par les autorités romaines qui, en tant que propriétaires de tombes, garantissaient à leurs membres le droit à une sépulture privée), d'autres enfin estiment qu'il est raisonnable de n'en parler qu'à partir du Moyen-Âge.

 

Leur activité dans le domaine de la charité et de l'assistance est rarement niée, mais leur fonction de protection juridique et administrative des catégories sociales ou nationales est souvent négligée ou ignorée. L'importance qu'elles ont eue dans l'ancien régime n'a pas suscité l'intérêt des historiens comme elles le mériteraient, notamment parce que ce qui était souvent une influence charitable auprès des puissants plutôt qu'une ingérence dans l'administration, par sa nature même, laisse moins de traces dans les archives.

 

Il ne faut pas oublier l'impétuosité avec laquelle l'ascendant de ces corporations s'est manifesté sur la scène politique romaine à la mort de Cola di Rienzo en 1354. Rome fut plongée dans un conflit civil dont les membres de la baronnie furent les protagonistes. Avec une détermination exemplaire, les membres de la Compagnia dei Raccomandati della Santa Vergine intervinrent et, forts du consensus et de l'estime inconditionnelle du peuple romain, ils pacifièrent la ville, imposant Giovanni Cerrone comme gouverneur du Capitole et soumettant la ratification de cette nomination au Pape (alors en Avignon)21.

Ces associations ont toujours eu la considération de la population et, dans les moments les plus graves, fortes de l'esprit de corps susmentionné, elles ont exercé leur influence sur les puissants du jour, constituant, dans les moments d'égarement et de désordre, un fort rappel à la concorde de la cité. Pour confirmer l'importance de leur rôle dans les États catholiques de l'ancien régime, il faut rappeler que les confréries ont constamment partagé, avec les ordres religieux, la haine des révolutionnaires, les ennemis du trône et de l'autel identifiant toujours en l'un et l'autre un ennemi dangereux ; partout où arrivaient les "Lumières" ou les jacobins en herbe, que ce soit dans la Toscane léopoldienne ou dans la France de la Terreur, on persécutait les confréries, objet d'une rancœur réservée aux pires adversaires.

 

Dans la Rome papale, l’association en confréries était si importante qu'elle rassemblait et protégeait sous une même bannière tous ceux qui immigraient dans la capitale de la chrétienté depuis les différentes parties du monde. Les confréries dites nationales permettaient à ceux qui avaient une origine commune de célébrer avec leurs compatriotes des anniversaires particulièrement chers, d'observer leurs propres traditions et, dans la ville de la langue latine, de conserver l'usage de leur propre langue.

 

L'archiconfrérie des Saints Ambroise et Charles des Lombards, distincte de celle des habitants de Bergame22, ou celle de Saint Jérôme des Slaves, qui protégeait les exilés slaves de l'invasion turque, se développèrent ; celles de Saint André des Bourguignons, de Saint Julien des Belges, de Saint Yves des Bretons, du Saint-Suaire des Piémontais, du Saint-Esprit des Napolitains, et celles des Lucquois, des Siciliens et des Espagnols prospérèrent.

 

Les franchises accordées permettaient même à un condamné à mort étranger de faire appel à la confrérie de son pays, afin que celle-ci lui procure une grâce ; la confrérie de Saint-Benoît et de Sainte Scolastique « fondée au profit des Nursini à Rome »23 avait le privilège de libérer un condamné à mort de ce diocèse d'Ombrie. Nursie, cependant, se trouvait en territoire papal mais, comme nous l'avons mentionné dans le chapitre précédent, les communautés de l'État bénéficiaient d'un "traitement diplomatique" similaire à celui réservé aux autres États souverains.

 

Les habitants de Nursie n'étaient pas les seuls sujets pontificaux à jouir du privilège d'une confrérie nationale : les Bolognais se réunissaient sous la protection des Saints Pétrone et Dominique, les habitants des Marches invoquaient Notre-Dame de Lorette, les habitants de Cascia vénéraient Sainte Rita, les habitants de Camerino se retrouvaient dans l'église des Saints Venanzio et Ansovino, sur les murs de laquelle figurait l'épigraphe Nationis Camertium.

Les confréries avaient partagé avec les guildes médiévales la défense des prérogatives de certaines catégories de travailleurs et, surtout dans la capitale, elles avaient hérité de leurs fonctions et les avaient développées. Presque tous les métiers avaient leur propre corporation confiée à la protection d'un Saint ; les travailleurs étaient ainsi unis et défendus, alliant pratiques pieuses et esprit d'appartenance. Les Archiconfréries de Santa Maria della Quercia des Bouchers, St Eloi des Ferrailleurs ou Saint Grégoire des Maçons étaient très actives, mais même les métiers les moins répandus pouvaient s'enorgueillir d'une confrérie, comme celle de Sainte Barbara des Artificiers, dont les membres, dans un état pacifique, s'attachaient davantage à saluer les processions par des salves de canon qu'à tirer sur les armées. La confrérie des Cuisiniers et des Pâtissiers, ou la confrérie des Imprimeurs placées sous la protection des Docteurs de l'Église, ou celle des Apprentis tailleurs, distincte de celle des Tailleurs, ou encore la confrérie des Saints Blaise et Cécile des Matelassiers où « ceux qui en dehors de la confrérie avaient une position supérieure, pouvaient se trouver dans l'organisation hiérarchique de la confrérie en subordination à un employé de leur propre atelier »24.

 

Il y avait aussi les universités et les collèges des Vendeurs de poulets, des Tisserands, des Fabricants de macaroni, des Éleveurs de vaches, des Épiciers, des Vendeurs de légumes, des Négociateurs des marchandises qui arrivaient par le Tibre25, des Constructeurs de bateaux, des Vendeurs de poissons ou celui des Peintres et des Sculpteurs, devenu plus tard l'Académie de Saint Luc, tout cela montre bien que l'image de Rome comme ville de parasites ne vivait que dans les pamphlets protestants.

 

Saint Philippe Neri, « le troisième apôtre de Rome », fonda en 1536 une confrérie pour assister les pèlerins du Jubilé : l’Archiconfrérie de la Très Sainte Trinité des Pèlerins et des convalescents. Dans son siège du quartier de la Regola, on pouvait voir des princes et des cardinaux laver les pieds gonflés des pèlerins ou mendier du pain et du vin pour les pauvres, le visage nu et sans capuchon, dans un exercice extraordinaire d'humilité réservé aux premiers citoyens de Rome. Lors du jubilé de 1575, l'Archiconfrérie accueillit 144913 pèlerins tout en continuant à s'occuper de ses 21000 convalescents, et offrit 365000 repas. Le vainqueur de Lépante, le prince Marc'Antonio Colonna, et le Pape lui-même servirent à table. Un concours de charité fut lancé parmi la noblesse romaine et, en 1649, le prince Ludovisi donna « un traitement public à 12000 femmes »26. Une attention particulière était accordée aux pèlerins d'Inde, d'Arménie et de Syrie, qui, après les difficultés du long voyage, trouvaient un accueil chaleureux dans l’Urbe.

 

Les confréries tenaient alors le rôle dévolu aujourd’hui à « l’État-Providence ». Elles remplissaient efficacement leur mission, puisque la capitale de l'État pontifical se targuait d'avoir un hôpital pour 9363 habitants, alors que Londres en avait un pour 4073727.

 

L'Archiconfrérie des Douze Apôtres, chère à Saint Ignace de Loyola, ouvrit, à la demande du cardinal Barberini, une pharmacie qui distribuait des médicaments à ceux qui présentaient un certificat du curé attestant de leur pauvreté.

 

L'État ne dédaignait pas de céder une parcelle de souveraineté, en laissant les administrateurs de la confrérie de Sainte-Elisabeth, chargée de la gestion du grand hôpital de Saint-Sixte percevoir la gabelle sur le bois et l’impôt sur les cartes à jouer. Pour subvenir aux dépenses de la structure, un boiteux parcourait la ville en s'appuyant sur un aveugle, tous deux demandant l'aumône et, après avoir reçu l'offrande, dans une Rome catholique mais pas moralement obtuse, le donateur se voyait remettre du tabac à priser sur une coupelle d’argent28.

 

Les prisonniers étaient pris en charge par l'Archiconfrérie de Saint Jérôme de la Charité. Les statuts stipulaient que « pour le soin de tous les prisonniers, la Confrérie paierait un médecin, un chirurgien et un barbier pour les soigner et les aider dans leurs maladies naturelles » ; il était du devoir des confrères de surveiller la qualité de la nourriture et la quantité de viande donnée aux prisonniers. Un prélat était désigné pour les visiter et apporter les confidences de la famille sans l’intervention des juges29.

La confrérie des Sacconi Rossi était chargée de récupérer les morts noyés dans le Tibre et de les enterrer à ses frais, en partageant cette œuvre pieuse avec les frères de Santa Maria ad Orazione e Morte ; à l'occasion d'une crue du fleuve, les confrères vinrent jusqu'à Ostie pour recueillir les corps emportés par le courant et les préserver de l'outrage des animaux. Mais, les besoins n'étant pas seulement d'ordre naturel, la Confrérie secourait aussi les âmes de ceux qu'elle avait trouvés sans vie, en faisant célébrer des messes en suffrage pour ces malheureux inconnus.

 

L’unification de l’Italie sonna le glas des confréries. Le 18 février 1890, un parlementaire déclara : « Je ne perdrai pas beaucoup de temps au sujet des confréries et autres institutions semblables. On ne peut reconnaître un caractère d'utilité publique à des organismes qui, à quelques exceptions près, ont pour objet de réaliser le spectacle des fonctions religieuses, causes et effets du fanatisme et de l'ignorance, de régler le droit de préséance dans les processions, de défendre les prérogatives d'une image contre une autre, de fixer le mode et l'heure des offices, de régler les sonneries de cloches, les tirs de pétards, etc. Les inconvénients moraux, politiques et sociaux auxquels elles donnent lieu dans l'exercice de leur action sont continuels et graves. Elles sont en un mot plus nuisibles qu'utiles à la société »30. La loi de suppression fut approuvée le 20 juillet 1890, condamnant 11707 confréries31. L'État effaçait l’empreinte catholique de l'assistance publique, s’emparait des hôpitaux, des églises et du mobilier, et dispersait un patrimoine artistique et historique d'une importance indéniable. Luigi Huetter, historien et chantre de la Rome condamnée à disparaître, écrit à propos de la suppression de ces anciennes confréries : « elles avaient eu une habileté et une beauté indiscutables. Devant la loi, elles avaient souvent interprété le bon sens populaire. Contre le blasphème et le crime, elles signifiaient la prière, la foi, le sacrifice. Dans le choc des factions, au milieu des puissants oppresseurs, elles retenaient toutes les classes sociales sous une bannière identique devant l'autel commun. Les pratiques extérieures elles-mêmes paraissaient en accord avec cette époque. Ces pénitents encapuchonnés chantant des litanies à la lueur des torches impressionnaient les âmes simples. Tout le monde pliait le genou devant les frères inconnus. Ces arcanes religieux où le deuil et la mort tenaient une si grande place laissaient un peu de douceur dans les esprits et permettaient d’entrevoir un voyage d'espérance. Mais la mentalité libérale professait que l'évolution des temps exigeait la disparition des confréries, qu’elles soient bonnes ou mauvaises »32.

 

 

La fin de "l'État par corps intermédiaires"

 

Haïs et calomniés autant que son dernier Pape-Roi, les États de l’Eglise formés au cours des siècles sur les ruines fumantes de Rome, s’étendant du Pô au Liri, avaient donné à la Ville Éternelle la grandeur de ses basiliques et l’intimité de ses quartiers. Dans la partie du "Bel Paese" qu’ils administraient, les États Pontificaux avaient permis l’émergence d’un paysage agraire et d’un réseau de villes inégalé. Arrivés à leur crépuscule, ils avaient transmis à l’Italie nouvelle les traditions communales et la société ordonnée par corps intermédiaires qui avaient fasciné les voyageurs du Grand Tour par leur harmonie et qu’une administration centralisatrice s’apprêtait à balayer.

 

A l'entrée des Bersaglieri, on sait que Rome resta immobile, étonnée, incrédule. Au bout de quelques jours, les nouveaux barbares, les "buzzurri", comme le peuple romain appelait les libéraux qui venaient d'arriver, se mirent à marteler les blasons pontificaux, à éventrer le centre historique, à démolir églises et palais, à couvrir l'ancien temple de l'Aracoeli de la masse blanche du Vittoriano, de sorte que la toile de fond de la Via del Corso ne fût pas un édifice chrétien. Sur les ruines de la Rome des Césars et sur le tissu urbain de la Rome papale, on imaginait la construction de la "troisième Rome", selon les aspirations de Mazzini, et pour édifier laquelle il fallait d’abord produire d'abondantes ruines.

 

La destruction de l'ancienne conception de la souveraineté n'épargna aucun aspect de la vie en commun. Autrefois, dans les États pontificaux, l'impératif était la construction de la Civitas Christiana, dans le respect des préexistences et des droits acquis; désormais, le seul credo était l'idolâtrie de l'État.

 

Au nom du soi-disant bien public, les pouvoirs des gouvernants s’étendirent de manière démesurée. Les parlementaires s'arrogèrent le droit de supprimer les ordres religieux et les confréries, de leur refuser le droit de posséder. Les caisses du gouvernement italien, qui s'amenuisaient, furent comblés par le vol des biens de l'Église et des pauvres. Même les tableaux de la Renaissance et les toiles des grands maîtres, arrachés à leur lieu d'origine, prirent le chemin du marché des antiquaires, pour ne plus témoigner dans tous les coins du pays de ce lien séculaire entre religion catholique et mécénat artistique, entre autonomie locale et prospérité passée. Le peuple devait changer ses coutumes et ses traditions par décret royal : plus de processions ni de fêtes populaires, mais uniquement des célébrations de héros improbables du Risorgimento. C'est ainsi que s'imposait « l’État nouveau », celui que les despotes gouvernent le mieux parce qu'il est désorienté et sans racines.

 

Don Stefano Carusi

 

 

1 M. Caffiero, L’erba dei poveri. Comunità rurale e soppressione degli usi collettivi nel Lazio (secoli XVIII-XIX), Roma 1982, pp. 19 e ss. Le texte est remarquable pour le travail de recherche effectué et pour quelques observations intéressantes sur l'histoire économique et sociale, en tenant compte du fait que l'orientation de l'auteur est très éloignée de la nôtre.

2 J. C. Maire Vigueur, Comuni e Signorie in Umbria Marche e Lazio, op. cit., p. 332.

3 A.A. Bittarelli, L'economia integrata silvo-pastorale-boschivo-laniera negli usi civici del 1353 e negli statuti del 1654 a Bolognola, in "Atti e memorie della deputazione di storia patria per le Marche", ser.VIII, IX, 1975 pp. 315 e ss.

4 J. C. Maire Vigueur, Comuni e Signorie in Umbria Marche e Lazio, op. cit., p. 332-333.

5 Ibid., p. 333.

6 Ibid., pp. 334, 335.

7 M. Caffiero, op. cit., p. 19-20.

8 Ibid., p. 20-21.

9 M. S. Corciulo, Il dibattito parlamentare sulla legge 24 giugno 1888, in P. Falaschi (ed.) Usi civici e proprietà collettive nel centenario della legge 24 giugno 1888, Atti del convegno in onore di Giovanni Zucconi (1845-1894), Camerino 1991, p. 95.

10 Depuis 1776, dans le Grand-Duché de Toscane, la législation de Léopold avait initié une forte réduction des usages civiques qui s'est poursuivie au siècle suivant. Cf. L. Acrosso-G. Rizzi, Codice degli usi civici, Rome 1956, pp. 533 et ss.

11B. Odescalchi, in ASRm (Archivio di Stato Sez. di Roma), Congregazione economica, 68/3 cité dans U. Petronio, Qualche spunto sulla questione demaniale in Italia prima della legge Zucconi, in P. Falaschi (ed.) Usi civici e proprietà collettive nel centenario della legge 24 giugno 1888, Atti del convegno in onore di Giovanni Zucconi (1845-1894), cit. p. 68.

12U. Petronio , op. cit., p. 68.

13 Cf. L. Acrosso-G. Rizzi, op. cit., p. 496 et ss. Le texte peut également être consulté pour la législation de la République romaine sur les "communaux" (usi civici), en particulier le décret du 3 février 1849 ; la Notification de Pie IX, plus prudente, est datée du 29 décembre 1849.

14 Pour une analyse de la position de Bernardino Grimaldi, partisan convaincu de l'abolition des usages civiques et ministre de l'agriculture du gouvernement Depretis, voir P. Grossi, Un altro modo di possedere. L'emersione di forme alternative di proprietà alla coscienza giuridica post-unitaria, Milan 1977, passim.

15M. S. Corciulo, op. cit., p. 87.

16 P. Falaschi (ed.), Usi civici e proprietà collettive nel centenario della legge 24 giugno 1888, Atti del convegno in onore di Giovanni Zucconi (1845-1894), op. cit., passim.

17 M. Caffiero, L'erba dei poveri, op. cit., p. 113, note 50.

18 Sur la situation des paysans dans le Latium après l'Unité, cf. A. Caracciolo, Il movimento contadino nel Lazio (1870-1922), Roma 1952 ; G. Pescosolido, Usi civici e proprietà collettive nel Lazio dalla Rivoluzione Francese alla legislazione dello stato italiano, in "Nuovi Annali della Facoltà di Magistero dell'Università di Messina", 5 (1987).

19 M. S. Corciulo, op. cit., p. 93.

20 Atti parlamentari, Camera dei Deputati, Legisl. XVI, II sessione, 1886 - 87 citati in M. S. Corciulo, Il dibattito parlamentare sulla legge del 24 giugno 1888, cit., pp. 93, 94.

21 Statuti della Ven. Arciconfraternita del Gonfalone, tipografia poliglotta della S.C. di Propaganda Fide, Roma l888 ; cf. aussi E. Dupré Theseider, Roma dal comune di popolo alla signoria pontificia, (1252-1377), Istituto di studi romani, storia di Roma XI, Bologna 1952.

22 Les Bergamasques étaient réunis dans la Confraternité des saints Barthélemy et Alexandre.

23 M. Maroni Lumbroso, A. Martini, Le confraternite romane nelle loro chiese, Roma 1963.

24 Ibid., pp. 74-75.

25 Médiateurs dans le commerce des produits arrivant à Rome par voie fluviale, il convient de mentionner l'importance économique des ports de Ripetta et de Ripa Grande sur le Tibre, qui ont tous deux disparu entre la fin du XIXe siècle et le début du siècle suivant.

26 Cenni storici sulla Ven. Arciconfraternita della SS Trinità de' Pellegrini e Convalescenti di Roma, Roma tipografia F. Caputi, 1917 ; M. Maroni Lumbroso, A. Martini, op. cit., p. 427.

27 V. Faraoni, A. Mencucci, Vita del venerabile Pio IX, Roma 1952.

28 , M. Maroni Lumbroso, A. Martini, op. cit., pp.143,144.

29 Ibid., pp. 149-154.

30 L. Huetter, Le Confraternite. Misteri e riti religiosi delle pie associazioni laiche di Roma dalle origini a oggi (réimprimé par D. Paradisi) ), Roma 1994, pp.34-35.

31 Ibid., p. 34.

32 Ibid., p. 36.

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25 janvier 2023 3 25 /01 /janvier /2023 11:09

Et sa proximité avec la Franc-maçonnerie?

 

25 janvier 2022, Conversion de saint Paul

 

Couverture de Franc-Maçonnerie Magazine n° 26, Sept.-Oct. 2013

Il n’est pas dans l’esprit de notre revue d’alimenter ou de diffuser les discours morbides de la presse concernant certaines faiblesses personnelles du clergé au sujet desquelles, lorsqu’elles sont avérées, la sage position de Saint Jean Bosco devrait être prise en compte. Cependant, pressé par un de nos lecteurs concernant une histoire passée admise par le Cardinal Jean-Pierre Ricard, influent président de la Conférence Épiscopale Française pendant des années, nous pensons qu'il est un devoir de proposer des éléments de réflexion. On sait que la presse mondano-maçonnique, aime amplifier de manière démagogique les affaires concernant le sixième commandement lorsqu’elles touchent le clergé alors qu’elle adopte une position ultra-libertine lorsque des quidams en sont les protagonistes. Récemment, elle a souillé l'image de l'Église de France, également en proie à d'autres scandales par un martèlement médiatique dépassant largement la réalité.

Il est évident que certains actes, lorsqu'ils sont avérés, ont une réelle gravité morale intrinsèque. Il est également vrai que tant que quelqu'un ne se charge pas de les diffuser, ils n'impliquent pas nécessairement un scandale public... A cet égard, un certain monde médiatique catholique, voire traditionnel, apparemment soumis à des critères mondains et conformistes doit être réprimandé pour le plaisir qu’il trouve dans la dénonciation des scandales impliquant des autorités de tendance moderniste. À notre avis le débat doit rester sur le plan doctrinal, puisque l'autre est glissant ; d’ailleurs que celui qui se tient debout prenne garde de ne pas tomber... aucun milieu n’est exempt des conséquences du péché originel et il est très peu chevaleresque de fixer le niveau de la confrontation sur ce plan. D'autant plus que ces questions-là sont déjà largement montrées du doigt par l’opinion publique, alors qu'ailleurs l'oubli règne.

 

Malheureusement, le puritanisme hypocrite des protestants et de la culture anglo-saxonne qui nous domine désormais a également déformé la façon de penser de ceux qui se croient de mentalité traditionnelle, en plaçant au premier rang les péchés contre le sixième commandement (ou plutôt certains des péchés contre le sixième commandement). Personne ne croit désormais qu'il existe des péchés contre la foi. Le protestantisme et le catholicisme moderniste en effet, avec leur subjectivisme, considèrent qu'un "comportement inapproprié" (et il semble qu’en fin de compte ce soit le cas de l'accusation portée contre le Cardinal) est plus grave que la négation d'une vérité de foi. Si chacun est libre de construire sa propre foi, tous les concepts qui y sont liés sont relatifs et subjectifs, on ne peut même plus parler de péché contre la foi.

 

Il est évident, dans la perspective catholique traditionnelle, que les actes contre le sixième commandement sont graves, mais il devrait être tout aussi évident que les péchés contre la foi sont gravissimes. Si les premiers se limitent souvent à des affaires privées avec un scandale circonscrit, les seconds - surtout dans le clergé ou le haut clergé - comportent presque toujours un aspect de gravité publique, de scandale généralisé, de corruption du depositum fidei, de la plus grande gravité pour un Cardinal. D'autant plus que, si les premiers peuvent être imputés à la faiblesse, à une chute occasionnelle ou à la surprise, les seconds impliquent généralement préméditation et réflexion.

 

Que ces distinctions soient difficilement accessibles aux hâbleurs de la presse libéralo-maçonnique, ou qu'ils se vautrent délibérément dans la boue pour nuire à l'Église, n'est guère surprenant. Il est surprenant que les ragots scandaleux parviennent, sous prétexte de "transparence", à influencer et même à conditionner la pensée catholique à la recherche d’une utopique et inexistante "impeccabilité du clergé". En revanche, on se moque sans aucune honte des questions principales, celles qui ont trait à la doctrine de la foi !

 

C'est ainsi que les plus hautes autorités ecclésiastiques ont agi - stimulées par les journaux et la pensée dominante - avec une sollicitude totalement inhabituelle lorsque les affaires sont d'un autre ordre.

 

Mais où étaient-ils ces ecclésiastiques érigés en juges très sévères et en gardiens inflexibles de la morale lorsque le Card. Ricard a révélé publiquement sa participation à des séances maçonniques ? En tant que Cardinal en plus ! Nous ne parlons pas d'une erreur commise par un jeune prêtre, pour laquelle - après des décennies - il aurait même eu droit au pardon et à l'oubli, mais d'un scandale public en matière gravissime, passible même d’excommunication dans l'ancien code de droit canonique !

 

Existe-t-il, oui ou non, une hiérarchie des péchés ? Y a-t-il des péchés "graves" et des péchés "gravissimes" ? Est-ce l'opinion publique la source de cette hiérarchie ? En réalité, on ne se déchaine que contre les péchés "graves", qui de plus datent de cinquante ans et sont incertains, mais on ne prend pas de mesures contre les "gravissimes", qui sont publics, récents et sans équivoque, mais qui jouissent des applaudissements médiatiques. Ainsi en est-il de la participation à une "tenue blanche" de la Franc-maçonnerie.

 

Les péchés contre la foi, oui ceux-là, sont "gravissimes" pour un prélat, avec leur aspect souvent prémédité et moins passionnel que d'autres faiblesses moins contrôlables. Mais surtout parce qu'ils touchent un objet - la foi justement - qui est au sommet, qui est suprême, qui est la richesse la plus précieuse à défendre dans l'Église. Quand Son Éminence Révérendissime le Cardinal Ricard s'est rendu à une "tenue blanche" de la Franc-maçonnerie - la Contre-Eglise selon les Papes - comme l'a rapporté Franc-Maçonnerie Magazine ( n° 26, Sept.-Oct. 2013, p. 22), scandale dénoncé dans notre article du 22 février 2014, nous n'avons pas connaissance que le chœur des évêques de France ou les autorités du Saint-Siège aient bougé pour faire justice et condamner le coupable à une abjuration publique et à une demande tout aussi publique d'excuses au peuple scandalisé, comme ils l'ont exigé et obtenu pour l’affaire révélée récemment.

 

Nous ne pouvons pas non plus passer sous silence une question qui traverse notre esprit et celui de certains lecteurs : quelle nécessité y a-t-il d'aller dans une loge quand on est libre de tout conditionnement ? Est-ce toujours un libre choix de fréquenter certains cercles ? Est-ce parfois une nécessité de se lier d’amitié avec eux, les premiers informés "d’erreurs de jeunesse" de prêtres devenus par la suite évêques et cardinaux ? Et qui peut-être - en espérant que ces cas soient limités -ont-ils été promus à des postes de responsabilités précisément parce que contrôlables ?

C'est peut-être une coïncidence, le Card. Ricard se vit confier le rôle décisif de "Cardinal-Conseil" dans ce qui avait toutes les apparences d’une "mise sous commissaire permanent" de l'IBP. Dans quelle mesure, ses choix, non seulement sur ce point que nous connaissons si bien, mais aussi sur bien d’autres dossiers délicats de l’Eglise de France ont-ils été réellement libres ?

 

Nous répondons donc à nos lecteurs en soulignant plusieurs aspects : la gravité de la crise dans l'Église - et malheureusement pas seulement dans le milieu ouvertement moderniste - est telle que les péchés contre la foi, qui dans les cas graves mériteraient une excommunication immédiate et une réduction à l'état laïc, sont réduits à des "sensibilités différentes" ou tout au plus à des "initiatives pastorales inopportunes", mais on ne voit ni sanctions ni même de réprimandes. Certains péchés contre le sixième commandement, vieux de nombreuses années et parfois d’une portée douteuse comme ceux reprochés au Card. Ricard sont devenus impardonnables pour des décennies. Ce sont aujourd’hui les seuls pour lesquels l’autorité ecclésiastique est capable de présenter des excuses, marquant ainsi sa soumission "aux maitres du discours" qui, non seulement dirigent les médias, mais indiquent aussi à l'Église quels sont les péchés graves à punir et les péchés gravissimes à déclassifier.

 

C'est le plein triomphe du subjectivisme dans la foi. Et dans la morale. Dans la foi, puisqu'en rejetant l'objectivité des dogmes à croire, en épousant l'immanentisme le plus éhonté, en minimisant l'importance de la matière doctrinale, on ne conçoit plus la gravité d'un péché contre une vérité révélée par Dieu. Subjectivisme dans la morale, car notre monde est devenu incapable de traiter l'agir humain selon une hiérarchie objective à l’égard de la plus ou moins grande gravité d'un acte. Dans l'analyse, on se laisse influencer par le pilonnage médiatique, qui nous pousse vers un puritanisme à l'américaine et un indifférentisme moderniste dans les vérités de la foi et de la loi naturelle. Cela, oui, c’est grave, même mieux gravissime. Cela crie vengeance aux yeux de Dieu.

 

La Rédaction de Disputationes Theologicae

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1 janvier 2023 7 01 /01 /janvier /2023 22:11

A l’annonce de la mort de Sa Sainteté Benoit XVI nous invitons nos lecteurs à lever des ferventes prières pour la Sainte Église et à réciter le De Profundis pour le repos de Son âme.

 

De profùndis clamàvi ad te, Dòmine;

Dòmine, exàudi vocem meam.

Fiant àures tuae intendèntes

in vocem deprecatiònis meae.

 

Si iniquitàtes observàveris, Dòmine,

Dòmine, quis sustinèbit?

Quia apud te propitiàtio est

et propter legem tuam sustìnui te, Dòmine.

 

Sustìnuit ànima mea in verbo ejus,

speràvit ànima mea in Dòmino.

 

A custòdia matutìna usque ad noctem,

speret Ìsraël in Dòmino,

quia apud Dòminum misericòrdia,

et copiòsa apud eum redèmptio.

Et ipse rèdimet Ìsraël

ex òmnibus iniquitàtibus ejus.


La Rédaction

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18 novembre 2022 5 18 /11 /novembre /2022 22:45

18 novembre 2022, Dédicace des Basiliques de S. Pierre et S. Paul

Ambrogio Lorenzetti, Allégorie du Bon Gouvernement, Sala dei Nove del Palazzo Pubblico, Sienne

(Effets du Bon Gouvernement en ville et à la campagne, le murailles ouvert de Sienne entre ville et campagne)

 

Pour lire la première partie cliquer ici

 

Du XIe au XIIIe siècles, on assiste à l'émergence généralisée d'autonomies communales, dont les statuts ont presque toujours eu le dessus sur les structures féodales. Il convient de rappeler que la tradition urbano-centrique de l'Italie n’a jamais disparu et que la densité des sièges épiscopaux, donc des villes, était particulièrement élevée en Italie centrale1. Durant cette période, les Papes ne possédaient pas pleinement le contrôle du territoire. Cependant les Communes prospérèrent grâce à l’exercice d’une « autorité médiate par des communautés et institutions juridiques implantées localement et entretenant des relations très diversifiées avec le pouvoir central […], mais toujours dans une dimension bilatérale des rapports »2. S’installe ainsi «un processus de reconstruction de la territorialité centrée sur la ville, n’ayant pas de termes de comparaison précis dans d’autres régions d’Europe»3.

 

L’engagement de Grégoire VII, la détermination d'Innocent III et de Boniface VIII, constituent des exemples significatifs de la consolidation de l’état ecclésiastique, «cependant les cités-Etats sont plutôt incorporées aux États régionaux qu’absorbées et transformées. Les structures juridiques et organisationnelles du territoire, des communautés de vallée, des petites villes, des seigneuries territoriales sont respectées par un pouvoir politique central qui a une attitude de constatation à l'égard des institutions siégeant sur le territoire, prend acte de leur existence, et en assume la tutelle (le souverain tuteur4. Dans le processus de renforcement des États régionaux, la géographie politique préexistante n'est pas bouleversée, mais elle est respectée. Une fonction fondamentale est reconnue, conforme au concept de souveraineté typique du Moyen Âge, qui cède de larges pouvoirs aux corps intermédiaires : « dans les États Pontificaux la territorialité des villes soumises (soumises mais encore et toujours capitales provinciales, aux compétences étendues dans les domaines juridictionnel et fiscal) conserve un poids très important, destiné à durer sous plusieurs aspects jusqu'à la fin de l'Ancien Régime »5.

 

En 1309 commence pour l'Église la période de la captivité d'Avignon. Les Papes en résidence forcée en Avignon doivent se soumettre à la pesante tutelle de la monarchie française. Dans les villes majeures de l'Italie papale, dans le sillage d'une pratique généralisée, certaines familles vont profiter de la situation. Les domaines pontificaux verront fleurir un nombre extraordinaire de Seigneuries qui, à divers titres, gouverneront des territoires de taille moyenne, s'improvisant despotes de province ou s’affichant, en quête de légitimité, feudataires du Saint-Siège. L'ère des Seigneuries fut marquée par l'exaspération de l'orgueil des cités hégémoniques. La fierté des Communes s'était propagée au cours des siècles précédents grâce à la tolérance des Pontifes. Désormais ces capitales aux vastes contés, qui avaient érigé des palais civiques austères sur leurs propres places et des clochers élancés pour leurs propres cathédrales, se sentaient capitales dans tous les sens du terme juste après l’Urbs, à laquelle elles reconnaissaient, dans le contexte temporel, une primauté davantage honorifique que factuelle.

 

En 1353, le cardinal Egidio d'Albornoz arriva sur les terres de l'Église comme légat et vicaire général d'Innocent IV. La tâche du Cardinal était de ramener à l'obéissance les villes et les institutions qui avaient excessivement abusé de l'éloignement des Papes. En l'espace de deux ans, le légat obtint l'extraordinaire résultat de faire reconnaitre la suprématie papale dans le Patrimoine toscan, dans le Duché de Spoleto et dans les Marches. Le grand mérite d’Albornoz, cause de son succès rapide fut « une attitude dépourvue de rigidité doctrinale. Il n'y avait pas de modèle fixe de subordination communale »6.

 

Au printemps 1357, le Cardinal voulut a promulgation des Constitutiones Aegidianae, « qui restèrent en vigueur, au moins en partie, dans les États de l'Église jusqu'en 1816 »7, et dont l'esprit était destiné à imprégner toutes les relations futures entre le pouvoir central et les institutions périphériques. Les Constitutiones codifièrent un modèle d'ordre administratif qui, à long terme, porta des fruits abondants ; le Cardinal ne voulut pas s'immiscer dans les diverses formes de gouvernement local qu'il rencontrait ; en l'absence d'interdictions ou de contre-indications précises, les différenciations, surtout si elles découlaient de traditions spécifiques, n'étaient pas perçues comme un obstacle à la consolidation de l'État.

 

A la lecture du texte, on constate que les « laudabiles et antique consuetudines »8 accompagnèrent la législation d’Albornoz, à condition qu'elles ne fussent pas « a jure prohibite »9. De même, les « statuta ordinamenta, decreta aut municipales leges »10 furent accueillies, à condition qu'elles ne fussent pas « contra libertatem ecclesiasticam vel contra constitutiones generales nostras »11.

 

Le principe du respect des coutumes et des traditions locales était consacré, à condition qu'elles ne portent pas atteinte aux droits de l'Église.

 

En ce qui concerne l'organisation interne des Communes, il convient de noter qu'il est quasiment impossible de dresser un tableau unique de la situation dans les domaines pontificaux, précisément en vertu de la pratique décrite ci-dessus, car les réalités administratives, loin d'être imposées d'en haut, se forgèrent selon les caractéristiques géographiques et selon la répartition de la population. Elles varièrent en fonction des moments historiques ; il y eut des formes de démocratie directe, de gouvernement aristocratique, de participation mixte bourgeoise et noble, de législation antimagnatizia avec exclusion de la noblesse des magistratures ou, plus tard, avec la présence du podestat.

 

A partir du XIIIe siècle, les Arts, associations qui regroupaient les membres des métiers et défendaient leurs intérêts dans les domaines législatif et fiscal, prirent un pouvoir de plus en plus important12. Le droit coutumier obtint sa codification au sein des sociétés communales par des réglementations qui protégeaient les différentes composantes sociales par le biais d’un système corporatif et veillaient aux intérêts de la population à travers une représentation territoriale capillaire13.

 

De nombreuses Communes, au XIVe siècle, étaient devenues des Seigneuries, en vertu desquelles un régime monocratique dirigé par une famille s’était instauré dans les villes et dans les territoires soumis. Dans ces cas également, l’Albornoz avait accepté le statu quo, se limitant à exiger des actes de soumission plus formels que réels. A la fin du XVème siècle, la poussée seigneuriale touche à sa fin et le Saint-Siège entame le long chapitre de la récupération des territoires inféodés. Les villes passent alors d’une domination exercée par l’intermédiaire du seigneur local à une dépendance directe du Siège romain par le status de villes immediate subiectae. Dans ce cas également, le pouvoir central, poursuivant une politique immuable, n'osa ni ne voulut assujettir les communautés de l'État, qui au cours des siècles avaient démontré une extraordinaire capacité d’autogouvernement, sans turbulences excessives14.

 

Avec les villes, le retour à la domination papale directe était convenu mais pas imposé ; dans le cas d'Urbino, on attendra pendant des décennies15. En même temps, le respect des coutumes et de l'autonomie était garanti, les lois locales protégées et le droit d'en promulguer de nouvelles accordé. Le droit de déterminer de manière autonome la composition de la classe dirigeante était reconnu, au moment de la dévolution et dans les années à venir16. La perspective était de laisser les grands centres continuer à exercer le rôle de capitale de leur territoire ; dans certains cas, le Saint-Siège alla jusqu'à accorder le maintien du titre d' Etat. Souvent cette reconnaissance dura jusqu'à la chute du pouvoir temporel des Papes, démontrant que l'ampleur des concessions n'était pas un impératif dicté par les contingences, mais une véritable ligne d'intervention17. On prenait acte de l'existence d'un ensemble d'États mineurs, dont la survie était garantie au sein d'une structure plus large, en échange on demandait aux bénéficiaires la reconnaissance d’un pouvoir temporel absolu : non pas au sens de l'absolutisme royal de l'époque moderne, celui des États protestants ou de la France de Louis XIV, mais plutôt au sens médiéval de la summa legibusque soluta potestas18 du Pontife. Un pouvoir par lequel le Gouvernant, voyant les choses d'en haut, doit administrer en vue du vrai bien commun et de ce fait n'est pas tenu par le respect pointilleux et légaliste de toute norme juridique. C’est en ce sens qu’il est absolu, au sens de absolutus (délié) de cette obligation. Il n'est pas soumis aux lois positives, mais les adapte et les corrige là où elles entravent le bien, il les applique précisément ad mentem legislatoris, trouvant dans la loi naturelle et révélée ou dans le droit coutumier les limites de son pouvoir royal.

 

Dans l'optique d'un État d’États, Rome n'était la ville dominante que pour son attrait spirituel et parce qu'elle était la résidence du souverain. Aucun cas similaire n’exista en Europe ni dans la République de Venise, ni dans l'État florentin ou dans le duché de Milan19.

Le pouvoir central se limita à envoyer des représentants dans la périphérie, mais garda toujours des sphères d'intervention distinctes, non seulement à l'égard des magistratures des villes, mais aussi à l'égard des pouvoirs religieux locaux. Là où le Pape envoyait des Cardinaux légats ou des Prélats gouverneurs, les chevauchements avec l'autorité épiscopale locale étaient toujours évités ; dans l'État du Pape, l'évêque avait des fonctions pastorales, tandis que les occupations temporelles étaient l'apanage des légats pontificaux20.

 

Des pactes étaient conclus entre le pouvoir central et la périphérie, par lesquels les gouverneurs envoyés et les organes des villes collaboraient à la bonne gouvernance des affaires publiques, dans le respect mutuel de leurs rôles. Le gouverneur n'était pas un plénipotentiaire (les recours à la Sacrée Consulte ou à la Congrégation du Bon Gouvernement contre eux seront très fréquents)21 et les magistrats communaux n'étaient pas des oligarques despotiques. Au contraire une diarchie qui cherchait à être une garantie contre les excès et les abus se créait dans les capitales.

 

La liberté de la cité reposait sur des gouvernements locaux dont les membres étaient choisis, au gré des lieux et des époques, par les familles aristocratiques du territoire ou par l'ensemble de la population urbaine ayant le droit de cité, par les capitaines des arts ou par les trois catégories citées. Dans certains cas, le gouvernement local était confié aux plus fortunés, en excluant parfois la noblesse féodale, dans d'autres situations, ceux qui s'occupaient des arts mécaniques ou ceux qui pratiquaient l'agriculture sur leurs propres terres étaient également admis aux magistratures22.

 

Le modèle du patriciat urbain fut le plus largement diffusé : les magistrats étaient élus ou tirés au sort au sein d’un noyau de familles inscrites dans des registres spéciaux. Il constituait un corps ouvert et les nouvelles admissions étaient souvent cooptées selon un ius proprium, en complète autonomie par rapport au souverain, qui se bornait souvent à ratifier les normes des Statuts civiques. Les associations de métiers étaient représentées dans les conseils, tout comme les communautés des contés qui continuaient à avoir leur mot à dire. En cas d'événements extraordinaires, les chefs des ordres religieux, étaient consultés pour leur sagesse et leur expérience23.

 

Grâce à cette souplesse, le Saint-Siège, au cours de deux siècles (XV-XVI), réussit une entreprise apparemment désespérée : la récupération d'un territoire soumis à des cités indomptées. Ce projet était certainement plus difficile qu'ailleurs, puisque l'autorité centrale manquait de continuité dynastique et de projets familiaux, la papauté étant une charge élective, parce que le Pontife possédait une cour, la Curie Romaine, cosmopolite et variée et parce que le souverain, facteur extrêmement important, ne disposait pas « in toto, comme dans les États protestants, du patrimoine ecclésiastique »24. Ce dernier était soumis à des normes coutumières stratifiées qui dépendaient d’une forêt d'institutions propriétaires, allant des confréries aux ordres religieux, des mensae épiscopales aux bénéfices paroissiaux, des canonicats aux chapellenies. Il était donc impossible, si tant est qu'on y ait pensé, d'orienter l'exploitation économique de ce capital vers le renforcement du sommet de l'État, comme ce fut le cas à l'époque moderne chez les princes protestants, qui après avoir confisqué les biens ecclésiastiques les géraient de manière autocratique.

 

Plus le travail s’annonçait difficile, plus la patience et la prévoyance des Papes se révélèrent fructueuses : les actions de force, qui auraient affaibli et épuisé ces villes, épine dorsale e richesse de l'État, furent limitées ou pratiquement interdites : l’autodétermination locale fut privilégiée. Conscient que personne ne pouvait mieux administrer un territoire s’étendant des marais Pontins à ceux de Ferrare, des forêts de la Tuscia aux collines fertiles des Marches, du Bénévent à Avignon, le pouvoir central laissa une large place aux forces locales qui avaient prospéré sur la base de rapports et de coutumes pluriséculaires.

 

Ce soin apporté au traitement de leurs sujets entraina une saison de richesse et de prospérité, au cours de laquelle les avantages pour les gouvernants et les gouvernés se multiplièrent. Montaigne, Montesquieu, Goethe s'émerveillèrent de la densité du réseau urbain des provinces pontificales. Celui-ci comptait plus de cent villes, dont la moitié avec un évêché antérieur à l'an 1000 et la présence d'une deuxième ville comme Bologne. On relevait l'autosuffisance des collectivités locales « en termes de structures d’assistance et de sauvegarde sociale : hôpitaux, œuvres pieuses et caritatives, monts de piété et frumentari, annona [...], d’activités liées à l'échange et à la distribution de biens (foires et marchés), [...] des gestions de grande importance dans l'économie agricole (possession en commun, domaines collectifs). Que l’on pense aussi aux activités liées à la gouvernance hydrologique des territoires comme par exemple la réglementation des eaux intérieures dans les régions de Ferrare et de Bologne »25.

 

Ce système de gouvernement a permis une vivacité culturelle des villes visible encore aujourd’hui, que l’on pense aux productions artistiques de la période médiévale et de la Renaissance, du baroque et du XVIIIe siècle. La floraison de théâtres et de tribunaux, de musées et de bibliothèques, d'académies littéraires et scientifiques, de collections publiques et privées témoigne d'une opulence passée. De même, la réalité provinciale constituait, pour l'administration centrale, un réservoir de juristes, formés dans certaines des plus anciennes universités, l'État n’en comptant pas moins de huit : Ferrare, Bologne, Pérouse, Fermo, Camerino, Urbino, Macerata, et bien sûr, la Capitale.

 

Un paysage où l'identité d'un territoire était liée à une capitale, à laquelle même les habitants des campagnes les plus reculées s'identifiaient, où les limites des réalités administratives n'étaient guère plus que provinciales, où les villes immediate subiectae, si fières d'un glorieux passé, ne devait obéissance qu'au Pape.

 

La Révolution française avec ses idées d'étatisme transalpin sapa l'ancien système et l'ère ultérieure de la soi-disant Restauration, ne fut pas capable de reproposer - certes avec les adaptations qui se rendaient nécessaires aux circonstances changées - l’esprit de la souveranité médiate et des autonomies médiévales. Même dans les Etats Pontificaux l’historien avisé a du mal à cerner une volonté ferme de reconstruire ce tissus qui avait porté tant de paix et prospérité dans le passé. On poursuivit plutôt, quoique timidement, un modèle de “modernisation administrative”  qui regardait peut-être trop aux pressions européennes et trop peu à la vielle tradition d’équilibre entre centre et périphérie. Et cela à cause aussi d’une certaine sujétion culturelle du monde catholique envers quelques idées des Lumières”. Cependant, rien de comparable à la tempête idéologique de l’époque de l’unification qui frappa avec férocité les États Pontificaux en bouleversant l’organisation pluriséculaire de son territoire.

 

En 1832 le Cardinal Tommaso Bernetti écrivait: « Toutes les instances et controverses relatives aux changements territoriaux concernant les agrégations ou les séparations de communautés [...] seront résolues par les délégués respectifs [...] après avoir exploré le vœu des populations concernées »26. Quelques années plus tard, suite à l'unification de l'Italie, démontrant cet esprit centralisateur si cher aux gouvernements d'inspiration révolutionnaire, les provinces de Frosinone, Velletri, Civitavecchia, Orvieto, Viterbo, Camerino, Rieti, Fermo, Spoleto furent supprimées au mépris des protestations de la population.

Pour le soi-disant État moderne, l’idée conçue sur un coin de table l’emporta sur la réalité, et des territoires connexes furent démembrés et des paysages différents unifiés, dans le mythe, partagé uniquement par les cartographes, de dessiner des régions inexistantes27.

 

A suivre.

 

 

1 G.M. VARANINI, L’organizzazione del territorio in Italia: aspetti e problemi, dans La Società Medievale, sous la direction de S. Collodo e G. Pinto, Bologna 1999, pp. 135 e ss.

2 Ibidem, p. 161.

3 Ibidem, p. 162.

4 Ibidem, p. 168.

5 Ibidem, p. 169.

6 D. Waley, Lo stato papale dal periodo feudale a Martino V, cit., p. 295.

7 E. Saracco Previdi, Descriptio Marchiae .Anconitanae, Dep. di Storia patria per le Marche, Ancona 2000, p. XXI; pour l’oeuvre du Cardinal d’Albornoz cf. aussi P. Colliva, Il Cardinale Albornoz, lo stato della Chiesa, le Constitutiones Aegidianae (1353-1357), con in appendice il testo volgare delle costituzioni di Fano dal ms Vat. Lat. 3939, Bologna 1977.

8 P. Sella, Costituzioni Egidiane dell’anno MCCCLVII, Roma 1912, pp. 233 e ss.

9 Ibidem.

10 Ibidem, et pp. 84 e ss.

11 Ibidem. Pour un approfondissement de la question voir Colliva, op. cit.

12 J.C. Maire Vigueur, Comuni e Signorìe in Umbria, Marche, Lazio, in Storia d’Italia, cit., I comuni nel periodo consolare e podestarile, pp.383 ss.

13 Ibidem, pp. 383-384.

14 B. G. Zenobi, “Le ben regolate città”, modelli politici nel governo delle periferie pontificie in età moderna, Roma 1994, pp.14-16 e 45-49.

15 La devolution du Duché d’Urbin se fera seulement en 1631. Cfr. Zenobi, cit., p. 95.

16 Ivi, p. 238.

17 Que l’on pense au cas de Camerino auquel même après la dévolution du Duché et le passage à Siège de Delegation Pontificale fut reconnu le titre d’ État, Ville et Duché, P. Savini, Storia della Città di Camerino, Camerino 1895, passim. L’usage de cette formule est très fréquent dans les documents d’archive de la ville et dans l’usage générale au moins jusqu’à la Révolution Française, après l’époque de la Restauration les mentions se font plus rares.

18 Voir aussi R. de Mattei, La sovranità necessaria. Riflessioni sulla crisi dello Stato moderno, Roma 2001.

19 B. G. Zenobi, op. cit, p. 6.

20 “Salvo temporanee e rarissime supplenze interinali o speciali attribuzioni di poteri commissariali affidati eccezionalmente ai titolari del governo spirituale delle diocesi (...) immediatamente reperibili (..) e ben informati degli affari locali”. Ivi, p. 6.

21 Ibidem, pp. 47-48.

22 Ibidem, pp.197 e ss.

23 P. Savini, op. cit., p. 180.

24 B. G. Zenobi, Le ben regolate città, cit., p. 51.

25 Ivi, p. 7.

26 Editto del Cardinale Tommaso Bernetti “Disposizioni sull’organizzazione amministrativa delle provincie", Roma 1831, nella stamperia della Rev.da Camera Apostolica, titolo I, 4.

27 Osservazioni interessanti in proposito provengono anche da altri punti di vista, cfr. R. Volpi, Le regioni introvabili, centralizzazione e regionalizzazione dello Stato Pontificio, Bologna 1983.

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29 septembre 2022 4 29 /09 /septembre /2022 21:39

29 septembre 2022, Saint Michel Archange

 

"Allégorie des effets du bon et du mauvais gouvernement"

Ambrogio Lorenzetti - Palazzo Pubblico de Sienne

 

Le mondialisme maçonnique d'aujourd'hui propose, ou plutôt impose un modèle de gestion du monde, dans lequel la notion même d'État, d'organisation étatique, de chose publique sont dissous, liquéfiés et refondus dans une idée informe au service de la grande finance internationale et de ceux qui la manœuvrent comme instrumentum regni. Sans racines, sans identité, sans religion, sans roi, sans aristocratie, sans même le peuple et sans même - si cela était possible - la terre que nous avons sous les pieds. On construit un monde fondé sur la dissolution de toute certitude naturelle et surnaturelle et sur un idéalisme qui voudrait abattre toutes les frontières et toutes les limites de l'être créé.

 

Face à cette dérive, nous proposons le texte d’une conférence donnée il y a une vingtaine d’années au congrès de Controrivoluzione de Civitella del Tronto, sous le titre Lo Stato Pontificio e i corpi intermedi (Les États pontificaux et les corps intermédiaires). Les indications intemporelles contenues dans l’histoire de l’État catholique par excellence, répondent en partie à la crise déclenchée par l’ étatisme d’aujourd’hui.

 

L'idée centrale, dont nous verrons l'application pratique dans l'histoire de l'administration des États pontificaux, est celle qu'Aristote et saint Thomas avaient déjà illustrée : on n'applique pas une idée à la réalité en déformant cette dernière pour garder intacte l'idée préconçue. On lit la réalité qui se présente à nous - et qu'un Autre a créée avec ses propres règles - et seulement ensuite on cherche le meilleur système pour la gouverner, en la dirigeant vers son bien objectif. C'est ainsi que les deux grands penseurs, même si saint Thomas exprime sa préférence pour la monarchie pour sa plus grande ressemblance au gouvernement divin, n'absolutisent aucun modèle administratif, mais nous disent que la forme monarchique, aristocratique ou démocratique peuvent toutes être bonnes, pourvu qu'elles répondent au caractère et à la tradition des peuples gouvernés. De plus, ces adaptations administratives stratifiées dans le temps, s'adaptant à la diversité des réalités, peuvent souvent constituer une richesse à maintenir. En d'autres termes, il existe des peuples et des territoires qui doivent être gouvernés différemment parce que - tout simplement - ils sont différents. Il n'y a pas de modèle unique de gouvernement à reproduire en série, il y a des peuples, des histoires, des territoires, des cultures. On n’impose pas des systèmes d’en haut, on constate des réalités.

 

Il existe aussi au sein de l’État des réalités sociales qui lui sont naturelles et constituent pour le gouvernant à la fois un soutien et une limite qui doivent être respectées. Il s’agit de ces entités qui sont comme les membres d'un corps que le chef ne peut couper sans nuire gravement au bien-être de l'organisme tout entier, des entités qui ne remplacent pas le chef, mais que le chef ne peut supprimer ou modifier selon ses caprices, car ce n’est pas à lui de les inventer. Il les constate ou à la limite en favorise la naissance, laissant prospérer les inclinations de la nature. Ce sont les corps intermédiaires.

      

Cette étude tend à montrer comment l’Église a déployé sa sagesse millénaire dans l’administration des territoires qui lui étaient soumis « in temporalibus », en s’appuyant sur les applications pratiques du principe décrit plus haut. Elle ne prétend pas à l’exhaustivité, mais tente de fournir quelques éléments de réflexion en précisant que ce qui est proposé présuppose d'abord la défaite de l'apostasie actuelle.

 

Les fruits du bon gouvernement, de la richesse, de l'épanouissement du savoir et des arts dans les États pontificaux n'ont pas besoin d'explication pour quiconque connait l’histoire. Une des causes de cette si grande prospérité réside en partie dans l'exercice de la souveraineté par des corps intermédiaires, une approche très éloignée de la déification absolue de l'État et du droit positif et de l'uniformisation absolue du mondialisme d’aujourd'hui. Pour comprendre concrètement la distance qui sépare ces deux mondes, nous concentrerons notre regard sur trois aspects. Le premier est le rapport entre l'autorité centrale et le territoire, il implique l’exigence d'unité autour du gouvernant dans le respect des particularités et des autonomies des gouvernés, réunis eux-mêmes dans d'autres sociétés qui ne doivent être ni phagocytés ni dissoutes, mais respectées. Le deuxième point concerne l'aspect économique de la conception de la propriété foncière et son utilisation à la fois pour la prospérité de l'État et la protection des pauvres. Au-delà de la conception certainement datée, qui voyait la richesse principalement dans la terre, l'œil attentif et non idéologique pourra discerner l’approche économique d’un ordre qui vise à observer la justice et la charité, dans la recherche légitime du bien-être y compris économique, mais sans affamer les pauvres. Le troisième point porte sur le travail d'agrégation, et d'assistance réalisé par les corps de métier et les confréries, qui unissaient et organisaient les couches de la société autour de tâches précises et s'incarnaient dans le territoire, de manière à être un véritable et efficace ciment de la société, prenant soin de tous.

 

 

Les prémisses historiques     

 

Au cours des Ve-VIIe siècles après J.-C., après le déplacement du siège impérial à Constantinople et le transfert progressif de l'aristocratie sénatoriale vers le Bosphore, Rome se présentait comme une ville provinciale en décadence; à l'exception de l'exemple de Justinien, le désintérêt des empereurs était tel qu'il alarmait les contemporains; les seules autorités concernées par le sort de la ville étaient les évêques de l'Urbs, qui avaient assumé un rôle de catalyseur en raison de leur prestige[1].

 

L'intervention des Pontifes suppléait souvent aux absences impériales, au point que l'approvisionnement de la ville en denrées, l'annone, en vint à être supporté par les greniers de l'Église ; le rôle traditionnel d'assistance aux pauvres se confondait ainsi avec les tâches que le pouvoir civil était incapable d’accomplir [2].

 

Les évêques romains, bien qu'exerçant de véritables fonctions gouvernementales, réaffirmèrent constamment leur loyauté envers l'Empereur, au point de l'implorer, souvent avec véhémence, de s'occuper de l'Occident avec plus de sollicitude, et Grégoire le Grand, en 593, « dénonça avec angoisse le vide laissé par le Sénat » [3].

 

Au cours de la première moitié du VIIIe siècle, la situation commença à devenir intenable : les Lombards d'Astolphe menaçaient Rome, dans le désintérêt total de Byzance, qui était par ailleurs effectivement impuissante [...]. En 756, Pépin III le Bref, roi des Francs, au terme de sa campagne victorieuse en Italie, donnait les territoires envahis par les Lombards au Prince des Apôtres, « à saint Pierre et par lui au Pontife régnant et à ses successeurs à perpétuité »[4]. Le document (donatio) et les « claves portarum civitatum » [5] furent déposés sur la Confession de Saint-Pierre : par cet acte on prouvait que la transmission avait eut lieu. Charlemagne, en confirmant la donation de son père, mentionnait la limite septentrionale des territoires donnés, de Luni dans le nord de la Toscane (« Luni cum Corsica ») à Monselice en passant par Parme et Reggio, il remettait au Pontife une vaste portion de l'Italie qui comprenait, outre l'Italie centrale et le Sud avec les trois grandes îles de la mer Tyrrhénienne, mais également Venise et l'Istrie ; cependant la question des frontières, notamment celles du nord-est, a suscité dans le passé chez les juristes, aujourd'hui chez les historiens, des controverses qui ne sont pas encore apaisées [6].

 

L'assentiment impérial à la donation fut réaffirmé par Louis le Pieux en 817 et par le Privilegium d'Othon Ier en 962 ; l'empereur Henri II en 1020 confirma également l’œuvre de ses prédécesseurs. Si l'on peut émettre des doutes quant au pouvoir des premiers rois francs de donner des territoires byzantins, on ne peut en dire autant des derniers exemples mentionnés [7].

 

Les États pontificaux émergeaient lentement dans une situation de grande incertitude et d'instabilité. Les pontifes étaient confrontés à un territoire à peine sorti des ruines des invasions barbares, frappé par le désintérêt des empereurs byzantins et que les empereurs germaniques s’apprêtaient à délaisser pour longtemps. Pour aggraver la situation, s’ajoutèrent au cours des IXe et Xe siècles les incursions des Sarrasins (870, 910) depuis leur base du Garigliano et les invasions des Hongrois (927, 937, 942), événements à l'origine du phénomène d'enchâtellement de toute la campagne romaine. Mais, dans la mesure du possible, les Papes cherchèrent constamment à maintenir le tissu urbain romain, favorisant ainsi l'élan communal qui allait marquer la grande floraison du Moyen Âge en Italie centrale.

A suivre…

Don Stefano Carusi

 

 

[1] G. Arnaldi, Le origini del Patrimonio di S. Pietro, dans Storia d'Italia, dirigé par G. Galasso, Turin, v. VII, t.II, p15 et ss. Les fonctionnaires byzantins étaient présents à Rome jusqu'au VIIIe siècle, mais leur influence réelle sur la politique de la ville était marginale : cf. O. Bertolini, Roma di fronte a Bisanzio e ai Longobardi, dans Storia di Roma (ed. Istituto di Studi Romani), Bologna 1941, v. IX.

[2] Ibidem, p. 38 et ss. ; pour la gestion des patrimoines ecclésiastiques, cf V. Recchia, Gregorio Magno e la società agricola, Roma 1978.

[3] Ibidem, p. 16. Même par la suite, les Papes, à « l'exception notable de Grégoire III, avaient toujours veillé à ce que la défense de l'orthodoxie et la nécessité même de contenir les Lombards ne portent pas atteinte à leur ligne de loyauté absolue [envers l'Empire] », Ibidem, p. 114.

[4] Ibidem, p. 119, 120.

[5] Ibidem.

[6] Pour la question complexe des confins, cf. Arnaldi, op. cit., p. 127 et ss. Les textes des donations sont dans A. Theiner, Codex diplomaticus domimi temporalis S. Sedis, recueil de documents pour servir à l'histoire du gouvernement temporel des Etats du Saint-Siège extraits des archives secrètes du Vatican, Rome 1861.

[7] Des doutes subsistent parmi les spécialistes quant à la légitimité du geste de Pépin; selon certains, il n'avait aucun pouvoir reconnu sur les terres données, formellement encore byzantines, comme Charles ne l'avait pas non plus en 781. Ce dernier, après son couronnement impérial en 800, ne voit son pouvoir sur l'Occident reconnu par son collègue byzantin qu'en 812. Par commodité, l'appellation de "Roi" a également été donnée à ceux qui étaient plutôt des chefs de peuples.

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29 juillet 2022 5 29 /07 /juillet /2022 21:40

Mise en garde sur cette tendance

24 juin 2022, Fête du Sacré-Cœur de Jésus

 

Et aujourd'hui ils parlent de «brigandage»...

 

Les lecteurs de cette revue née dans la logique d'une critique constructive à large spectre, se souviendront que nous avons consacré des articles détaillés au danger réel pour l'Institut du Bon Pasteur de perdre les spécificités de sa fondation en 2006. Ces études présentes dans cette revue méritent d'être relues face aux récentes sorties de l'Abbé Laguérie. En fait, en quelques interventions, il manifeste maintenant une ligne opposée, et même diamétralement opposée, à celle qu'il tenait officiellement jusqu'à il y a environ un an. Certes, Traditionis Custodes a été une douche froide pour un certain traditionalisme qui voulait se nourrir d'illusions, et ajoutons que maintenant l'Abbé Laguérie n'est plus le Supérieur Général de l'Institut...

A titre d'exemple, il y a une dizaine d'années, alors qu'il était encore en fonction, il écrivait dans la Position commune des membres du Conseil général de l'IBP, Dans le respect du Magistère et du Droit liturgique en vigueur, rédigée à Paris le 23 juin et remise officiellement à Mgr. Pozzo le 20 juillet 2011 : « Nous recevons le texte de tous les Conciles, et notamment du concile Vatican II selon les normes définies par l'Église [...] nous nous attachons à promouvoir "l'herméneutique de continuité et de réforme" ». En ce qui concerne la messe de Paul VI : « Nous attestons "la validité́ ou la légitimité́ du Saint Sacrifice de la Messe ou des Sacrements célébrés dans la forme ordinaire", selon les termes de l'Instruction Universae Ecclesiae du cardinal Levada (30/04/2011)». Dans ce même texte - position officielle - toutes les références au droit de célébrer exclusivement dans le rite traditionnel ont été éliminées et on ne parle plus désormais que de rite propre. Abstraction faite de tout jugement sur le fond, on se demande: où est la cohérence avec les déclarations rapportées dans l'interview accordée à Anne Le Pape dans le journal Presént du 19 janvier 2022 cité au-dessous de cet article?

Nous avons amplement analysé cette question dans de nombreux articles antérieurs, parmi lesquels nous citons à titre d'exemple: Le “rite propre” et l’“herméneutique de continuité” sont-ils suffisants?

De plus, était-ce vraiment nécessaire de faire l’éloge servile de Mgr Pozzo, au moment où il venait de formuler la menace d’une possible abolition de la messe traditionnelle, précisément lors de sa conférence au séminaire de l’IBP? Cf. Mgr Pozzo: la Messe “extraordinaire” peut être interdite par l’autorité.

Le lecteur trouvera ci-dessous des textes récents d’une teneur diamétralement opposée. Bien sûr, il ne serait pas juste d'attribuer uniquement à l'abbé Laguérie le phénomène que nous décrivons dans le titre, mais cet ensemble de données, ainsi que nos articles précédents, ont une valeur illustrative claire. La question qui se pose, y compris dans le monde catholique traditionnel, est la suivante : dans quelle mesure les choix sont-ils dictés par la conscience et dans quelle mesure sont-ils dictés uniquement par l’utilité? Ou par la “supposée” utilité?

La Rédaction de Disputationes Theologicae


 

Voici les extraits publiés sur internet de l'interview d'Anne Le Pape avec l'abbé Philippe Laguérie, Présent, 19 janvier 2022:

Monsieur l’abbé, pensiez-vous revivre un jour une période de chasse aux sorcières (si j’ose cette expression) vis-à-vis du rite traditionnel?

Oui et non ! Si l’on considère les causes profondes de la révolution liturgique des années soixante, l’infestation moderniste du brigandage de Vatican II (bien plus sinistre que celui d’Éphèse!), les mêmes causes produisant les mêmes effets : oui ! Malgré la tentative, qu’on peut dire aujourd’hui échouée, sous Benoît XVI, de rendre à la liturgie bimillénaire de l’Église ses lettres de noblesse, le personnel de l’Église est resté et demeure foncièrement révolutionnaire. « Un mauvais arbre ne peut porter de bons fruits... » Mais à considérer la violence des deux derniers documents romains (Traditionis Custodes et les réponses aux Dubia), leur mépris de la tradition liturgique, le cynisme des mesures adoptées, la rage même de destruction systémique qui suinte la haine, alors on se dit que le pape ne travaille plus « aux périphéries » mais bien plutôt sur une autre galaxie. On sait d’ailleurs de ses voyages que son orthodoxie est inversement proportionnelle au carré de son altitude! Oui: consternation. Nous voilà revenus aux années 70, aux suspens a divinis, au « séminaire sauvage », aux « excommunications ». Odeur de poudre.

Comment comprendre l’attitude du pape François: purement malveillante, ou simplement cohérente avec Vatican II?

Ne surtout pas perdre de vue que le pape actuel est un jésuite! C’est la première fois et, j’espère bien, la dernière. Toujours, un jésuite préférera l’efficacité à la cohérence. Saint Ignace le savait bien, qui avait assujetti ses religieux à un quatrième vœu : celui d’obéissance au pape. Histoire de limiter la casse de ces génies (car la Compagnie en compte à foison). Que l’efficacité livrée à elle seule n’y devienne pas extravagance, présomption, mégalomanie, autoréférence. Les cardinaux l’avaient compris, qui jamais n’avaient élu un jésuite. Un jésuite pape, sans supérieur donc, c’est un génie fou aux commandes d’ un Mirage ou d’un Rafale: garez-vous. Sans qu’il ne soit besoin de supposer au for interne la moindre malveillance. Allons donc, qui vous l’autorise? Un jésuite peut vous assassiner quelqu’un Ad majorem Dei gloriam; facile, si son supérieur n’ y trouve rien à redire et s’il manipule convenablement sa direction d’intention (cf. Les Provinciales). Au XVIIe siècle, ils avaient inventé tant d’ hérésies (probabilisme, molinisme, casuistique, etc.) que le pape dût leur imposer le silence. Et ils se turent! Mais aujourd’hui, on ne voit pas bien, sauf Jésus-Christ lui- même, qui pourrait faire taire un jésuite sans supérieur... Au moins qu’il ne prenne plus l’ avion.

Que pensez-vous de l’objection: «Ne vouloir célébrer que dans l’ancien rite est contester la valeur du nouveau»?

Là-dessus, je me dois d’être clair, après une période de silence diplomatique. Je suis de ceux qui pensent que notre refus absolu de la messe de Paul VI n’est ni affectif, ni disciplinaire, ni charismatique, etc. Il est théologal, théologique, dogmatique et moral. Absolu, quoi! Le péché originel de cette querelle liturgique détestable dans l’Eglise, c’est l’inénarrable et folle audace du pape Paul VI de promulguer un nouvel ordo missae basé sur la recherche des experts, des F... M... et des protestants, et de mettre aux orties (avec des trémolos dans la voix) la messe des pontifes Léon et Grégoire, grands tous les deux. La liturgie catholique ne peut et ne doit être qu’une transmission de l’héritage des Apôtres. Une messe concoctée 19 siècles plus tard ne peut être qu’une ambition prométhéenne, une chimère romantico-libertaire, un populisme de mauvais goût, indigne de l’Eglise de Jésus-Christ. La promulgation du nouvel ordo missae de Paul VI est sans doute légale et valide, mais sûrement pas légitime. Ce qui va être très instructif dans cette crise, c’est le repositionnement d’un chacun: ceux qui survivent par diplomatie et dos ronds ecclésiastiques vont se noyer. Seuls subsisteront les passionnés de la vérité. Ayant passé ma vie à combattre, je suis heureux de constater que je vais mourir, non comme un retraité, mais comme un soldat.

Comment envisagez-vous la question des ordinations?

Je laisse cette question au supérieur général de notre institut, M. l’abbé Gabriel Barrero, qui l’a bien prise en main et avec quelques belles perspectives, mais qui réclame à juste titre le silence...

Y a-t-il selon vous un risque réel de rupture de transmission du rite traditionnel? Si oui, quelles en seraient les conséquences?

Aucun, aucune! La «bataille» de la messe catholique a été gagnée définitivement et irréversiblement par Mgr Lefebvre dans les années 80. Ce qui est fait n’est plus à faire! Il y a des dizaines de milliers de prêtres de par le monde qui célèbrent la messe grégorienne et ce ne sont pas les gesticulations de quelque secrétaire romain ou de quelque évêque résidentiel, qui fait des heures « sup », qui y changeront quelque chose. C’est trop tard : nous avons gagné la bataille. Je ne suis pas de ceux qui spéculent sur un infarctus ou un AVC du pape: je trouve cela misérable, d’autant que le parieur pourrait bien faire les frais de son pari. Je sais par contre que TOUS les prêtres que je connais (à commencer par moi) ne passeront jamais à cette messe qui a ruiné l’Eglise d’Occident, d’Amérique et d’Afrique. Macron aura plutôt fait de vacciner les fœtus que François de nous imposer la synaxe de Paul VI. Avec 43 ans de sacerdoce, croyez-vous seulement que j’irai demander quelque permission à qui que ce soit pour célébrer la messe de mon ordination?

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2 avril 2022 6 02 /04 /avril /2022 19:45

Sur la décadence de l'Église en tant que "societas"

2 avril 2022, Dimanche de la Passion

 

 

Il fallait un "libéral" de la trempe d'Ernesto Galli della Loggia, dans un journal  habituellement porte-drapeau du politiquement correct, comme "Il Corriere della Sera", pour soulever une vérité connue de tous les prêtres, a fortiori s'ils vivent "Oltretevere" (le Vatican Ndt) ! Mais une vérité inavouable : la justice au Vatican, au sens de justice rendue à celui qui la demande ou à celui qui a été injustement accusé - si nécessaire en recourant à un débat judiciaire devant les tribunaux - se déroule d’une manière profondément inique. Actuellement, par les "temps bergogliens", nouveaux et radieux, dépeints comme l'avènement tant attendu de "l'équité sociale", de "l'ouverture", de "la miséricorde" d’une Église sortie de l'obscurantisme, la situation - qui n’était déjà pas rose depuis quelques décennies - n'a fait que glisser vers des modèles, auxquels le journaliste fait également allusion, plus... "sud-américains". C’est-à-dire qu’on a ajouté une bonne dose de démagogie. 

Le journaliste susmentionné, à l’approche « laïcisante » générale qu’évidemment nous ne cautionnons en aucune manière, commente la méthode accusatoire et la procédure utilisée en évoquant le cas d’un cardinal bien connu. (Son éventuelle culpabilité ou son innocence ne constituent pas l’objet de cet article). Il écrit ainsi :

« Le procès du cardinal Becciu met en lumière le point qui est à l'origine, du moins à l'origine immédiate, de la crise qui semble désormais se propager dans l'Église catholique 

Le procès dont l'accusé le plus célèbre est le cardinal Becciu a un effet certain. Que personne, s'il était appelé à répondre d'une quelconque accusation - de l'homicide volontaire à l'excès de vitesse - n'accepterait jamais, s'il en avait le choix, d'être jugé par un tribunal du Vatican.

On peut en effet débattre longuement de la question de savoir s'il est préférable de faire face à la justice devant une cour américaine ou devant un tribunal italien, mais après ce que nous avons vu depuis deux ans environ, il est certain qu'aucune personne saine d'esprit ne songerait à affronter la déesse aux yeux bandés dans une salle d'audience à l'ombre de Saint-Pierre ».[1]

Nous répétons ici que notre intérêt n’est pas de savoir si le Card. Becciu est coupable ou innocent de ce dont on l'accuse, ou des événements peu clairs, peut-être même vraisemblables, qui se cachent derrière cette histoire, mais de voir que même les ennemis de l'Eglise sont scandalisés (malheureusement avec de bons arguments) par les procédures de jugement dans "l'Eglise en sortie". Citons ce qui est devenu clair même pour les journalistes du Corriere :

« 1) que, comme dans Alice au pays des merveilles, dans l'État du Vatican, les peines sont imposées avant la condamnation (Becciu a été privé de tous les droits attachés au cardinalat ex abrupto par le pape sans qu'aucun acte judiciaire d'aucune sorte n'ait été pris contre lui auparavant) ; 2) qu'au Vatican - toujours comme au pays des merveilles - ceux qui ont le pouvoir de le faire peuvent changer les règles du procès comme ils le souhaitent au cours de celui-ci : et non pas une, mais deux, trois, quatre fois, au moyen de pronunciamientos sur mesure appelés « rescritti » ; 3) que le principal suspect, tel Monseigneur Perlasca, peut non seulement devenir par magie le principal témoin de l'accusation et ainsi éviter non seulement toute inculpation mais même le tracas de comparaître devant le tribunal pour réitérer ses accusations ; 4) que ce n'est pas le président du tribunal qui dirige effectivement le procès, mais la partie qui mène l’Accusation Publique, qui peut se moquer des instructions péremptoires données par le président susdit et donc, par exemple, déterminer quand présenter la documentation demandée et n'en donner qu'une partie, et choisir toujours cette partie à sa guise ; 5) que par conséquent, dans cette salle d'audience, les temps du procès sont ce qu’il y a de plus aléatoire qu'on puisse l'imaginer (encore pire qu'en Italie, ce qui est tout dire) ».[2]

L’influent journaliste, libéral et peut-être connaisseur quelque peu approximatif du véritable fonctionnement vertueux des tribunaux de l’Eglise dans le passé, se réfère ironiquement aux paroles prononcées pour « légitimer les nombreuses anomalies indiquées ci-dessus » par un des représentants de l’Accusation Publique du Vatican : « C'est l’ordonnancement canonique qui est la première source normative du Vatican, c'est le droit divin qui est la base du pouvoir du Pape : si vous ne comprenez pas cela, vous vous égarez ».

Ce qui a été dit, même si c'est sur un ton moqueur, est fondamentalement vrai, mais il faut surtout préciser une distinction capitale qui échappe au chroniqueur, plus porté sur la rhétorique, citant le besoin de se renouveler, l'air frais à faire entrer dans l'Église et l’incontournable renouveau de Vatican II... il oublie cependant combien les juges qu'il stigmatise comme iniques sont, au moins en paroles, des promoteurs acharnés et sans critique de ce Concile.

Au fond, cela est vrai, avons-nous dit : l'Église est fondée sur le droit divin. Et cela est  juste et bon. Toute autorité ne juge et n'a le pouvoir de juger qu'en tant que représentante de la Justice divine, du Juste, entendu comme Notre Seigneur Jésus-Christ et comme Justice objective plus largement, le "iustum". Le critère de jugement, n’en déplaise à Galli della Loggia, n'est donc pas la démocratie libérale, ce n'est pas la dictature de la majorité, ce n'est pas le politiquement correct ; le critère de jugement des tribunaux de l'Église doit être le droit qui découle de Dieu et non des caprices des médias. La règle reste donc la conformité ou non de l'acte avec le droit naturel et révélé, reconnaissant au Souverain Pontife - en vertu du Pouvoir Suprême des Clés - d'intervenir également dans un procès, en graciant ou en condamnant par son jugement incontestable un baptisé sur lequel il a autorité ; il faut cependant des preuves certaines de la sorte que la procédure requise par la justice naturelle ne fasse pas défaut. Mais attention - et c'est là la distinction sur laquelle nous insistons - ce pouvoir incontestablement donné par le Christ au Pape (ou au Roi dans l'ordre temporel) présuppose une donnée fondamentale : son exercice doit être ouvertement déclaré et non pas supposé, insinué, sous-entendu et donc invoqué subrepticement pour imposer l'arbitraire. Prenons un exemple : lorsque le Souverain Pontife, ayant reçu des preuves suffisantes de la culpabilité d'un prêtre, décide même sans procès entendu à la manière moderne, de le punir justement, il n'a pas besoin de convoquer des juges et des avocats. Il peut, et parfois doit, agir même seul, sous réserve d'une enquête préliminaire adéquate afin de ne pas être injuste. Mais il doit le déclarer : « Moi, Souverain Pontife, usant du pouvoir que le Christ m'a donné, je dépose tel roi infidèle, je punis tel prêtre parjure, j'excommunie tel fidèle hérétique ». C'est ainsi que l'Église a toujours agi, c'est ainsi que les Souverains Pontifes se sont toujours comportés... avant que le "complexe" du moderniste (qui demeure cependant un autocrate...) ne s’emparât des esprits.

Aujourd'hui, cependant, d'une part on a honte d'exercer ouvertement un pouvoir monarchique venant de Dieu, mais d'autre part il est commode de faire taire les opposants en l'invoquant implicitement, sans l'exercer ouvertement. Le résultat ? On feint d’utiliser le "débat procédural", les "méthodes démocratiques" comme dans le "libéralisme parlementaire", les "procédures nouvelles et équitables par rapport à l'autocratie papale du passé", mais en fait le recours au "droit divin" demeure, en l'utilisant toutefois de manière objectivement diabolique. Parce que l’exploitation et la corruption des choses les plus saintes, données par Dieu pour la défense de Église, par des méthodes les plus iniques et les plus sournoises scandalisent même les journaux maçonnico-illuministes qui,  constatant l'abus d'autorité, affirment que tout cela en dit long sur la gravité de « la crise qui semble maintenant se propager dans l'Église catholique ». En effet, à l'exception de ce qui est strictement garanti par la nature divino-humaine de l'Église, lorsque les rapports ne sont pas réglés par la justice, pire lorsque l'arbitraire est élevé au rang de principe, tout l'organisme social tend vers la décadence parce que la confiance dans l'autorité et entre les membres se perd. Et fallait-il un laïc libéral comme Galli della Loggia pour nous rappeler cette vérité ? N’était-ce pas plutôt le rôle des nombreux réformateurs de l’ « Eglise en sortie » ?

N'étions-nous pas au grand moment des "garanties démocratiques", parce que nous étions désormais "Fratelli tutti" et qu'il n'y avait plus l'autorité hargneuse du Moyen Âge ? Ou alors est-il vrai que derrière le légalisme hypocrite moderne se cache le fait qu'il n'y ait plus personne qui prenne ses responsabilités ? Et - à la manière des Jacobins - on intimide et on punit d’une façon … "impersonnelle" ?

La vérité est que ce système pourri et arbitraire d'administration de la justice est le plus éloigné de la vision médiévale et catholique de l'administration… de la justice.

Il suffit de penser à la méticulosité et à la miséricorde des procès de l'Inquisition romaine lors desquels la justice donnait d’une part d'amples garanties de défense à l'accusé et d’autre part reconnaissait la place du monarque, au-dessus de la loi, précisément pour garantir une application équitable de ce qui est « juste » et pas seulement « légal ».

C’est cela que notre Rédaction affirmait il y a quelques années : si le Saint-Siège veut imposer à un Institut religieux un chef qui n'a pas été élu par les membres, il a le pouvoir de le faire. C'est le pouvoir des Clés. Bien sûr, nous ne parlons pas d'infaillibilité, il n'y a aucune promesse divine d'infaillibilité papale dans les choix contingents de gouvernement, mais il y a exercice légitime d'un pouvoir de gouvernement qui n’est pas exempt d'erreur humaine. Le Pape en soi peut donc déposer un supérieur et en placer un autre, même s'il serait gravement immoral de le faire uniquement sur un coup de tête et non pour le véritable bien de l'Église.

En tout cas, on ne peut jamais affirmer - pas même un Pape ne peut le faire - qu'une procédure illégitime en soi et même contraire au droit naturel, devienne légitime et morale. Tout au plus, on peut faire ce qu'on appelle une "régularisation", une "sanatio", des irrégularités, mais il est honnête de le déclarer. Par exemple, nous avons écrit que si l'autorité veut vraiment que telle personne soit à la tête de tel organisme on ne manipule pas le collège électoral afin de pouvoir dire qu’on est arrivé - librement et même "démocratiquement" - au résultat voulu par l'autocrate. Cela n’est pas "l'exercice du droit divin", comme semble l'insinuer Galli della Loggia, mais c’est l'hypocrisie du système libéralo-maçonnique qui s’est emparé aussi des esprits de nombreux prélats. A la limite, on peut exercer l’autorité et imposer un légat pontifical. Cette dernière procédure aurait le mérite de ne pas être aussi hypocrite que la précédente. On assume au moins la responsabilité de la gouvernance. Si l'on est chef, on décide ou on punit en son nom propre, sans se couvrir derrière la composition des jurys, la modification des chapitres électifs, la substitution des juges et des procédures au cours du débat judiciaire. Ceci est contraire à la justice naturelle, alors qu'il n'est pas contraire à la justice qu'un Pape gouverne en tant que monarque avec des méthodes "romaines" et non pas avec une "démagogie sud-américaine".

C'est le courage que doit avoir l'Église, d'être elle-même, avec autorité si nécessaire, même en revêtant le gant de fer si la situation l'exige, mais avec la franchise du Moyen Âge chrétien et non pas avec l'hypocrisie libérale, qui se cache derrière des subterfuges procéduriers. Que l’on condamne, si nécessaire, mais que l’on ne change pas en cours de route la procédure afin d'obtenir - d’une manière politiquement correcte - le résultat qui était déjà fixé.   

Quelques années avant Galli della Loggia (que cette crise de l’Eglise est donc grave puisque seule la parole d’un libéral peut être entendue !...) nous avions déjà posé la question suivante :

est-il possible qu'une personne qui défend ses propres droits auprès du Tribunal Suprême de la Signature Apostolique ne puisse pas lire son propre mémoire de défense, alors que les mêmes autorités du Vatican s'évertuent à exiger la plénitude des droits civils pour tous les immigrés islamiques ou même les terroristes assassins, en revendiquant avec une rhétorique mielleuse les "droits universels de l'homme " ? Le mémoire de défense de celui qui défend son propre droit est en fait rédigé par un autre, par un avocat tiré de la liste très limitée de ceux qui sont accrédités auprès du Tribunal de la Signature. Et il est tenu secret pour la personne concernée! Je ne peux pas savoir comment je me suis défendu, je ne connais pas ma défense ! Mais une sentence me parviendra qui mentionnera ce que je n'ai pas écrit. Ou plutôt, ce que j'ai dû suggérer à l'avocat, sans savoir s’il le transcrirait, dans l'ignorance quasi totale des documents pour ou contre moi. Oui, car on ne peut pas - et pas seulement dans des cas particuliers - connaître les documents présentés au juge par l'autre partie.

Il est vraiment arrivé que (link) , après avoir demandé une assistance judiciaire, la réponse négative arrivât vers le 31ème jour, alors que les délais de recours expiraient le 30ème jour - ou arbitrairement les faisait-on expirer ce jour là ? - et ainsi un procès dérangeant ne fût même pas débattu. Vous avez trente jours pour répondre, mais nous vous dirons le 31ème que nous ne vous accordons pas l'avocat commis d’office, donc les délais sont expirés et le procès ne sera pas entendu. Est-ce cela la justice ? La procédure nous a été décrite comme telle - ou comme devenue telle - par le strict Mgr Daneels comme par l’ l'ultra-bergoglien Mgr Sciacca, Secrétaires de la Signature Apostolique.

D'après ce que révèle Il Corriere della Sera, on peut se demander : mais vraiment était-ce ainsi ou bien les procédures sont-elles habituellement manipulées et adaptées ? Et si les plaignants ont vraiment tort, ne serait-il pas plus honorable pour un tribunal - qui se targue du titre d' "apostolique" - de permettre au moins un débat judiciaire ? "Si j'ai mal parlé, dis-moi en quoi je me suis trompé, sinon pourquoi me frappes-tu" ?

Telle est, malheureusement, la réalité de la "justice" au Vatican et, à l'époque bergoglienne, les choses ne se sont certainement pas améliorées. Contrairement à Galli della Loggia, nous soutenons qu'il est juste que l'Église soit fondée sur le droit divin. Mais avec des dirigeants qui assument la responsabilité de leurs choix, y compris les choix punitifs. Telle est l'Église des Saints, qui sait quelle grandeur lui a été confiée et qui fait ouvertement usage de ses justes pouvoirs, sans se couvrir de ridicule en singeant en paroles le système libéral et en se comportant en fait comme un autocrate. Lorsque Saint Pie V fut élu au trône, l'une des premières choses qu'il entreprit fut de réformer les tribunaux pour qu'ils rendent la justice, conscient que l'Église n'est pas réductible à cette indéfinie "communion d'amour" que les modernistes brandissent, mais qu'elle est avant tout "société". Et une société se fonde sur la justice des rapports. C'est le même Saint Pontife qui, lorsqu'il eut affaire à Elisabeth d'Angleterre, n’institua pas "démocratiquement" et "hypocritement" une commission de membres manœuvrables, ne modifia pas les procédures en cours de route pour parvenir à un "résultat partagé", comme on dit aujourd'hui, mais en revêtant simplement et évangéliquement la crosse et la tiare déposa l'hérétique sanguinaire du trône qu'elle usurpait, assumant pleinement ses responsabilités devant Dieu et devant l'histoire. Juste exercice du droit divin et zèle pour que les tribunaux humains soient justes. Face à ces réalités douloureuses, comme lui, nous recourrons pour l’Eglise à l’arme du saint Rosaire en nous souvenant que « la force principale des mauvais, c’est la faiblesse et la lâcheté des bons» (Saint Pie X).

Don Stefano Carusi

Abbé Louis-Numa Julien

 

[1] E. Galli della Loggia, I molti aspetti singolari della giustizia vaticana, in Il Corriere della Sera, 16 febbraio 2022.

[2] Ibidem.

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