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Les passions de l’irascible

par Disputationes theologicae

Jésus les avait-il?

2 février 2019, Présentation de l’Enfant Jésus au Temple

 

A. Zanchi, La cacciata dei mercanti dal tempio, Venezia - Scuola Grande di San Fantin

 

Introduction

La question de l’existence et de la nature des passions dans le Christ revêt une importance non seulement dogmatique - relativement à la réalité de l’Incarnation - mais aussi ascétique et morale. Si Jésus Christ peut être vrai modèle de toute vie morale, c’est bien parce qu’il est Perfectus Homo, parce qu’il est homme en tout, jusque dans les passions. Il n’a pas choisi de prendre une partie d’humanité en en délaissant une autre ou de prendre seulement la noblesse de l’intelligence, sans avoir toutes les limites d’un être matériel. Il a voulu partager tout ce qui est propre à l’homme, y compris la matérialité corporelle et donc la passibilité. Cependant il ne faut pas oublier que toute considération de l’humanité de Jésus-Christ doit toujours prendre en compte en même temps le fait que la Personne de Jésus Christ est le Verbe, qu’il est Dieu. Jésus-Christ est vrai homme, mais aussi vrai Dieu. Au sujet des caractéristiques de son humanité, il faut donc se souvenir qu’elles demandent à être traitées avec des distinctions spécifiques, qui cependant ne mettent nullement en discussion l’« intégralité » de son Incarnation.

Il y a eu à toute époque, et encore plus de nos jours, une tendance à délaisser et parfois à évacuer le rôle nécessaire des passions dans la vie morale d’un homme. De plus, certaines passions de l’irascible, telle que la colère par exemple, sont parfois vues comme “toujours nuisibles”, donc à réprimer systématiquement. Une tendance à regarder la vie chrétienne de façon édulcorée et presque apathique, se conjugue à une vision de Jésus-Christ qui s’inspire plus de l’ataraxie idéaliste des stoїciens que de la familière humanité de l’Evangile. Dans un tel cadre on arrive parfois à attribuer à Jésus-Christ, et donc à recommander au chrétien, une vie morale qui se réduit à un combat sans distinctions contre toute sorte de passions.

La spéculation thomiste au contraire analyse l’homme avec ses passions, en partant des toutes les données de la réalité naturelle. L’indéniable présence en toute homme du concupiscible et de l’irascible conduit Aristote d’abord, s. Thomas par la suite, à donner une description et une division des passions humaines en partant de l’examen du réel : chacune d’elles doit avoir un rôle dans la régulation de la vie morale, parce que ce qui est naturel ne peut pas être vain ; Natura nihil facit inane, comme dit un adage classique. L’Homme-Dieu lui-même, en assumant la nature humaine, a voulu se servir de chacune des passions, pour montrer de quelle façon, dans le dessein de la création, elles sont toutes nécessaires et utiles, de telle sorte qu’une injuste répression peut même devenir immorale.

Il importe dans ce cadre de préciser la notion de “passion” et plus précisément de “passion de l’irascible”, pour ensuite aborder les différentes passions selon Saint Thomas, tout en ayant un regard fixé sur l’Evangile, dans le but de voir le parallèle possible entre vie morale de l’homme et l’exemple concret donné par le Christ.

 

Les passions de l’irascible

Saint Thomas, tout au long de la question 22 de la Prima Secundae, aborde la notion de passion selon son double usage au sens large et au sens propre. Dans notre cadre nous concentrons l’analyse sur son sens propre, c’est à dire lorsque la passion est prédiquée pour un être matériel. Plus spécifiquement nous allons concentrer notre attention, dans le cas de l’homme, non pas sur les passions dites « du corps », telles que la faim, la soif ou la maladie, mais sur les passions dites plus proprement « de l’âme ».

Les passions de l’âme sont, selon la définition du Damascène1, les mouvements de l’appétit sensitif, provoqués par l’imagination ou la représentation d’un bien ou d’un mal et accompagnés d’une perturbation du corps. Les mouvements de l’appétit sensitif - à la différence de ceux de l’appétit intellectif - sont nécessairement en lien avec un mouvement corporel, matériel. C’est cet aspect qui va donner à la passion son caractère propre. Pour parler proprement de passion il faut donc une certaine matérialité2. L’élément intellectif, vu dans son antériorité appréhensive, reste toutefois en rapport avec sa “conséquence” appétitive. Une connaissance intellective va susciter, en raison de l’union de l’âme et du corps, le mouvement corporel, qui va être en connexion avec le mouvement appétitif en vue d’une action 3.

Saint Thomas va ensuite diviser les passions selon les deux espèces de tendances appétitives. Dans le cas de l’appétit concupiscible (qui se rapporte au bien en tant qu’il est agréable aux sens et en tant qu’il convient à la nature du sujet)4, on aura six passions. Le bien dont il est question peut être considéré de trois façon ; 1) en soi : on aura donc la passion d’amour ; 2) comme absent : on aura le désir ; 3) comme présent : on aura la joie. Dans le cas du mal (bien qui manque) nous avons le même parallèle, 1) mal considéré en soi : on aura la passion de haine ; 2) considéré comme absent : on aura la fuite ; 3) considéré comme présent : on aura la tristesse5.

L’appétit irascible, en revanche, se rapporte au bien considéré par rapport à la difficulté de son obtention, vu sous la ratio de l’ardu (arduum)6. Dans ce cas Saint Thomas distingue cinq passions, selon qu’on regarde son aspect de bonum ou son aspect de arduum. Il y aura deux couples de contraires et une passion qui n’a pas de contraire. Si le bien ardu est futur on a l’espoir, on se porte vers le bien qui peut être atteint au prix de difficultés, mais vu sous la ratio de la possibilité de l’atteindre; son contraire est le désespoir, le bien ardu se présentant comme ne pouvant pas être atteint et il y a alors une répulsion, non pas du bien, mais de son côté ardu. Par rapport au mal qui n’est pas encore présent et qui “sépare” du bien, on peut avoir la crainte, qui est la fuite du mal, ou son contraire, l’audace qui fait affronter le mal, en vue de l’obtention de ce bien difficile7. La cinquième est la colère qui apparaît lorsque le mal est présent8. Celle-ci n’a pas de contraire parce que dans le cas du bien présent on aurait la joie, qui est une passion du concupiscible. Comme on le voit, selon la division de l’Aquinate, les passions sont à voir comme des forces vives, qui peuvent faciliter l’action et la porter à terme. En particulier dans le cas des passions de l’irascible elles sont un soutien pour affronter le mal ou les difficultés et conduire à l’obtention du bien difficile.

Les passions ne sont donc pas de soi en contraste avec la vie morale, mais elles sont à son service. Certes, dans l’état actuel un certain désordre touche la nature humaine en raison du péché originel et cela devient plus évident encore lorsque les passions interviennent. Cela ne rend pas les passions immorales, mais fait que leur moralité est à évaluer en rapport à leur conformité à la droite raison et à l’usage libre de la volonté. Elles ne doivent pas obscurcir l’intelligence, ni empêcher l’action voulue, parce que dans ces deux cas elles s’avèrent alors nuisibles à la vie morale. Considérées en soi, elles peuvent être vues comme indifférentes dit Saint Thomas, mais elles sont bonnes et utiles lorsque elles sont bien ordonnées9.

Comme on le voit tout au long de l’histoire, l’appétit des grands hommes nécessitait de grandes passions pour qu’ils soient mû et qu’ils achèvent leurs actions difficiles; ainsi, en considération de la grandeur de son œuvre, il est même de convenance que Notre-Seigneur ai eu de fortes passions, aussi dans l’appétit irascible.

Fin Ière partie

 

 

1 S. Th., Ia IIae, q 22, a. 3, sed contra.

2 S. Th., Ia IIae, q. 22, a. 2, ad tertium.

3 S. Th., Ia IIae, q. 22, a. 2, ad primum.

4 S. Th., Ia Pars, q. 82, a. 5, corpus.

5 S. Th., Ia IIae, q. 23, a. 4, corpus.

6 Le bien dans le cadre de l’irascible est regardé sous une différente perspective : « secundum quod est repulsivum et impugnativum eius quod fert nocumentum » . S Th., Ia Pars, qu. 82, a. 5, corpus.

7 S. Th., Ia IIae, q. 23, a. 2, corpus.

8 S. Th., I-II, q. 23, a. 1-4.

9 S. Th. I-II, q. 56, a. 4.

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Le Secret de Fatima

par Disputationes theologicae

Devant ces questions precises Rome ne dément pas

 

28 décembre 2018, Saints Innocents

 

 

Nous publions le texte de la lettre envoyée le 26 septembre 2018 (et à nouveau transmis le 8 décembre dernier) par laquelle nous avons adressé certaines questions d’éclaircissements spécifiques à la Révérendissime Congrégation pour la Doctrine de la Foi sans recevoir aucun ... démenti.

 

Nous invitons tous nos lecteurs à coopérer pour avoir une réponse explicite en envoyant le texte présent à l’adresse suivante:

 

Révérendissime Congrégation pour la Doctrine de la Foi

Palazzo del Sant’Offizio 

00120 Città del Vaticano

 

Nous demandons à cette Révérendissime Suprême Congrégation :

 

1 - Si Sœur Lucie Dos Santos, voyante de Fatima, a jamais rédigé un écrit connexe au Troisième Secret de Fatima et explicatif de la vision, un écrit dont l’objet est sa signification c’est-à-dire l’interprétation.

 

2 - Si le texte du Troisième Secret de Fatima a été écrit une fois seulement ou, d’une quelconque autre manière, plusieurs fois.

 

3 - Quels sont les “certains ajouts faits en 1951” - selon l’assertion du Cardinal Angelo Amato, déjà secrétaire de cette Congrégation, pendant un Congrès et sur l’Osservatore Romano du 7 mai 2015 - par Soeur Lucie aux “deux premières parties” du Secret.

 

Dans la confiance filiale que ces questions posées à l’Autorité ecclésiastique ne se heurtent pas au mur du silence, nous Vous remercions pour Votre attention courtoise, avec l’assurance de nos prières ferventes.
 

Don Stefano Carusi

 

Abbé Louis-Numa Julien

 

Abbé Jean-Pierre Gaillard

 

Kl Lukasz Zaruski

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En 2017 Benoit XVI a-t-il accordé la Bénédiction Apostolique?!?

par Disputationes theologicae

Notes sur la récente correspondance avec le cardinal Brandmüller

24 octobre 2018, Saint Raphaël Archange

 

 

Au milieu d’une des plus violentes tempêtes qui secoue la situation ecclésiale actuelle, de manière clairement non fortuite, deux lettres sont apparues dans la presse écrites par Benoit XVI au Cardinal Brandmüller au mois de novembre 2017, dont l'authenticité ne semble faire aucun doute. Certains lecteurs nous ont demandé un commentaire qui ne se limite pas à la surface - ou au débat idéologique auquel nous avons assisté -, mais qui analyse le message lancé et relancé par le Pape Benoit, comme François l’a également appelé plusieurs fois, au sujet de la notion de “Pape émérite” (non encore clarifiée) et aux circonstances du renoncement évoqué dans un parallèle déconcertant (l’emprisonnement par les nazis, éventuellement prévu par Pie XII). Nous avons déjà traité cette question de façon générale au mois de juin 2016 dans un article (cf: De quel genre est la “démission” de Benoit XVI?), auquel nous renvoyons, et qui semble trouver des confirmations en ces révélations de 2017 qui contiennent de nouveau des références à des titres que celui qui renonce à la Papauté ne devrait plus avoir et à un pouvoir qu’il ne devrait plus exercer.

 

Dans la lettre du 9 novembre 2017, en répondant à une critique du Cardinal Brandmüller sur le fait que “la construction du Pape émérite [est] une figure qui n’existe pas dans la totalité de l’histoire de l’Eglise”, le Pape Benoit ne nie pas qu’il s’agisse d’une nouveauté, mais il s’interroge et demande presque lui-même  l’avis de son interlocuteur, historien notoire de l’Eglise. Il fait ensuite un parallèle - assez inquiétant précisément - avec Pie XII et la prévision de son emprisonnement par les nazis. En effet, le Pape Pacelli avait prévu son retour au Cardinalat dès l’instant même où il aurait été fait prisonnier. A ce moment le Pape Ratzinger écrit : “Si ce simple retour au Cardinalat aurait été possible, nous le savons pas”. Dans ce passage, à notre avis, il n’est pas question d’une impossibilité métaphysique - quiconque connait un peu de théologie ou d’histoire de l’Eglise sait que cela est possible -, mais il semble presque que le Pape Ratzinger soit en train de dire que celui qui renonce au Souverain Pontificat pourrait par la suite ne plus avoir aucun pouvoir sur le rôle et sur l'éventuelle juridiction que celui qui renonce peut s’attribuer à lui-même. “Renommer” au Cardinalat pourrait revenir en effet à son successeur. Et il nous semble que le doute théologico-canonique invoqué tourne autour précisément de cette éventuelle “compétence exclusive” du successeur sur le Cardinalat du prédécesseur.

 

Mais le Pape Ratzinger va au-delà et - dans le passage suivant de la lettre citée - dissipe tout doute sur le fait qu’il soit “redevenu” seulement un Cardinal : “Dans mon cas, cela n’aurait certainement pas eu de sens de simplement réclamer un retour au Cardinalat”. Il invoque une raison médiatique qui, en elle-même, ne semble pas être très contraignante; en effet, peut-être que les raisons profondes de l’impossibilité d’un simple retour au Cardinalat sont aussi ailleurs. Ou peut-être des campagnes médiatiques dévastatrices étaient à craindre.

 

Il ajoute ensuite une phrase dont l’interprétation n’est pas évidente : “par le Pape émérite, j’ai cherché à créer une situation dans laquelle je suis absolument inaccessible aux médias et dans laquelle il est bien clair qu’il existe un seul Pape”. Même si, dans les faits, deux personnes distinctes semblent porter en partie le même titre et les mêmes symboles.

 

Une réflexion s’impose ici, et nous y reviendrons aussi à la fin de cet article. Si Benoit XVI n’est certainement pas redevenu Cardinal et si le renoncement au munus est “plein”, cela veut dire qu’Il est désormais seulement un Evêque, dépourvu entre autres de juridiction tant sur un troupeau déterminé que sur n’importe quel autre baptisé déterminé. Mais il ne semble pas en être ainsi comme nous le verrons dans la conclusion.

 

Puis la lettre du 23 novembre 2017 a été diffusée. Nous faisons remarquer que seules les lettres dont Benoit XVI est l’auteur sont publiées alors que nous ne pouvons faire que des déductions des écrits du Cardinal Brandmüller, qui par ailleurs, selon ce que dit le destinataire, semble s’être engagé à ne plus revenir sur le sujet. Il ne semble donc pas impossible de penser que l’auteur de la divulgation de ces courriers  ne soit pas Son Eminence comme cela a été soutenu peut-être trop rapidement.  

 

Les références à la “fin de mon pontificat” dans un contexte qui semble presque le prolonger d’une certaine manière jusqu’à aujourd’hui, ainsi que les références à un jugement - donné en 2017 - de “mon pontificat dans son ensemble” sont à considérer dans un chapitre à part. Le ton semble être celui de quelqu’un qui, sincèrement affligé par la situation ecclésiale actuelle, exerce cependant un rôle qui n’est pas seulement celui - aucunement juridictionnel - de la prière. Puis, le texte donne une référence (explicite, documentée, avec le nom de l’éditeur, le lieu et la date de publication) d’un livre en partie déjà connu, mais qui après une pareille divulgation sera destiné à une plus large diffusion : il s’agit de “La Rinuncia” de Fabrizio Grasso[1].

Apparemment ce texte est invoqué surtout par rapport à la situation d’ “agitation” ecclésiale qui s’est créée, mais il a une thèse de fond qui ne peut pas être passée sous silence ici. Quelle est donc la thèse de fond de ce livre qualifié  d’ “emblématique” par le Pape Benoit ? Selon les mots de son auteur : “la thèse [du livre] est qu’en ayant de fait deux Papes le ministère s’est élargi ou s’est divisé, donc l’autorité et la potestas se sont multipliées ou divisées, mais tant dans le cas où celles-ci se soient multipliées que dans le cas où celles-ci se soient divisées il est en acte, et nous le voyons tous les jours, nous le voyons dans les journaux, un dispositif politique qui fait que Benoit et François sont perçus comme ami ou ennemi suivant la sensibilité de celui qui regarde et de celui qui lit les gestes des deux Papes et les déclarations des deux Papes; cela signifie qu’en ayant deux Papes, et que l’autorité et la potestas, qui était primauté d’un seul Pontife, ayant été démembrées, la représentation de Jésus-Christ comme sujet politique, comme sujet historique vient à manquer, parce que nous ne savons plus à qui faire référence pour cette potestas et pour ce pouvoir” (nous avons conservé le style oral de la déclaration)[2]

 

Nous précisons que l’auteur du livre “emblématique”, Fabrizio Grasso, souligne ailleurs aussi qu’en parlant de “deux Papes” il se réfère principalement à la situation politique agitée qui s’est créée “de facto” et pas nécessairement “de iure”. Ses affirmations et d’autres passages de sa thèse peuvent être partagés seulement en partie, mais ils ne sont pas nécessairement en contradiction avec ce qui est affirmé par le Pape Ratzinger c’est-à-dire sur la possibilité d’un seul Pape; ils renvoient plutôt à la question centrale c’est-à-dire que, si de facto s’est créée une confusion presque comme s’il y avait deux Papes c’est parce que ce qui s’est produit de iure est quelque chose d’assez singulier, comme au fond le relevait aussi le Cardinal Brandmüller.

 

Après une admonition à ne pas évaluer hâtivement et superficiellement l’ensemble de Son Pontificat à cause de la triste situation de l’Eglise aujourd’hui, le Pape Ratzinger poursuit et semble aussi faire allusion - intelligenti pauca - à ce qu’avait déjà dit Mgr Gänswein à propos du “Pontificat d’exception”; tout cela semble renvoyer à une situation extraordinaire pour l’Eglise sous plusieurs aspects, dont la potestas et son exercice ne sont pas les derniers. 

 

La conclusion de cette deuxième lettre est à lire attentivement avec tout ce qu’elle implique: 

 

Avec ma Bénédiction apostolique je suis

Ton

Benoit XVI”. 

 

Or, notoirement, la Bénédiction Apostolique est quelque chose de bien documenté dans l’histoire et dans la praxis de l’Eglise, qui a institué une Aumônerie s’occupant d’accorder cette Bénédiction sur mandat juridictionnel du Pape, déléguée seulement par le Souverain Pontife à certains Evêques et prêtres pour des circonstances extraordinaires. Cependant, quiconque en est le dernier et immédiat dispensateur matériel n’est rien d’autre qu’un instrument du pouvoir pontifical qui lui est transmis stablement ou transitoirement[3].

La Bénédiction Apostolique est donc synonyme de Bénédiction Papale et ne peut être accordée que par le Souverain Pontife à ses sujets sur lesquels il exerce la juridiction qui lui a été conférée par le Christ. Celui qui a été Pape, mais qui serait redevenu un simple Evêque et qui, de son propre aveu, n’est même pas redevenu Cardinal, non seulement, en règle générale ne bénit pas un Cardinal (son supérieur quant au pouvoir de juridiction) mais certainement n’accorde pas la Bénédiction Apostolique. Nous faisons ensuite remarquer l’importance de l’adjectif “ma”: il ne s’agit pas en effet d’une simple Bénédiction Apostolique qui - sur délégation papale - peut être dispensée par un prélat, mais il s’agit de “ma Bénédiction Apostolique” (laquelle en soi comporte aussi d’ordinaire l’indulgence plénière). Elle est en soi un exercice de juridiction, juridiction personnelle de celui qui est en train de l’accorder. Sinon elle ne pourrait pas être dite “mienne” mais seulement “apostolique” ou “papale”.

 

Les éléments sur lesquels on peut raisonner ne manquent pas, y compris la visite systématique des nouveaux Cardinaux à Sa Sainteté Benoit XVI. Mais, en faisant abstraction de la possibilité théologique et canonique de certaines éventualités de partage du pouvoir papal, déjà invoquées dans le discours de Mgr Gänswein sur le “ministère élargi” et par la possibilité de la distinction entre “munus” et “ministerium” (cf: De quel genre est la “démission” de Benoit XVI?), cette lettre fait surgir une question : quel pouvoir juridictionnel du Bienheureux Apôtre Pierre faut-il avoir gardé pour soi pour qu’une bénédiction soit en même temps propre (“ma”) et surtout “Apostolique”? 

 

La Rédaction de “Disputationes Theologicae

 

Lettre du 7 novembre 2017

 

 

Lettre du 23 novembre 2017

 

 

[1] F. Grasso, La Rinuncia. Dio è stato sconfitto?, Catania 2017.

[2] Presentazione del libro di Fabrizio Grasso "La Rinuncia. Dio è stato sconfitto?" (Algra Editore), 5 septembre 2017, http://www.radioradicale.it/scheda/518241/presentazione-del-ibro-di-fabrizio-grasso-la-rinuncia-dio-e-stato-sconfitto-algra.

[3] Cf. Paenitentiaria Apostolica, Enchiridion indulgentiarum, Roma 1999, normae 7 e 18; concessiones 4 e 12; CIC (1917), can 468, § 2;  CIC (1983), can. 530, § 3; Rituale Romanum, Roma 1952, Tit. VI, Cap. VI, p. 230 e ss.

 

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Le Cardinal Dario Castrillon Hoyos

par Disputationes theologicae

Un souvenir de lui en quelques anecdotes  

5 août 2018, Notre Dame des Neiges

 

La Messe Pontificale à Sainte Marie Majeure

 

Le Cardinal Castrillon s’est éteint le 17 mai dernier. Parmi ses nombreuses charges il fut pendant des années le responsable de la Commission Pontificale Ecclesia Dei. Cette circonstance nous donna l’occasion de le connaitre, d’apprécier ses qualités, de recevoir de lui des indications d’aide sincère mais aussi d’être en désaccord sur certains points. S’il est vrai qu’il restait un homme de Curie d’une certaine période historique, il est aussi vrai que ce qui frappait chez lui était son attitude directe, immédiate, sans affectation courtisane. Il était également un grand connaisseur - et souvent un tisseur - de cette toile politique qui est, elle aussi, une partie de la vie de l’Eglise Romaine, mais nous n’avons pas souvenir qu’avec nous il ait revêtu « le masque du pouvoir ». Son physique robuste même, indiquait l’homme concret qui avait connu les âpretés du ministère rural, à une époque où les déplacements n’étaient pas faciles. Lors d’une rencontre internationale du Clergé, qui eut lieu en Colombie en 1998 en préparation de l’Année Sainte, il monta à cheval et fit presque un rodéo, montrant quel cavalier il était encore malgré son âge vénérable. Descendant de cheval, il prit le microphone et dit aux prêtres présents qu’il avait dû apprendre à monter à une époque où le cheval était l’unique moyen pour le prêtre de rejoindre certains villages isolés. Et il termina en disant aux confrères « je vous souhaite d’utiliser tous les moyens possibles pour amener Jésus Christ ». Voilà comment était le Cardinal Castrillon et cet esprit se reflétait immanquablement dans sa direction de la Commission « Ecclesia Dei ». Cette charge était certainement difficile car tous les choix ne dépendaient pas de lui ; plusieurs forces faisaient pression dans un sens restrictif, en arrivant parfois même au véritable abus canonique et ecclésial. N’oublions pas que des hostilités furent exprimées même de la part de l’Osservatore Romano, nous en avions parlé dans un article en février 2011 (L’Osservatore Romano attaque « Dominus Jesus » et la Commission Ecclesia Dei).

 

Notre souvenir nous permet de témoigner d’un homme de médiation, qui - surtout pendant le Pontificat tant contesté de Benoit XVI - sut défendre certains choix avec détermination et autorité. Sur plusieurs points nous ne pouvons pas dire que nous avions les mêmes positions, mais il faut reconnaitre qu’au sujet de la Messe, qu’il appelait souvent « grégorienne », il eut de belles et courageuses paroles. Des paroles et des actes. Parce que ce fut lui qui, le 24 mai 2003 célébra à Sainte Marie Majeure cette fameuse Messe pontificale ; aujourd’hui nombreux sont ceux qui l’ont oubliée, mais à l’époque il fallait du courage, et lui il l’eut. On pourrait légitimement discuter de l’intention de « récupérer les traditionalistes », certains parlèrent même seulement - non sans une certaine myopie idéologique - de « tromperie » ou de « miroir aux alouettes », il est néanmoins incontestable que peu de Cardinaux - spécialement Préfet de Congrégation et encore moins papabile - auraient osé en ces temps-là revêtir ces ornements-là, pour ce rite-là et dans cette basilique-là.        

 

Sur ce sujet, il était aussi auto-ironique et facétieux, ne rougissant pas de citer en souriant l’épithète de « requin » que Mons. Williamson lui avait attribuée, et ajoutait ensuite avec bonhomie, qu’au fond pour son habilité politique, il l’avait bien méritée. Il reconnaissait en même temps que - quoique d’un bord opposé - cet Evêque de la Fraternité avait été honnête à son égard tant en public qu’en privé, et il allait même jusqu’à dire que d’un certain côté il était, paradoxalement, celui parmi les quatre évêques de la FSSPX qui avait le moins une mentalité schismatique.

 

C’est sous son mandat que fut accordée “l’exclusivité du rite traditionnel” à une Société, et, en honnête homme, il resta fidèle à ses engagements. Sous sa présidence cet accord ne fut jamais mis en discussion, malgré les pressions d’en haut et malgré la disponibilité à le brader, précisément de la part de ceux qui auraient dû le défendre. Concernant le Concile Vatican II, il répétait - en simplifiant volontairement - que les passages conciliaires pouvaient se distinguer en trois typologies : la première contenait des affirmations partageables par tout catholique ; la seconde comportait des ambigüités, mais il était possible d’en interpréter le contenu à la lumière de la Tradition ; la troisième typologie pouvait paraitre difficilement conciliable avec la Tradition. Sur ces passages nous devions nous engager - il nous le dit de vive voix - à une « étude sérieuse et constructive », à une « critique sérieuse et constructive ». Ce fut lui qui nous dit avec force : « ceci est un grand service à rendre à l’Eglise »! Après l’avoir approuvée, au lieu de se retirer comme firent tant d’autres, il nous incitait à la « critique constructive » et nous disait que se soustraire à une telle charge équivalait à se servir davantage soi-même plutôt qu’à servir l’Eglise.

 

Nous le savons bien et nous ne voulons pas le cacher même en cette occasion : tous les choix auxquels il souscrivit ne furent pas pleinement partageables. Notre pensée va à la mise sous commissaire en l’an 2000 de la Fraternité Saint Pierre, qui constitua un précédent très triste et même trop imité. Cependant il est aussi vrai qu’un chef de Dicastère ne fait pas toujours ce qu’il veut, et d’ailleurs, sa gestion, par la suite, nous donna l’impression qu’il voulait presque se faire pardonner cette erreur. Il aura certainement fait des erreurs, mais dans la direction de l’Ecclesia Dei il représenta souvent le sens du concret et le bon sens, en déclarant ouvertement qu’il cherchait à composer les situations et non pas à les compliquer. Exaspérer les situations avec des vexations ne produit jamais de bons fruits. Lorsqu’il s’agissait de trouver des médiations et de donner des conseils pratiques d’une utilité incontestable, il fut toujours disponible et affable, même lorsqu’il avait plus d’une raison pour être en colère…la faute n’en incombe pas toujours « uniquement à la Curie Romaine »…

 

A celui qu’il devait aider, il demandait une certaine compréhension des difficultés objectives de la situation, lesquelles, pour celui qui gouverne, ne rendent pas toujours la solution évidente. Les ennemis de l’Eglise et du Pape, parmi lesquels certains posèrent de véritables pièges, en exploitant les faiblesses mondaines d’un certain traditionalisme, étaient bien à l’œuvre et il nous le rappelait.

 

Ensuite arriva la tempête de 2009, qui avait des cibles précises et préméditées, dont une très importante… Quant à la manière dont il fut traité il est licite de soupçonner que quelques vengeances se soient abattues sur lui, entre autres aussi à cause de ses nettes positions au Conclave de 2005 et de la phrase qu’il y prononça.

 

Ce fut ainsi que la Commission Ecclesia Dei finit par être rattachée à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, et, de fait, son rôle fut redimensionné à celui de médiateur avec la FSSPX et ses « doctrines » à surveiller. Lors d’une rencontre récente, sans cacher à quel point cela lui avait fait mal, pendant qu’il nous révélait aussi certains aspects douloureux, il regrettait que de cette manière la Commission Ecclesia Dei se retrouvait dans une position d’extrême faiblesse et que son rôle en ressortait réduit et altéré.

 

Ainsi, si nous devions synthétiser notre souvenir nous parlerions d’un Cardinal courageux et fidèle aux engagements qu’il avait pris. Pacta sunt servanda et lui ne trahit jamais avec nous la parole donnée, même lorsqu’il était difficile de la maintenir.

 

Que Dieu veuille raccourcir son temps de purification en Purgatoire et que, du lieu où il se trouve et d’où il voit toute chose sous une autre lumière, il se souvienne d’intercéder pour ces prêtres qu’il a encouragés et même ordonnés au Sacerdoce.  

 

Communauté “Saint Grégoire le Grand”

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Intervention de Mgr Livi sur la Communion aux Protestants

par Disputationes theologicae

22 juin 2018, Saint Paulin de Nole

 

 

 

Intercommunion:

les fausses raisons doctrinales de Kasper

 

Face au retentissement mondial suscité par l’intention de l’épiscopat allemand de procéder à une normative canonique locale qui inclut la possibilité, et même la convenance, de faire accéder à la communion sacramentelle les protestants unis dans le mariage avec un conjoint catholique, l'Archevêque de Philadelphie, Charles J. Chaput, a voulu préciser de manière très opportune que la question ne concerne pas une Conférence épiscopale nationale prise singulièrement mais l’Église Catholique toute entière. C'est une question qu'il faut résoudre sur la base de la réaffirmation explicite et sans équivoque du dogme eucharistique. L’Évêque a déclaré:

 

«Qui peut recevoir l'Eucharistie, et quand, et pourquoi, ce ne sont pas là des questions allemandes. Si, comme l'a dit Vatican II, l'Eucharistie est la source et le sommet de notre vie de chrétien et le sceau de notre unité catholique, alors les réponses à ces questions ont des implications pour toute l’Église. Elles nous regardent tous. Et dans cette lumière j'offre ces points de réflexion et de discussion en parlant simplement comme un des nombreux Évêques diocésains» (Charles J. Chaput, Un modo gentile di nascondere la verità, déclarations enregistrées par le blog “First Things”, Source : magister.blogautore.espresso.repubblica.it 25/052018).

 

Le premier et essentiel « point de réflexion et de discussion » c'est évidemment (Mgr Chaput ne le dit pas, mais moi je l'affirme avec une certitude morale suffisante) l'intention anti-dogmatique et au final anti-ecclésiale qui anime les propositions des Évêques allemands et l'encouragement qu'ils ont reçu de la part du Pape François lui-même lorsqu'ils ont interpellé le Vatican tant au sujet de la praxis que de la doctrine qui devrait la justifier. En ce qui concerne le Pape Bergoglio, l'intention antidogmatique qui oriente son pontificat me semble évidente ; comme lui-même l'a explicitement déclaré (cf. l'exhortation apostolique Evangelii gaudium), la stratégie de fond de ses initiatives pastorales consiste dans le fait de « mettre en route des processus » de prise de conscience pour toute l’Église en vue de sa radicale « réforme ». Il a toujours dit que l’Église Catholique doit devenir « une Église en sortie », « une Église synodale », capable d'accomplir le projet indiqué par Vatican II pour obtenir finalement l'unité des chrétiens (cf : décret Unitatis redintegratio, 21 novembre 1964). Cela doit se faire non pas comme le Concile et les Papes du post-Concile l'avaient indiqué – c'est-à-dire en réaffirmant que l’Église du Christ « subsistit » dans l’Église Catholique, par sa doctrine et ses institutions juridiques[1] – mais au contraire en éliminant de manière graduelle et systématique sa doctrine définie de façon irréformable (les dogmes) et ses institutions juridiques fondamentales, considérées comme des obstacles qui jusqu'à présent s'opposaient au chemin de l'œcuménisme, surtout envers les protestants.

 

Le Cardinal Kasper, qui au Vatican a dirigé le Conseil Pontifical pour l'Unité des Chrétiens et qui avec le pape François est devenu le théologien officiel du Saint Siège, a eu recours au plus subtil (quoique ingénu) subterfuge dialectique pour justifier le renoncement à garder fermement dans les rapports avec les protestants le dogme eucharistique et les normes du droit canonique plusieurs fois confirmés par l'autorité ecclésiastique compétente. Il a écrit récemment :

 

« Pour un vrai luthérien, qui se base sur les écrits confessionnels, la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie est obvie. Le problème ce sont les protestants libéraux et les réformés (calvinistes). C'est surtout avec eux qu'il faut éclaircir le problème dans des colloques pastoraux. Certes, on ne peut pas demander à un protestant ce qu'on demande normalement à un catholique. Il suffit de croire : « ceci est (est) le corps du Christ donné pour toi ». Sur cela aussi Luther a beaucoup insisté. Les doctrines plus développées sur la transsubstantiation ou consubstantiation, même un fidèle catholique « normal » ne les connaît pas... » ( Interview de Andrea Tornielli à Walter Kasper du 13 mai 2018, “Il Concilio e due encicliche ammettono casi di eucarestia ai protestanti”, Source: lastampa.it/vaticaninsider/ita 14/05/2018).

 

Il feint d'ignorer, ce très mauvais théologien et ce très mauvais pasteur, que pour Luther la « présence réelle » qu'il a parfois admise, n'est jamais conçue par lui et par ses successeurs dans le sens que l’Église Catholique confère à une telle formule dogmatique, c'est-à-dire comme le résultat de la « transsubstantiatio », en vertu de laquelle, après la Consécration, il n'y a plus sur l'autel la « res » de ce pain et de ce vin, mais la « res » du Christ lui-même, « son Corps, son Sang, son Âme et sa Divinité ». Bref, la « présence réelle », comme l'entend l’Église Catholique, est la présence du Christ en Personne « sous les espèces du pain et du vin », qui après la consécration sont des accidents matériels (sensibles comme tous les accidents matériels) qui ne conduisent pas, comme cela arrive d'ordinaire, à la connaissance d'une substance matérielle. Ce sont désormais des accidents que Dieu garde dans l'être (pour qu'ils servent de « signes » sacramentels) sans leur inhérence naturelle à la substance de ce morceau de pain et de ces gouttes de vin parce qu'il y a maintenant (invisible pour notre connaissance sensible, mais connaissable par la foi dans la parole du Christ lui-même) la personne du Verbe Incarné. Les fidèles doivent croire à la présence du Christ sous les espèces sacramentelles comme à un mystère révélé par le Christ lui-même (mysterium fidei) et formalisé par l’Église dans une formule dogmatique (articulus fidei) qui fait connaître le mystère en recourant à des termes métaphysiques (« substance » et « accidents ») compréhensibles par tous parce qu'ils coïncident avec les certitudes du sens commun[2]. Donc les catholiques qui ont la foi saisissent la « présence réelle » du Christ dans l'Eucharistie, non pas dans un sens faible, idéaliste et spiritualiste, comme Luther, mais dans un sens fort, réaliste et absolu. En effet, le concile de Trente a clairement défini ce dogme en s’opposant aux protestants. De la même façon, juste après Vatican II, le pape Paul VI le réaffirme par l’encyclique Mysterium fidei (3 septembre 1965) face aux hérésies luthériennes qui pénétraient la théologie catholique par le néo-modernisme.

 

Cependant, ni les dogmes du Concile de Trente, ni son explication et actualisation de la part du Pape Paul VI ne constituent un problème pour Kasper qui a toujours soutenu que le Magistère ecclésiastique n'a « rien à dire » ni sur cette question ni sur aucune autre question doctrinale qui constitue la matière enseignée jusqu'à aujourd'hui par les théologiens allemands sous le nom traditionnel de « dogmatische Theologie ». Pour Kasper en revanche, ont « leur mot à dire » les théologiens qui interprètent l’Écriture à leur grès en faisant abstraction du Magistère et en justifiant n'importe quel arbitraire exégétique et herméneutique par la théorie de l' « historicité du dogme », enseignée par le plus autorisé des théologiens contemporains l'allemand Karl Rahner. En effet, déjà en 1967 Walter Kasper, alors âgé de 34 ans, soutenait qu'après le Concile la théologie devait changer de méthode. Jusqu'à cette époque le théologien partait des dogmes et de leur interprétation authentique de la part du Magistère pour ensuite appliquer la doctrine de la foi à son propre temps, il fallait maintenant au contraire partir de la (présumée) culture de son propre temps. Voilà ses mots :

 

« Le dogme maintenant ne peut plus paraître comme une grandeur relative et historique qui a seulement une signification fonctionnelle. Le dogme est relatif, en tant qu'il est en rapport avec la Parole originaire de Dieu, qu’il sert à indiquer, et avec les problématiques d'un temps déterminé, et en tant qu'il aide à entendre avec exactitude l’Évangile dans les différentes situations » (Walter Kasper, Per un rinnovamento del metodo teologico, (titre originel : Zur Methode der Theologie), Queriniana, Brescia 1969, p. 123).

 

Il s'agit des hérésies luthériennes qui avec le modernisme et le néo-modernisme ont pénétré même dans la théologie catholique du XXème siècle.  Dans la 4ème édition de mon traité sur Vraie et fausse Théologie[3] j'ai souligné la façon dont toutes ces hérésies démolissent l'ensemble de toutes les vérités catholiques sur l’Église : de l'Eucharistie, en tant que sacrement de la « présence réelle » et en tant que Sainte Messe, qui est le sacrifice du Christ qui se renouvelle de manière non sanglante[4] jusqu’à la conception du légitime ministre de l'Eucharistie (le prêtre validement ordonné) et jusqu'au charisme de la « infallibilitas in docendo » conférée par le Christ à la hiérarchie sacrée (et non aux théologiens et encore moins aux chefs d'une communauté ecclésiale « autogérée » ou  « autocéphale »). C'est donc à juste titre que l’Évêque américain cité plus haut voit dans la praxis déjà illégitimement mise en acte par les évêques allemands et justifiée maintenant par Kasper au nom de fausses raisons doctrinales, une attaque contre l'unité de l’Église et la dissolution de la vérité dogmatique professée chaque dimanche par les catholiques de chaque partie du monde pendant la Sainte Messe au moment où ils disent : « Credo... in unam sanctam, catholicam et apostolicam Ecclesiam ». Mgr Chaput écrit en effet :

 

« Si l'Eucharistie est vraiment le signe et l'instrument de l'unité ecclésiale, alors, si nous changeons les conditions de la communion ne redéfinissons nous pas de fait qui est l’Église et ce qu'elle est ? Qu'on le veuille ou non la proposition allemande inévitablement fera exactement cela. C'est le premier stade d'une ouverture de la communion à tous les protestants, ou à tous les baptisés, parce qu'au final le mariage n'est pas l'unique raison pour consentir la communion aux non-catholiques. La communion présuppose une foi et un credo communs y compris la foi surnaturelle dans la présence réelle de Jésus-Christ dans l'Eucharistie, avec les sept sacrements reconnus par la tradition pérenne de l’Église catholique. En renégociant dans les faits cette réalité, la proposition allemande adopte une notion protestante d'identité ecclésiale. Le simple baptême et une foi en Jésus-Christ semblent suffisants, non plus la croyance dans le mystère de la foi comme l'entendent la tradition catholique et ses conciles. Le conjoint protestant devra-t-il croire dans les ordres sacrés comme l’Église catholique l'entend, c'est-à-dire en les voyant comme logiquement connexes à la foi dans la consécration du pain et du vin comme corps et sang du Christ ? Ou bien les Évêques allemands sont-ils en train de suggérer que le sacrement des ordres sacrés pourrait ne pas dépendre de la succession apostolique ? Dans ce cas, nous aborderions une erreur plus profonde encore. La proposition allemande coupe le lien vital entre la communion et la confession sacramentelle. Vraisemblablement elle n'implique pas que les conjoints protestants doivent aller confesser les péchés graves comme prélude à la communion. Mais cela est en contradiction avec la pratique pérenne et l'enseignement dogmatique explicite de l’Église catholique, du Concile de Trente, de l'actuel Catéchisme de l’Église catholique, tout comme du magistère ordinaire. Cela implique, comme son effet, une protestantisation de la théologie catholique des sacrements. Si l'enseignement de l’Église peut être ignoré ou renégocié, y compris un enseignement qui a reçu une définition conciliaire (comme dans ce cas-ci, à Trente), alors tous les conciles peuvent-ils être historiquement relativisés et renégociés ? Plusieurs protestants libéraux modernes mettent en discussion ou repoussent ou simplement ignorent comme bagage historique l'enseignement sur la divinité du Christ du concile de Nicée. Aux conjoints protestants sera-t-il demandé de croire dans la divinité du Christ ? S'ils ont besoin de croire dans la présence réelle du Christ dans les sacrements, pourquoi ne devraient-ils pas partager la foi catholique dans les ordres sacrés ou dans le sacrement de la pénitence ? S'ils croient en toutes ces choses pourquoi ne sont-ils pas invités à devenir catholiques pour trouver la manière de rentrer dans une visible et pleine communion ?  […] Si les protestants sont invités à la communion catholique, les catholiques seront-ils exclus de la communion protestante ? S'il en est ainsi, pourquoi devraient-ils en être exclus ? S'ils n'en sont pas exclus, cela n'implique-t-il pas que la vision catholique sur les ordres sacrés et la consécration eucharistique valide soient en effet fausses et, si elles sont fausses, que les croyances protestantes soient vraies ?  […] L'intercommunion […] ne sera-t-elle pas vue par plusieurs comme une façon gentille de tromper ou de cacher des enseignements ardus, dans le contexte de la discussion œcuménique ? L'unité ne peut pas être construite sur un procédé qui cache systématiquement la vérité de nos différences. L'essence de la proposition allemande de l'intercommunion est que la sainte communion puisse être partagée même lorsqu'il n'y a pas une véritable unité de l’Église. Mais cela frappe le cœur même de la vérité du sacrement de l'Eucharistie, parce que de par sa nature même l'Eucharistie est le corps du Christ. Et le « corps du Christ » est autant la présence réelle et substantielle du Christ sous les apparences du pain et du vin, que l’Église elle-même, la communion des croyants unis au Christ le chef. Recevoir l'Eucharistie signifie annoncer de manière solennelle et publique, devant Dieu et dans l’Église qu'on est en communion autant avec Jésus qu'avec la communauté visible qui célèbre l'Eucharistie » (Charles J. Chaput, un modo gentile di nascondere la verità, cit.).

 

Tout ce discours de l’Évêque américain est louable pour sa courageuse défense de la foi catholique, mais aussi pour la précision du langage dogmatique, sans laquelle aucune défense de la foi ne peut être sans équivoque. Cela vaut surtout pour la traduction du terme « présence réelle » (qui synthétise le dogme de la présence du Christ dans l'Eucharistie « vere, realiter et substantialiter ») dans un langage populaire mais dogmatiquement précis, en parlant de « présence réelle et substantielle du Christ sous les apparences du pain et du vin ». Et c'est cela, seulement cela qu'il faut dire toujours et en toute occasion quand on parle de l'Eucharistie. En effet, l'expression « corps du Christ », sans cette explication centrée sur la « personne » (au sens métaphysique du terme), se prête à toute équivoque : équivoque dans laquelle tombe involontairement le même Chaput lorsque, en voulant suivre la rhétorique de Kasper et de tant d'autres théologiens sur la signification conviviale et communautaire de l'Eucharistie, il écrit (dans le passage cité plus haut) que

 

« L’Eucharistie est le corps du Christ. Et le « corps du Christ » est autant la présence réelle et substantielle du Christ sous les apparences du pain et du vin, que l’Église elle-même, la communion des croyants unis au Christ le chef. Recevoir l'Eucharistie signifie annoncer de manière solennelle et publique, devant Dieu et dans l’Église qu'on est en communion autant avec Jésus qu'avec la communauté visible qui célèbre l'Eucharistie ».

 

Si nous ajoutons à la confusion du fait de parler, sans autres explications, de « corps du Christ » en référence à l'Eucharistie, pour ensuite utiliser le même terme, non seulement en se référant au Corps mystique, mais aussi (comme le font beaucoup de théologiens et aussi le Pape François, qui parle toujours de « chair du Christ ») en se référant à l'humanité souffrante, au dedans et en dehors de l’Église, alors l'équivoque est vraiment délétère, et c’est précisément le dogme eucharistique qui en souffre le plus. Je continue de soutenir que la bonne théologie et la bonne catéchèse doivent s'exprimer clairement dans des termes réalistes, c'est-à-dire centrés sur la « personne » au sens métaphysique du terme. Il faut dire seulement cela et toujours cela : dans l'Eucharistie il y a Jésus en Personne et les espèces sacramentelles nous permettent de nous mettre en contact sacramentel avec ce même Jésus, maintenant glorieux au ciel et qui reviendra dans la Parousie. Je me souviens qu'il y a 70 ans, lorsque dans ma paroisse les catéchistes me préparaient à la Première Communion j'entendais dire seulement cela (et c'était suffisant : le reste est de trop) : tu recevras Jésus, la Communion est la rencontre avec Jésus... Le sens commun perçoit tout de suite et très bien la signification métaphysique essentielle du dogme, celle pour laquelle le terme « substance » (que Paul VI a justement qualifié d’incontournable pour désigner ce qu'est vraiment l'Eucharistie) indique une réalité individuelle ; lorsqu'il s'agit d'une substance rationnelle, cette substance est une personne (« rationalis naturae individua substantia » enseigna Boèce). La communion eucharistique me sembla à l'époque, et continue de me sembler maintenant, le mystère (cru parce que l’Église le dit) de la possibilité que j'avais d'une rencontre personnelle entre moi et Dieu fait Homme.

  

Antonio Livi

 

Articles connexes:

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L’ “intercomunione” coi Luterani

Riflessioni di Mons. Gherardini

 

L’exhumation intéressée du Père Dupuis

Répétition générale de Vatican III, contre Dominus Jesus

 

 


[1] Congregatio pro Doctrina Fidei, Responsa ad quaestiones de aliquibus sententiis ad doctrinam de Ecclesia pertinentibus, 29 juin 2007.

[2]  Antonio Livi, Metafisica e senso comune. Sullo statuto epistemologico della “filosofia prima”, Leonardo da Vinci, Roma  2005.

[3] Cf. Antonio Livi, Vera e falsa teologia. Come distinguere l’autentica “scienza della fede” da un’equivoca filosofia religiosa,quatrième édition, avec son Appendice  “Gli equivoci della teologia morale dopo la “Amoris laetitia”, Leonardo da Vinci, Roma  2018.

[4] Vedi Antonio Piolanti, L’Eucaristia,  6 volumi, Elle Di Ci ( Libreria Dottrina cristiana), Torino  1957.

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La guerre juste doit être combattue. Même par chacun d'entre nous

par Disputationes theologicae

L'importance de la vertu de force

 

30 avril 2018, Sainte Catherine de Sienne

 

Giovanni di Paolo, Sainte Catherine de Sienne à la Cour Pontifical d'Avignon

n'abandonne pas la guerre pour le juste jugement.

 

 

Sur la guerre juste Saint Thomas d'Aquin a écrit des mots incisifs qui sont une indication particulièrement actuelle pour les chefs d’États, mais aussi une suggestion morale pour chacun d'entre nous, surtout lorsqu'il s'agit de ne pas sous-évaluer l'exercice que nous devons faire de la vertu de force. En effet, un christianisme doucereux a fait souvent oublier que dans certains cas il y a un vrai devoir d'entrer en guerre lorsque est en jeu le bien de la patrie, mais aussi lorsqu'il est nécessaire de rétablir la justice, et cela - dit Saint Thomas - même en prenant des risques pour soi-même. Nous publierons de brefs articles sur des thèmes politiques qui nous touchent de près sur le plan naturel et surnaturel mais aussi sur le plan international, ecclésial et personnel.

 

 

Faire la guerre (même dans le sens le plus large du terme) n'est pas un péché

 

Saint Thomas commence son discours sur la guerre en affirmant qu'il existe une opinion selon laquelle faire la guerre ou dans un sens plus large s'opposer avec la force ou résister aux abus serait toujours un péché. Il rapporte la pensée de Saint Augustin qui avait déjà dû dissiper des doutes sur ce sujet en rappelant que dans l’Évangile on ne trouve aucune interdiction aux militaires d'exercer leur métier1.

 

Cependant, souligne l'Aquinate, il faut que la guerre soit juste et une telle justesse dérive au moins de trois caractéristiques. Dans les guerres qui regardent les royaumes il n'est pas permis à tout le monde de déclarer la guerre, mais cela doit être une décision  prise par l'autorité, c'est-à-dire par le prince légitime qui a parmi ses attributions celle de conduire l'action guerrière. En effet, un homme privé, pour un éventuel rétablissement de la justice, dans des conditions ordinaires, recourt au jugement du supérieur et n'a pas la faculté de déclarer une guerre. La sauvegarde de la tranquillité de l'ordre revient en soi au prince; il déclare la guerre à celui qui trouble l'ordre tant de l'intérieur que de l'extérieur (un cas à part est celui de l'autorité qui va contre le bien commun, sujet sur lequel nous reviendrons). C'est pour ce motif que le prince porte une épée, pour défendre la justice et pour être ce « vindex » dont parle Saint Paul (Rom 13,4). « Vengeur » est à prendre ici dans le sens le plus classique du terme c'est-à-dire dans le sens de « venger la colère divine », synonyme de « rétablir la justice ». Ce « vindex » est donc le protecteur du pauvre qu'il doit sauvegarder des exactions des iniques. En plus d'être une action du prince, la guerre juste doit avoir une caractéristique fondamentale la « causa justa », c'est-à-dire que celui auquel on déclare la guerre le mérite. C'est pour cela que Saint Augustin dit qu'on a l'habitude de définir comme guerres justes celles qui vengent l'injustice commise par une société qui refuse de réparer et persiste dans la prévarication. Troisièmement, la guerre juste doit être accompagnée de la droite intention de celui qui combat, c'est-à-dire que le but doit être la promotion du bien et l'extirpation du mal ou du moins le freiner, pour réprimer les méchants et soulager les bons. Cependant, il ne suffit pas que le prince légitime défende une cause juste parce que - toujours selon Saint Augustin - une telle guerre serait illicite si l'intention était par exemple le désir de nuire, la cruauté dans l'exercice de la vengeance, un tempérament implacable, la férocité dans la conduite de la guerre ou la soif de pouvoir2.

 

Mais comment concilier alors ce que l'on vient de dire avec le commandement divin de ne pas restituer le mal pour le mal ? Le Saint Évêque d'Hippone dit que quand on est obligé de conduire une guerre, une disposition générale de l'âme à la douceur et au renoncement à se défendre est nécessaire pour être fidèle à l’Évangile. Mais cela pourrait se dire aussi au sujet d'une résistance à actuer aux formes les plus diverses. Toutefois, à un certain moment l'intervention de la force devient  nécessaire surtout si le bien commun ou le bien de ceux contre lesquels on combat est en jeu. Ici émerge un autre aspect trop souvent oublié, c'est-à-dire le devoir d'aimer le prochain jusqu'au point de lui déclarer la guerre. Pour son bien. Cela peut être un geste d'amour que de lui enlever la liberté de faire le mal impunément et surtout lui soustraire son bonheur tranquille de malfaiteur, qui renforce la crânerie des impunis et leur mauvaise volonté. En paraphrasant Saint Augustin on pourrait ajouter qu'en plus de combattre pour le bien commun, on combat cet ennemi intérieur qui lutte à l'intérieur de notre ennemi3. Et cela pour son véritable bien. Telle est la charité qui doit animer l'action de s'opposer - même par l'épée si nécessaire - à l'injustice. Cependant, rappelle Saint Augustin à Boniface, il faut toujours tenir présent que le but de la guerre est la paix : « la paix n'est pas recherchée pour faire la guerre, mais la guerre se conduit pour obtenir la paix. Aies donc toujours l'âme pacifique lorsque tu guerroies, afin qu'en gagnant tu puisses conduire au bien de la paix ceux que tu auras soumis »4.

 

 

L'importance de s'exposer soi-même dans la guerre juste

 

Dans un lieu parallèle Saint Thomas rappelle que certaines guerres sont à faire et que, suivant son état, dans certains cas il n'y a pas d'excuses qui valent. S'il y a un bien important à poursuivre il faut aller jusqu'au bout, en exerçant précisément la vertu de force, qui nous fait aller même à l'encontre de la mort ou du moins nous rend prêt à la risquer. Sa propre vie mais aussi - notamment dans les guerres que l'on fait sans armes - d'autres biens comme l'aisance ou la réputation doivent être mis au service de la cause du bien. Ce qui signifie que l'homme doit être prêt à aller même à l'encontre de la mort dans la défense du bien commun par la guerre juste5. Ici Saint Thomas fait un ajout, en donnant une indication à chacun d'entre nous sur le devoir de combattre même si nous ne sommes pas des soldats chargés de défendre le sol de la patrie, mais de simples militants dans la guerre pour le triomphe de la foi attaquée ou de la justice naturelle piétinée. Il y a en effet deux types de guerres justes, le premier est appelé général lorsque l'on combat dans les rangs de l'armée et le second est appelé particulier c'est-à-dire celui qui peut concerner les personnes privées, chacun d'entre nous. Cela se vérifie lorsqu'un homme ne s'écarte pas du juste jugement (« non recedit a justo judicio »)6, qu'il reste ferme dans le choix juste, sans trembler devant le danger de mort ou de n'importe quelles autres menaces. La vertu de force exige en effet une fermeté d'âme contre les intimidations et les dangers même mortels, non seulement dans une éventuelle guerre officiellement déclarée par l'autorité mais aussi dans notre guerre particulière, qui à juste titre peut être dite guerre comme l'écrit le Docteur commun7. Même la défense d'un jugement objectivement juste peut - et parfois doit - aller jusqu'à la guerre. Non seulement parce qu'il peut y avoir le devoir pour le bien commun d’exercer la vertu de force en rétablissant la vérité, mais aussi pour ne pas commettre un péché contre l'intelligence, en soumettant cette grande vertu à la tranquillité de sa petite vie et de son propre intérêt personnel.

 

La Rédaction de Disputationes Theologicae 

 

 

 

 


1 S. Thomas d’Aquin, S. Th., IIª-IIae q. 40 a. 1 s. c.

2 Ibidem, c.

3 Ibidem, ad 2. “Ad secundum dicendum quod huiusmodi praecepta, sicut Augustinus dicit, in libro de Serm. Dom. in monte, semper sunt servanda in praeparatione animi, ut scilicet semper homo sit paratus non resistere vel non se defendere si opus fuerit. Sed quandoque est aliter agendum propter commune bonum, et etiam illorum cum quibus pugnatur. Unde Augustinus dicit, in Epist. ad Marcellinum, agenda sunt multa etiam cum invitis benigna quadam asperitate plectendis. Nam cui licentia iniquitatis eripitur, utiliter vincitur, quoniam nihil est infelicius felicitate peccantium, qua poenalis nutritur impunitas, et mala voluntas, velut hostis interior, roboratur.

4 Ibidem, ad 3. “Ad tertium dicendum quod etiam illi qui iusta bella gerunt pacem intendunt. Et ita paci non contrariantur nisi malae, quam dominus non venit mittere in terram, ut dicitur Matth. X. Unde Augustinus dicit, ad Bonifacium, non quaeritur pax ut bellum exerceatur, sed bellum geritur ut pax acquiratur. Esto ergo bellando pacificus, ut eos quos expugnas ad pacis utilitatem vincendo perducas.

5 Ibidem, IIª-IIae, q. 123 a. 5 c. “Sed pericula mortis quae est in bellicis directe imminent homini propter aliquod bonum, inquantum scilicet defendit bonum commune per iustum bellum”.

6 Ibidem, “Potest autem aliquod esse iustum bellum dupliciter. Uno modo, generale, sicut cum aliqui decertant in acie. Alio modo, particulare, puta cum aliquis iudex, vel etiam privata persona, non recedit a iusto iudicio timore gladii imminentis vel cuiuscumque periculi, etiam si sit mortiferum”.

7 Ibidem, “sed etiam quae imminent in particulari impugnatione, quae communi nomine bellum dici potest”.

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Le symbolisme eucharistique entre “intercommunion” et Amoris Laetitia

par Disputationes theologicae

Vers une nouvelle “doctrine” de l’Eucharistie?

 

27 février 2018, Saint Gabriel de l’Addolorata

 

 

La subversion dont nous sommes spectateurs concerne la possibilité d’élargir “dans certains cas” la communion eucharistique, même à des personnes publiquement séparées de l’Eglise par l’hérésie et le schisme. Elle découle non seulement du complexe qui consiste à se conformer aux critères du monde, en capitulant devant lui, et non seulement d’une mentalité d’inspiration luthérienne quant à la nature et à l’action de la grâce sanctifiante comme nous l’avons déjà écrit, mais aussi d’une doctrine eucharistique erronée et faussée qui, en privilégiant le symbolisme eucharistique, “survole” - dans le meilleur des cas - la réalité de la “transsubstantiation”.

 

La mentalité “symboliste” au détriment de celle réaliste a gagné depuis quelques décennies une très large place dans les discussions théologiques, en sapant les bases de presque tous les dogmes. Dans cet article, en se basant sur les études de certains théologiens de l’Ecole Romaine nous exposerons brièvement certains traits de cette pensée et de ses déviations dans le domaine eucharistique. Déviations qui seront analysées sous l’angle de la compatibilité qu’elles présentent avec des affirmations scandaleuses liées à l’interprétation d’Amoris Laetitia et avec des nouvelles pratiques, comme l’intercommunion avec les protestants, qui semblent l’application - en version  moderniste et phénoménologique - de l’hérésie eucharistique luthérienne et de ses dérivés les plus récents.

 

 

L’insidieuse “modernisation” de la théologie eucharistique

 

La tentative de “moderniser” la théologie, eucharistique dans notre cas, en mettant de côté les “formules de la Scolastique” est un vieil adage des modernistes depuis plus d’un siècle désormais. Elle bénéficie aussi de l’apport de savants qui - hier comme aujourd’hui - se disent être animés par des intentions pastoralement oecuméniques, en vue d’arriver à l’“unité sacramentelle” tant désirée avec le monde protestant. L’Allemagne, à la suite des philosophies allemandes du XIXème siècle et en raison de la proximité physique avec le monde protestant, s’est toujours distinguée sur ce point par une certaine nervosité[1].

 

A partir de l’après-guerre, des textes anonymes dactylographiés sur le symbolisme eucharistique commencèrent aussi à se glisser dans les athénées catholiques. L’un d’entre eux se rendit particulièrement fameux au point de susciter de nombreuses études et même les interventions de Humani Generis et de Mystici corporis, qui semblaient en condamner directement certains passages[2]. Mgr Piolanti, après l’avoir défini comme “le point de rencontre de toutes les innovations de la théologie moderne” - dans lequel l’erreur était “divulguée de manière aussi tenace que cachée” - faisait une brève prémisse introductive sur les intentions affirmées par celui qui l’avait écrit : “l’Auteur, du début, affirme vouloir inaugurer une nouvelle méthode, tout en restant dans le champ de la foi catholique. Le but d’une telle innovation est d’arriver à une connaissance plus profonde du mystère et adaptée aux exigences modernes”[3]. De telles déclarations de respect de la doctrine définie sont une constante, très souvent trompeuse, du mouvement des théologiens et des ecclésiastiques “novateurs” qui se diffusera de manière exponentielle jusqu’à nos jours, en ayant une accélération suite au Concile Vatican II. L’ “élan d’actualisation” finissait presque toujours dans l’adoption de la phénoménologie moderne, posée comme fondement du discours théologique, et avec comme corollaire le renoncement à la métaphysique thomiste de l'Etre et particulièrement aux notions abhorrées de “substance” et d’ “accident”. Par des tons charmeurs la vérité se mélangeait à l’erreur en rendant difficile son individuation et en même temps on affirmait immanquablement - là aussi, hier comme aujourd’hui - ne pas vouloir changer la doctrine de l’Eglise. En 1965, il y eut une intervention de Paul VI, visant dans ce cas spécifique Schoonenberg et Schillebeeckx mais sans les nommer, par l’encyclique Mysterium fidei[4], qui sur certains points constitua d’une certaine manière un barrage aux déviations, même si le cancer nécessitait une amputation plus drastique. 

 

 

Ubiquisme luthérien et symbolisme eucharistique

 

Le point de départ pour une analyse du symbolisme eucharistique moderniste semble devoir se retrouver dans la théorie protestante ubiquiste. Mons. Gherardini en expliquant cette position rappelait que pour Luther l’omniprésence du Christ adviendrait en raison de l’union hypostatique, laquelle “met le Christ en dehors des créatures, aussi lointain d’elles que Dieu en est lointain, et aussi présent à elles, aussi profondément en elles que Dieu même est auprès d’elles et intime”. Ainsi pour Luther “l’Humanité [du Christ] en sort tout puissante et immense, c’est-à-dire douée de toutes les perfections absolues de la nature divine”, y compris l’ubiquité. En synthèse: “l’idée générale est que le corps du Christ est en dehors de toute catégorie de lieu, de la sorte que le Christ, même en tant qu’homme, peut être partout présent et Il a voulu l’être justement dans l’Eucharistie”[5].

 

En s’inspirant du postulat luthérien, que nous venons de citer, la présence du Christ en Palestine et dans l’Eucharistie elle-même devient, dans l’élaboration de certains théologiens, un “signe spécial” de la présence spirituelle du Christ qui jouit de l’ubiquité. L’Eucharistie devient “symbole efficace pour appeler les hommes naturellement dissipés à se recueillir et à se concentrer en eux-mêmes, de manière à s’adresser au Christ, et, renouvelés dans l’esprit, à établir une relation mutuelle avec lui, qui implique la présence spirituelle ou pneumatique de Jésus avec eux”[6]. Dans cette perspective, on notera que le discours s’est déplacé sur l’aspect symbolique et surtout relationnel en faisant fi de la “substance” et de la doctrine sacramentaire de la “transsubstantiation” dans leur acception classique. 

 

Ici il est nécessaire de rappeler que pour la phénoménologie qui s’appuie sur des fondements philosophiques aux contours néo-platoniciens, toute chose sensible est image du monde supérieur ou intelligible, donc “la réalité la plus profonde d’une chose consisterait dans sa valeur symbolique”[7]. Il arrive dans ce genre de théorie une sorte de dissolution de l’ens dans la conscience, dans laquelle ce dernier se vide. La réalité est privée de son épaisseur dérivant de son acte d’être (participé de l’Etre subsistant divin) et est réduite à l’ombre d’un archétype idéal. De-là aussi la fonction du symbole, qui est une création naturelle de la personne pour exprimer les idées et elle-même, et pour “faire revivre” intentionnellement l’archétype idéal dans l’intériorisation de la conscience[8]. Parler de “symbole” pour l’Eucharistie, le symbole étant dans un tel contexte la réalité plus profonde, n’implique pas la négation de ce que de tels novateurs peuvent encore appeler “présence réelle”, et même, pour eux, une telle présence symbolique, qui “dilate” la “présence pneumatique” du Christ réalisée par l’intelligence et le coeur, est certainement “réelle”. Mais elle n’est pas nécessairement la présence “substantielle” dont parle la foi catholique et qui fut définie par le Concile de Trente[9]. On notera aussi le rôle que l’intelligence et le coeur du fidèle viennent à assumer dans la détermination de cet “élargissement” symbolico-relationnel de la présence du Christ.

 

 

Transsignification et transfinalisation 

 

Dans les théories de la “transsignification” les plus diffusées, ce qui arriverait dans l’Eucharistie est décrit comme une manifestation de la souveraine volonté du Christ, qui fait que le pain et le vin se transforment totalement. “Se transforment totalement” est à entendre dans ce cas qu’ils prennent de manière totale et profonde une signification, c’est-à-dire celle de corps et sang de Jésus. Mgr Piolanti commente ainsi: “ la transsubstantiation est donc une transsignification, dépendante de la suprême seigneurie du Christ glorieux, qui transfigure selon sa souveraine sagesse tout le réel; dans le cas de l’Eucharistie il confère une nouvelle signification profonde au pain et au vin en les rendant son corps et son sang”[10].

 

Dans ces théologies, qui prendront par la suite l’appellation de “hollandaises”, à titre d’exemple, on affirme que le corps du Christ après la Résurrection serait déjà partout où l’on croit en Lui en vertu d’une présence “pneumatique”; dans l’Eucharistie Il s’offrirait par le don de son corps et de son sang (présents parce que transsignifiés). Ils seraient les symboles de l’Alliance, offerts à ceux qui, en acceptant sa proposition, veulent entrer en communion interpersonnelle avec Lui. Une fois  contournées le questions de l’ “être en soi” des choses dans ce cas de l’Eucharistie, et du “qu’est que cette substance” après que le prêtre ait prononcé les paroles de la Consécration, on remarquera comment toute l’argumentation est encadrée principalement selon l’ “être pour nous” du Christ et de l’Eucharistie.

 

Donc dans le mystère eucharistique, en développant d’une certaine façon le passage “ubiquiste” de Luther cité plus haut, qui renvoyait déjà la présence du Christ à l’intimité, l’aspect de la jonction du Christ avec les fidèles va avoir une prééminence absolue. Le Christ, pneumatiquement présent partout est présent dans les espèces du pain et du vin pour se donner à l’Eglise, et même on pourrait dire que dans une telle vision il s’agit d’une “présence spéciale”, sous les signes du pain et du vin, parce qu’ils ont été transsignifiés et donc transfinalisés. En faisant abstraction de l’ “être en soi et pour soi” des choses, qu’on affirme être impossible à déterminer, celles-ci sont considérées seulement dans leur “être pour nous”, c’est-à-dire en les rapportant à la valeur qu’elles ont en relation à la personne humaine. Voilà pourquoi après les paroles du Christ prononcées sur le pain et le vin, ces derniers changent totalement de signification en vertu d’un processus anthropologique : de signes de la nutrition deviennent signes de la personne du Christ, au sens de son extension naturelle à eux. Les signes sont ainsi introduits “dans la sphère de la corporéité du Christ”, ils ont par volonté divine cette nouvelle signification et cette nouvelle finalité, qui les rend symboles “naturels” de la personne du Christ et de ses rapports interpersonnels[11]. Il faut ajouter que l’ambiance de la réciprocité personnelle qui s’est réalisée lors de la dernière Cène, du banquet évocateur de l’Alliance dans lequel règne l’atmosphère de l’amitié et de la rencontre, produit la véritable “présence” d’une personne à l’autre. Dans ce cadre - où la conscience qui s’exprime et exprime elle-même devient la patronne - on comprend pourquoi “la présence du Christ dans l’Eucharistie est uniquement orientée à la donation mutuelle, pour établir une communion réciproque”[12].

 

Nous précisons que les concepts de transsignification et de transfinalisation, pris en soi et entendus dans un sens thomiste, n’impliquent pas forcément l’hérésie eucharistique. Au contraire, s’ils sont utilisés selon l’orthodoxie, ils pourraient ajouter des idées intéressantes pour la vie spirituelle, mais le problème central est que de telles définitions doivent jaillir de la transsubstantiation comme d’une unique source et ne doivent pas ni ne peuvent pas fonder la doctrine eucharistique indépendamment de cette réalité de foi.

 

 

Vers la (con)fusion entre Communion sacramentelle et Communion spirituelle

 

La finalité de la “présence” est ainsi devenue, dans la pensée de tant d’auteurs et de fidèles inconscients, presque exclusivement la “communion”. Karl Rahner écrivait : “une telle présence durable et réelle du Christ (“présence réelle”) reste cependant nécessairement rapportée à l’acte par lequel l’Eglise la pose et à sa finalité qui est justement sa réception (“manger”) de la part du croyant”[13]. Cependant la notion de Communion, si elle ne dérive plus d’une saine théologie de la transsubstantiation, de la Communion à la réalité du Corps, Sang, Ame et Divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ, présents “per modum substantiae”, devient un concept plutôt confus, qui la fait ressembler à celle qu’on appelle communément “communion spirituelle”, avec en plus la complication des aspects phénoménologiques que l’on vient de citer. 

 

 La Communion spirituelle est une aspiration fervente à pouvoir s’unir dans d’autres circonstances au Corps et au Sang du Christ transsubstantiés, si nécessaire après s’être amendé de ce qui empêche la Communion sacramentelle. On entend désormais à ce propos des discours dans lesquels la perspective apparait complètement renversée et la Communion sacramentelle aux saintes espèces devient seulement une amplification en intensité de la Communion spirituelle. La Communion sacramentelle semble seulement avoir “en plus” l’accès “au symbole vrai et propre”, au pain et au vin transsignifiés, transfinalisés, ou du moins “symbolisant la présence”. S’il en était ainsi l’accès sacramentel à l’Eucharistie par rapport à la Communion spirituelle deviendrait presque seulement une appropriation plus profonde de l’échange interpersonnel et spirituel ou une acceptation vraiment pleine du “don eucharistique”, transsignifié et transfinalisé “pour nous”. Et tout ce qu’on vient de décrire arriverait indépendamment du fait que la transsubstantiation soit la source et le fondement de n’importe quel autre “échange spirituel” entre le Christ et le fidèle qui communie, parce qu’au fond cela est devenu un “problème de théologien scolastique” dépassé et - dans la perspective d’un “néoplatonisme protestantisant” -  la réalité du symbole compte beaucoup plus que la “réalité corporelle”, fusse-t-elle même celle de la substance du “corps du Christ”.

 

A ce moment il serait licite de se poser la question : quelle serait alors dans la vision que l’on vient de décrire la différence entre la Communion sacramentelle aux saintes espèces et la Communion seulement spirituelle? Walter Kasper, en commentant l’invitation que faisait Benoit XVI à celui qui ne peut pas accéder à l’Eucharistie de faire seulement la Communion spirituelle, s’exprimait ainsi : “cependant elle soulève différentes interrogations. En effet, celui qui reçoit la communion spirituelle est une seule chose avec Jésus-Christ [...] Pourquoi, donc, ne peut-il pas recevoir la communion sacramentelle ?”. Mons. Livi commentait ainsi dans cette revue : “Kasper montre ne pas savoir distinguer la “communion de désir” de la communion sacramentelle au sens vrai et propre, qui est pour lui un acte purement “spirituel” et symbolique, sans une réelle rencontre du fidèle avec le Christ, le Verbe Incarné”[14].

 

Il est clair que si la doctrine sous-jacente est celle qui a été décrite, toutes les distinctions catholiques à propos de l’accès à l’Eucharistie en viennent littéralement à se dissoudre. Non seulement la nature même de l’Eucharistie est altérée et elle n’est plus associée à des critères métaphysiques certains, mais la distinction même de “âme en état de grâce” ou “en état de péché mortel”, sous-entendant elle aussi clairement une distinction entre la substance et l’accident, entre le naturel et le surnaturel, entre la possession de la foi et celle de la charité, entre foi surnaturelle et simple sens religieux, se résout uniquement dans le monde de la “relation interpersonnelle entre Jésus et le croyant autour du symbole de la présence pneumatique du Ressuscité”. Ce qui compte en effet est d’accepter la proposition de rencontre spirituelle avec le Dieu vivant qui s’offre à moi dans les “dons eucharistiques”. Pourquoi alors renoncer à la Communion même sacramentelle “seulement” parce qu’on est en état de péché mortel ou séparé de l’Eglise catholique ? Effectivement - si par absurde les choses en étaient ainsi - cela n’aurait pas beaucoup de sens de “s’abstenir de la rencontre”.

 

Dans les desseins du Cardinal Kasper d’élargir la Communion sacramentelle aux pécheurs publics qui ne changent pas de vie et dans les toutes récentes conclusions du Cardinal Marx de donner le Corps du Christ (même celui objectivement transsubstantié) aux Protestants, ne peut-on pas voir apparaitre une certaine cohérence avec quelques-uns des principes exposés ci-dessus ?

 

Don Stefano Carusi

 

 

 

Pour approfondir:

L’ «intercommunion» avec les Luthériens, Réflexions de Mgr Gherardini

L’Eucharistie selon Kasper (I), (II) 

L’influence de Luther derrière la “thèse Kasper”?

 

 

 

[1] Significatif pour l’époque aussi l’intervention du Saint Office de 1940 à propos de l’oeuvre “Der Chist als Christus”, Decretum S. Officii, 30 oct. 1940, in Acta Apostolicae Sedis (AAS), 32 (1940).

[2] Voir par exemple Pie XII, Enc. Humani generis: AAS 42 (1950), p. 578.

[3] A. Piolanti, Il Mistero Eucaristico, Città del Vaticano 1996, p. 346.

[4] Paul VI, Enc. Mysterium Fidei, in AAS 57 (1965), pp.753-774; Denz. nn. 4410-4413. Sur le climat théologique à la veille de la publication de l’encyclique, sur sa genèse et les collaborateurs de sa rédaction, cf aussi M. Cagin (Ed.), “Cahiers de Rome du Cardinal Journet”, in Correspondance Journet-Maritain, Vol. VI, p.795, 823. 

[5] B. Gherardini, Gesù Cristo, in A. Piolanti (Ed.), Il Protestantesimo ieri e oggi, Roma 1958, p. 776.

[6] A. Piolanti, Il mistero Eucaristico, cit., p. 356-357.

[7] Ibidem, p. 272.

[8] Arriver à l’être pour le jésuite J. B. Lotz, par exemple “implica anche il soggetto, il fatto che le cose del mondo sono riportate all’uomo, interiorizzate. Soggetto e oggetto si compenetrano vicendevolmente al punto che tale interiorizzazione è un vedere, una visio, l’essere (non un’intuizione, perché questo escluderebbe ogni interiorizzazione, ogni reditio, ogni resolutio, ogni mediazione)”, M. Marassi, Introduzione, in J. B. Lotz, M. Marassi, Esperienza trascendentale, Milano 1993, p. LVIII, LIX.

[9] H. Denzinger, Enchiridion Symbolorum definitionum et declarationum de rebus fidei et morum, edizione bilingue (Ed. P. Hünermann), Bologna 1995, (Denz.) - les références sont relatives au texte latin - n. 1636: “dopo la consacrazione del pane e del vino Nostro Signore Gesù Cristo, vero Dio e vero uomo è contenuto veramente, realmente e sostanzialmente sotto le specie di quelle cose sensibili, non vi è infatti contraddizione che il nostro stesso Salvatore sieda sempre nei cieli alla destra del Padre, secondo il modo naturale di esistere e il fatto che parimenti in molti altri luoghi la sua sostanza sia sacramentalmente presente in mezzo a noi”. Denz. n. 1642: “con la consacrazione del pane e del vino si opera la conversione di tutta la sostanza del pane nella sostanza del corpo di Cristo, Nostro Signore, e di tutta la sostanza del vino nella sostanza del Suo sangue. Questa conversione, quindi convenientemente e propriamente è chiamata transustanziazione”. 

[10] A. Piolanti, Il mistero Eucaristico, cit., p. 273.

[11]Non si parla di tranfinalizzazione e di transignificazione secondo la simbologia scolastico-intellettiva. Si asserisce invece una vera transfinalizzazione e transignificazione secondo la simbologia fenomenica-antropologica: nell’Eucarestia il pane e il vino non acquistano un significato e una finalità astratta, sovrapposta al loro essere, ma sono introdotti nella sfera della corporeità di Cristo, diventando così simboli naturali della sua persona e dei suoi rapporti interpersonali (alleanza tra lui e i fedeli) ”, Ibidem p. 282.

[12] Ibidem p. 278, pp. 279-287.

[13] Tale presenza durevole e reale di Cristo (“presenza reale”) resta però necessariamente rapportata all’atto con il quale la Chiesa la pone e alla sua finalità che è appunto la sua recezione (“mangiare”) da parte del credente” K. Rahner, H. Vorgrimler,  Dizionario di teologia (Ed G. Ghiberti, G. Ferretti ), Milano  1994, pp. 243-244.

[14] A. Livi, L’Eucharistie selon Kasper, in Disputationes Theologicae, 19 août 2015.

Voir les commentaires

La bataille pour la “troisième voie” continue

par Disputationes theologicae

Des exemples récents qui témoignent de cette nécessité

21 décembre 2017, Saint Thomas Apôtre

 

Le prêtre de la Fraternité Saint Pierre et la Pasteure à la cérémonie œcuménique

 

Le 6 décembre 2013 nous écrivions l’article suivant Les raisons d’une bataille: la parole aux exemples, signé par les Résistants de l’IBP qui donneront naissance à la Communauté Saint Grégoire le Grand. On y proposait une vue panoramique de la situation en montrant les fruits de certains choix que nous ne partagions pas, raison pour laquelle nous avons choisi de résister en société. Quatre ans après, nous recevons de nos lecteurs de la documentation témoignant de l’évolution de la situation sur le même chemin que nous avions décrit à l’époque. Cette situation a même empiré plus que prévu et oblige tout le monde à une réflexion sérieuse. Cette fois encore, nous laissons la parole aux exemples récents.

 

Un important membre de la Fraternité Saint Pierre assiste à un rite œcuménique

Une des plus importantes présence de la Fraternité Saint Pierre en France est celle de Bordeaux, dans l’église de Saint Bruno, où le 11 novembre dernier Son Eminence Révérendissime le Cardinal Ricard a voulu prier pour la paix de manière œcuménique. La “journée pour la paix” s’est déroulée dans cette même église le jour de la commémoration de la victoire française lors de la Première Guerre Mondiale. Etaient présents l’Archevêque de Bordeaux, certains prêtres diocésains et la pasteure de l’ “église” Protestante Unie de Bordeaux, Madame Valérie Mali, qui a pris la parole et guidé une prière. A cette cérémonie œcuménique pour la paix était également présent officiellement - dans le chœur et en surplis - le prêtre qui dirige l’apostolat de la Fraternité Saint Pierre à Bordeaux, l’Abbé de Giacomoni. Nous précisons que Madame Valérie Mali ne s’est pas distinguée seulement pour ses mérites dans la poursuite de l’ “unité luthérienne”, mais elle se glorifie d’avoir été la première à avoir “béni” - façon de dire - des “noces” homosexuelles à Bordeaux. La rencontre prenait donc accidentellement, en plus de son caractère œcuménique déclaré, une légère coloration LGBT.

Lorsque nous avons été informés de cet événement nous avons voulu penser que peut-être le prêtre de la FSSP n’était pas au courant et s’était retrouvé dans une situation inattendue. En ce cas, on aurait pu invoquer la faiblesse ou l’incapacité de réaction face à une situation imprévue, cependant la gravité du fait demeure car dès qu’on se rend compte d’une telle situation on a le devoir de se dissocier publiquement du scandale pour la foi. C’est pour cela aussi que dans un premier temps nous avions préféré ne pas commenter cet événement. Entre temps, les prêtres de la FSSP de Bordeaux ont déclaré autre chose : il ne s’agit pas d’une initiative autonome de l’Abbé de Giacomoni, mais d’un choix véritable, assumé de manière responsable par la FSSP car il y a deux ans déjà, disent-ils, les Supérieurs avaient choisi d’agir de la même façon que cette fois-ci. La justification doctrinale a été que - malgré la présence officielle dans le chœur de la pasteure luthérienne - il s’agissait d’une “Messe catholique”. La justification pastorale a été que leur présence aidait à “maintenir de bons rapports avec le Cardinal”. Nous ne croyons pas qu’il y ait beaucoup de choses à ajouter, sinon de répéter avec insistance ce que nous avons écrit dans notre article de 2013: La FSSP veut-elle faire la bataille doctrinale ?

Lorsqu’à l’IBP certains montrèrent avec franchise ecclésiale leurs réserves concernant le document Pozzo (Le “rite propre” et l’ “herméneutique de continuité” sont-ils suffisants?), document accepté d’abord seulement par les sommets de l’Institut, puis par tous, un prêtre de la FSSP (maintenant employé à la Curie Romaine) nous disait que sa Société recevait régulièrement des lettres de ce genre de la Commission Ecclesia Dei et que le choix général avait toujours été celui, même s’ils n’en partageaient pas le contenu, de ne faire aucune remontrance publique. Quels ont-été les résultats d’une telle politique?

Et - puisqu’il est juste de regarder les deux côtés de la médaille - était-il vraiment nécessaire que le Cardinal Ricard, membre influent de la Commission Ecclesia Dei, qui connait bien le monde Vetus Ordo, choisisse parmi les nombreuses églises de la ville, précisément celle de Saint Bruno où est célébrée la Messe traditionnelle ?

Nous savons bien que plusieurs prêtres de la Fraternité Saint Pierre ne partagent pas du tout ce qui s’est passé à Bordeaux, mais ne serait-il pas opportun d’aller ailleurs ou du moins de commencer à prendre publiquement position contre cette acceptation de facto de rites œcuméniques de la part de leur propre Fraternité?

Si tels sont les fruits de l’acceptation passive de la mise sous Commissaire de l’année 2000 et plus généralement du choix de ne pas s’opposer, même pas pour ce qui est inacceptable pour un catholique comme un rite œcuménique, le moment ne serait-il pas venu de réfléchir sérieusement à changer d’approche dans la bataille à mener pour l’Eglise? 

 

La Fraternité Saint Pie X, entre l’esprit bergoglien et l’esprit schismatique

Nous rapportons un épisode survenu il y a quelques mois dans un prieuré de la FSSPX. Dans le Centre de la France, un jeune se convertit, quittant la fausse religion dans laquelle il est né et fait le choix de la Tradition. N’étant pas baptisé et désirant se marier, il s’adresse aux prêtres de cette Fraternité qui lui demandent une année de préparation. Le catéchumène est jugé apte à recevoir le Baptême, mais on découvre que pendant la préparation il a assisté à une Messe (traditionnelle) célébrée par des prêtres de l’Institut du Christ-Roi. A ce moment, les prêtres de la FSSPX, après l’avoir durement repris et après avoir reporté le Baptême, demandent devant un témoin qu’avant toute chose le catéchumène s’engage moralement sur l’honneur sur trois points : 1) reconnaitre que la “Nouvelle Messe est dangereuse pour la Foi”; 2) ne jamais aller à des Messes traditionnelles célébrées en vertu du Motu proprio; 3) aller exclusivement aux Messes des prêtres de la Fraternité Saint Pie X ou en communion déclarée avec elle. S’il refuse, il ne sera pas admis au Baptême ni au Mariage qui est en vue. Les choses se passent ainsi car le jeune homme refuse de souscrire.

Nous précisons qu’il est compréhensible qu’un prêtre prenne les mesures nécessaires pour vérifier  la véracité de la conversion et que la demande des sacrements soit pleinement consciente et volontaire. Il est aussi compréhensible d’inviter les fidèles à réfléchir pour qu’ils sachent discerner l’opportunité d’assister à certaines cérémonies, même si elles sont célébrées dans le rite traditionnel. Mais demander un acte d’adhésion exclusive à la FSSPX et un rejet formel - non seulement dans certaines circonstances spécifiques mais un rejet de principe - des sacrements célébrés en dehors de ladite Fraternité cela ne parait pas admissible. En effet, nous ne voyons pas en quoi cela se distinguerait du rejet - systématique et pas seulement en raison des circonstances - de la communicatio in sacris avec d’autres membres de l’Eglise catholique, qui est une des conditions pour que l’on puisse parler de schisme. Peu importe qu’ils célèbrent le rite traditionnel et prêchent la doctrine catholique, il faut l’adhésion exclusive à la Fraternité. 

 

Malheureusement, cette position n’est pas une prérogative de jeunes prêtres inexpérimentés du Centre de la France, qui ont certainement exagéré aussi sur les modalités pratiques, mais elle est la suite logique de la doctrine enseignée officiellement à Ecône, soutenue en public par les Supérieurs et défendue aussi - quoique par intermittence, comme toujours - par Mgr Fellay, doctrine jamais rétractée publiquement (cf notre article de 2011: Des positions contradictoires et ambigües dans la Fraternité saint Pie X). 

 

Est-ce seulement la faute de jeunes prêtres inexpérimentés ou est-ce aussi la faute de celui qui - en cultivant l’ambiguïté - laisse dispenser au Séminaire un enseignement officiel d’une toute autre teneur que les déclarations au Vatican? En effet, à notre connaissance les professeurs en question n’ont pas été sanctionnés ou mutés par ces mesures violentes que la Fraternité sait prendre lorsqu’on ne suit pas la ligne du chef.

Mais l’ambiguïté encore plus hilarante consiste dans le fait que si le jeune catéchumène avait accepté de souscrire à la rupture de la communicatio in sacris avec quiconque est hors de la FSPPX, il aurait pu se marier validement dans certains Prieurés de cette Fraternité! En effet, suite aux tractations en cours avec le Vatican, elle a déjà obtenu la possibilité de marier validement grâce à la juridiction donnée par le Pape Bergoglio (privilège officiel jamais concédé à la Fraternité Saint Pierre, même pas après les rencontres avec les Luthériens...). Parallèlement à cela le Supérieur Général n’a pas encore précisé s’il est admissible que les fidèles doivent - pour pouvoir se marier avec la juridiction vaticane - déclarer leur rupture in sacris avec ceux qui sont hors de la FSSPX. Nous n’avons pas eu connaissance non plus d’une clarification du Vatican à ce sujet.

Est-ce cohérent tout cela? Est-ce cela la suprême recherche du bien des âmes même en s’opposant si nécessaire à la “Rome apostate et moderniste” (comme ils disent) ou bien est-ce rentrer pleinement dans la logique politicarde de la nouvelle pax bergogliana?

 

Le Supérieur de l’IBP: “Pleine communion, pleine communion avec Rome!”

Le Supérieur de l’Institut du Bon Pasteur nous a habitués à des positions contradictoires. Beaucoup se souviennent qu’il y a quelques années, déjà en tant que Supérieur d’un Institut de droit pontifical, il dirigeait la chorale - en surplis - lors d’un Mariage célébré par un prêtre sédévacantiste (mariage dont la validité est pour le moins douteuse). Il y a quelques mois cette même personne, en chaire de Saint Eloi à Bordeaux pour les 10 ans de l’Institut du Bon Pasteur, a expliqué aux fidèles sa position ecclésiale: pleine communion avec François, car grâce à lui la Tradition et le rite traditionnel sont reconnus (“ils ont pignon sur rue” dans la version originale). Les preuves en seraient que son Institut est reconnu par le Vatican et que François - en continuité avec Benoît XVI (sic) - ne parlerait plus continuellement de Vatican II comme le faisaient ses prédécesseurs. 

Mis à part la myopie (voulue?) de ne pas admettre que Vatican II est certes en partie dépassé mais cela en vue de préparer Vatican III, mis à part le fait que sa propre reconnaissance canonique apparait plus importante que la crise dans l’Eglise, un aspect de ce que nous appelons le “complexe du rallié” se manifeste de manière évidente : montrer le chemin parcouru vers “la pleine communion”. Nous laissons de côté pour des motifs de place ce que disait autrefois l’Abbé Laguérie - en partie même justement - non seulement sur les “ralliés” mais aussi sur le concept même de “pleine communion”. Il nous semble que nous sommes face à l’attitude typique de celui qui a été mis sous Commissaire et qui l’est peut-être encore. Nous ajoutons que - pour en rester aux faits - nous n’avons pas connaissance d’une quelconque prise de position publique sur les nouvelles règles en faveur des annulations de mariage (que certains ont même renommé “divorce catholique”), rien non plus sur le document bergoglien “Amoris Laetitia” et sur ses conséquences déjà désastreuses; rien non plus sur des thèmes contre lesquels autrefois on entendait des expressions véhémentes comme l’immigration sauvage et l’invasion islamique ou sur le Luthéranisme ouvert de certains pans de l’Eglise. Le silence règne dans les homélies et dans les publications. Tout va bien parce que ... la tradition et l’IBP ont une reconnaissance canonique. Ils peuvent, pour reprendre ses mots, avoir “pignon sur rue”.

Cela doit être un effet de la pleine communion avec François tant recherchée si le nouveau bulletin du Séminaire de Courtalain a pris un nom qui donne tout un programme et qui répond à un concept très cher à l’Abbé de Tanoüarn, désormais apparemment  le seul dans son Institut à se prononcer sur des thèmes brulants. Le fameux prêtre parisien disait en effet qu’il était temps que le Bon Pasteur reprenne, au sujet du dernier Concile, ce concept clé de Jean-Paul II: Vatican II est une “boussole”. On évoquait autrefois au Séminaire la “critique constructive” de Vatican II, aujourd’hui, après la mise sous Commissaire et la nomination d’un nouveau Recteur, son bulletin officiel s’appelle justement “La Boussole”. Au final, cela reflète idéalement l’évolution en acte: en effet, pris en soi il s’agit d’un nom comme un autre, mais pour l’oeil de celui qui surveille il est suffisamment évocateur. Inutile de chercher d’ailleurs dans “La Boussole” la moindre “indication pour le navigateur” qui ressemblerait même de loin à la critique constructive de Vatican II autrefois tant affichée.

Il ne s’agit pas seulement d’une question de “boussoles”, mais de ligne générale quand l’Abbé Laguérie dit en privée et dans des articles: “il y a un moment pour parler et un moment pour se taire”. On déduit clairement de l’ensemble de ce discours que le choix de ne pas s’exprimer, en plus d’être pleinement volontaire (et utile au maintien de certains acquis, mais de cela on n’en parle pas) dériverait de la constatation que simplement ce n’est pas le moment de parler. Mais alors quand faudrait-il parler sur la crise dans l’Eglise, sinon aujourd’hui alors que la maison brûle même sur la question de la famille qui jusqu’à présent n’avait pas été ouvertement attaquée? Nous l’avions dit à l’époque et nous le répétons aujourd’hui encore, accepter un Supérieur imposé et non élu par sa Société, accepter un état plus ou moins permanent de mise sous Commissaire est la voie suivie par tous les Instituts (que l’on pense aussi aux Franciscains de l’Immaculée) qui ensuite se sont rendus sur tout et ont déposé toute critique sur le nouveau courant ecclésial. Les Statuts de 2006 pourraient même se maintenir (sur le papier), mais s’ils demeurent seulement parce que - comme le dit un prêtre de l’IBP de Bordeaux - la Communauté Saint Grégoire le Grand résiste et que  Disputationes Theologicae parlerait du dernier acte d’une longue trahison et s’ils ne demeurent pas par conviction profonde et en vue d’une action conséquente, à quoi serviraient-ils? Ne serait-il  pas mieux alors de fusionner avec la Fraternité Saint Pierre, plus sérieuse et solide dans l’organisation, à la limite en s’accordant pour éviter quelques récents excès œcuméniques, mais en partageant ensemble le rite tridentin et la ligne du silence?

En conclusion pour nos lecteurs et surtout pour ceux qui nous ont demandé de commenter ces événements, nous pensons que quatre ans après l’article cité en ouverture et auquel nous vous renvoyons, ce que nous avons appelé la “troisième voie” (La nécessité théologique et ecclésiale d’une «troisième voie»: ni spirale “schismatique” ni conformisme “rallié” (I) - (II)) apparait plus que jamais nécessaire. Les résultats de la première (le servilisme “rallié”) et de la deuxième (la spirale “schismatique”), ou encore pire de l’amalgame schizophrène des deux sont sous les yeux de tout le monde. Ex fructibus eorum cognoscetis eos. C’est pour cela que nous avons voulu relater des exemples concrets et récents, résultats naturels des choix faits en amont. Les menaces - plus ou moins canoniquement présentables - que nous recevons pour ce genre de publications, ne nous ont pas fait peur dans le passé et ne le feront pas maintenant; nous répondons à ces menaces que la bataille se conduit sur un terrain qui n’est pas celui des intimidations. Et c’est aussi pour cela que, malgré les indéniables difficultés et les inévitables limites des “vases d’argile”, le message principal que nous voudrions transmettre consiste principalement à chercher de témoigner qu’une résistance ecclésiale au nouveau courant est possible. Il suffit de le vouloir, avec la grâce de Dieu et vos prières pour notre résistance.

 

Don Stefano Carusi

Abbé Louis-Numa Julien

Abbé Jean-Pierre Gaillard

Kl. Lukasz Zaruski

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Saint Jean Gualbert et la dénonciation publique des maux dans l’Eglise

par Disputationes theologicae

Un exemple très actuel
 
30 novembre 2017, Saint André Apôtre
 
Les Vallombrosiens de Saint Salvi brutalisés à la suite
de la dénonciation de Saint Jean Gualbert
 
 
Le texte suivant, retranscrit en italique, est affiché à la porte du monastère de Vallombreuse, et contient en peu de lignes quelques conseils essentiels et utiles dans ce nouveau “siècle de fer” de l’Eglise : détermination à ne se rendre en aucune façon complices des démolisseurs de l’Eglise et patience dans la foi qui apporte la victoire.
 
“La vie de Jean Gualbert, écrite par Atton de Pistoie, dans les premières années du XIIème siècle, indique comme événement fondateur de la vocation du jeune Jean, le pardon concédé au meurtrier de son frère, qui s’agenouilla devant lui les bras ouverts. Il se rendit dans l’église voisine de Saint Miniat al Monte (Florence), le crucifix inclina miraculeusement la tête pour agréer le geste accompli. Cet événement le conduisit à demander au Père Abbé de l’accueillir dans sa communauté.
 
L’expérience monastique de Jean Gualbert fut tout de suite marquée par une véritable recherche de la perfection et par une rigueur morale absolue qui trouvèrent leur expression concrète dans sa ferme opposition à la simonie. En effet, dès qu’il apprit que le nouveau Père Abbé de Saint Miniat, Aubert, avait obtenu son élection par simonie et après avoir pris conseil auprès de l’ermite Teuzon, il le dénonça publiquement et quitta la communauté pour rechercher une nouvelle voie qui lui permettrait de vivre son choix radical de vie monastique.
 
Après un long pèlerinage et un arrêt auprès de l’Abbaye de Camaldoli, Jean Gualbert s’arrêta dans un lieu solitaire des Apennins de la Toscane : Vallombreuse. Là, selon la tradition, il trouva deux ermites, Paul et Gantelme : avec eux et avec l’appui du Père Abbé Garin de Settimo, naquit le premier foyer de la future congrégation vallombrosienne.
Le premier document qui signale avec certitude la naissance de la nouvelle communauté est daté du 27 janvier 1037 : Albert, clerc de Florence, déclare s’être uni aux “fratres in Christo simul congregati in loco Valle umbrosa ubi et Aquabelli vocatur”.
 
La nouvelle communauté s’engagea activement contre la corruption ecclésiastique, épousant les valeurs du fondateur, choix qui porta Jean Gualbert et ses moines à un conflit ouvert avec l’évêque de Florence, Pierre Mezzabarba, coupable de simonie. La dénonciation publique déclencha la colère de l’évêque qui, appuyé par l’aristocratie florentine, ordonna l’assaut du monastère vallombrosien de Saint Salvi, proche des murailles de la cité de Florence, espérant ainsi réprimer l’opposition ouverte des moines. L’attaque eut lieu de nuit, pendant que la communauté monastique célébrait l’Office des Matines : les assaillants entrèrent dans l’église, brutalisèrent les moines, détruisirent l’édifice en mettant même le feu au monastère. Jean Gualbert loua le courage de ses moines, capables de souffrir au nom de la foi et il vit la fin de la lutte contre Pierre Mezzabarba le 13 février 1068 quand le moine Pierre (ensuite nommé Igné), qu’il avait choisi pour affronter l’épreuve du feu, dans le but d’établir qui disait la vérité, sortit indemne des flammes.
 
Peu après le Pape Alexandre II, à la vue du résultat de l’ordalie, déposa l’évêque simoniaque mettant définitivement fin à la question. Ce fut à ce moment que Jean vit son travail de réforme du milieu ecclésiastique publiquement reconnu.
 
A peine cinq ans après l’épreuve du feu, le 12 juillet 1073, Jean Gualbert mourut à Passignano, entouré de l’affection de ses moines auxquels il confia son testament spirituel :
Ego Johannes credo et confiteor Fidem quam Sancti Apostoli praedicaverunt et Sancti Patres in quatuor Conciliis confirmaverunt ( Moi Jean je crois et professe la foi que les Saints Apôtres prêchèrent et que les Saints Pères dans les quatre Conciles confirmèrent).
 
Il fut canonisé sous le pontificat de Célestin III, en 1193, mais pour des raisons inconnues le rite de l’elevatio des reliques survint beaucoup plus tard : le 10 octobre 1210. Depuis ce temps-là, cette date est devenue particulièrement importante et s’est ajoutée à celle du 12 juillet, commémoration de son dies natalis
 
En 1595, Clément VIII l'inséra dans le calendrier universel et en 1951 il fut proclamé patron des gardes forestiers italiens par le Pape Pie XII.”
 
Que Saint Jean Gualbert intercède pour l’Eglise en proie à des nouvelles formes de simonie matérielle et spirituelle.
 
Association de Clercs “Saint Grégoire le Grand”

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Mgr Gherardini, le prêtre, le maître, l’ami

par Disputationes theologicae

Le souvenir qu'il nous laisse

31 octobre, Vigile de Tous les Saints

Mgr Gherardini dans son bureau

 

“Priez pour moi parce que l’heure est proche”. Il y a presque une année désormais voici quelles étaient ses dernières paroles d’au-revoir sur le seuil, quand, immanquablement, il raccompagnait à la porte après une visite. Et cela avec un beau sourire, sourire de celui qui est en paix, tranquille et détendu, sachant que sa bataille, malgré les mille limites de la nature humaine, il l’avait combattue, “bonum certamen certavi”. Maintenant, était venu le temps de la prière et du repos, dans son “ermitage” à l’intérieur du palais des Chanoines de Saint Pierre au Vatican. Il n’en avait pas été toujours ainsi, et la situation de la crise de la foi dans l’Eglise, la préoccupation - oserais-je dire l’angoisse - de savoir ce que lui demandait vraiment le Seigneur, l’avaient à certains moments fatigué, presque exténué. Lui qui, sur la dangerosité des projets autour du Nouvel Offertoire de la Messe, s’était déjà exprimé dès 1967, comme il aimait le rappeler, confessait qu’à certains moments il n’avait plus la force d’écrire et de parler, au point de se demander justement s’il n’y avait pas quelques interventions préternaturelles qui voulaient obtenir son silence ou l’inactivité. Je cite de mémoire : “si je devais dire tout ce qu’il y à dire sur le Concile et ce qui a suivi, je devrais être dur”, disait-il encore au téléphone en 2008. Monseigneur Gherardini s’interrogea longtemps sur l’opportunité d’une intervention écrite sur le sujet. Et ce fut un choix laborieux. Il disait, en parlant de son passé à l’université du Latran : “j’avais peur de faire scandale au sujet de l’Eglise, surtout auprès des séminaristes, compte tenu de mon rôle de professeur”. Qui l’a connu sait que sa réserve à prendre la parole publiquement sur tous les maux qui affligeaient l’Eglise n’était pas l’alibi du carriériste, mais une vraie préoccupation, découlant en partie de son esprit romain et en partie de la formation reçue par les prêtres de sa génération. Par la suite, il admettait avec simplicité que :“pendant des années j’ai fait l’impossible pour pouvoir lire le numéro 22 de Lumen Gentium en cohérence avec la Tradition et le Magistère”, et - avec cette honnêteté intellectuelle qui accompagnait toujours ses pas - il déclarait finalement qu’il avait dû capituler et confesser ouvertement que la Nota Praevia non plus, sur la question du Primat du Pape et de la collégialité épiscopale, n’était pas satisfaisante. Il l’écrivit et signa ses écrits avec son nom et son prénom ainsi que sur plusieurs autres points controversés, avec humilité, avec force, avec amour de l’Eglise.

Le moment de la décision était venu : “je savais que j’en avais les capacités et je suis arrivé à la conclusion que Dieu me le demandait, je ne voulais pas me présenter devant Lui et qu’Il me dise : tu pouvais faire et tu n’as pas fait”. Ainsi, d’un seul jet, comme il le faisait quand il avait l’inspiration, et avec la facilité de celui qui maîtrise pleinement son sujet, il écrivit “Vatican II, un débat à ouvrir” et toujours en 2009 pour le site Disputationes Theologicae :“Quelle valeur magistérielle pour le Concile Vatican II ?”, article qui était en chantier depuis une année. C’était comme s’il ne se sentait pas prêt. Finalement il m’appela tout joyeux et me dit d’une voix retentissante :“Voici - à tambour battant - ce que vous m’avez demandé”. Et oui, car Mgr Gherardini était aussi homme d’expressions linguistiques bien trouvées et recherchées, même si parfois peu usitées. Il maniait la langue italienne de manière charmante et assurée même si de temps à autre il fallait relire deux ou trois fois sa prose “asiane”. A celui qui timidement faisait allusion à son style pas toujours très agile, il répondait sèchement : “j’écris ainsi”, mais après il admettait de bon grès que toutes ces subordonnées pouvaient demander un certain effort de la part du lecteur, sans parler des traductions... Cependant, la complexité des sujets qu’il traitait et leur délicatesse, dans lesquels étaient en jeu la doctrine et l’autorité de l’Eglise, réclamaient une expression linguistique adéquate, éloignée du rationalisme des modernes et de la parataxe du sic et non.

Il était certainement homme de caractère, et disait de lui même :“je n’ai jamais eu peur de personne, j’ai même été imprudent parfois, mais si les principes étaient en jeu...” et il racontait de cette fois où il avait dû répondre à ce fameux Cardinal qu’il ne devait pas s’immiscer dans la ligne éditoriale de Divinitas, parce que :“c’est à moi, la revue est à moi !”. Donc - en assumant entièrement la responsabilité - les articles de “complaisance théologique” n’auraient pas été publiés. En octobre 2014, alors qu’on voyait des nuages menaçants poindre à l’horizon, nous soutenant sur certains choix de positions, il nous disait de ne pas oublier que “nous vivons des temps terribles, très difficiles” et il ajouta ensuite presque méditatif : “tenir sur les principes, c’est déjà énorme”. Comme pour nous dire de ne demander rien d’autre que la fidélité. Il continua :“il faut être disposé à la souffrance, c’est impossible de ne pas souffrir”, il conclut amèrement : “aujourd’hui il n’y a plus de témoins, la prière est importante, mais cela ne suffit pas, il faut des martyroi, jusqu’à l’effusion du sang” et ajouta enfin “du vrai sang”.

Parlant ensuite des chantages et des menaces qui étaient déjà dans l’air pour tous et desquels lui aussi avait été victime dans le passé, il éleva la voix et dit uniquement:“avec la Maçonnerie on ne cède jamais”. De la Maçonnerie personne n’en avait parlé, mais - comme diraient les thomistes - il savait promptement remonter aux causes...

En rentrant chez moi je notai ces quelques phrases, elles semblaient presque un testament spirituel et prenaient un ton prophétique. A la fin de la rencontre, présageant désormais du peu d’années qu’il lui restait, il nous dit presque pour nous rassurer “à peine arrivé là-haut la première pensée sera pour vous”. Presque pour nous dire :“regardez plutôt l’Eglise de là-haut que les petitesses des hommes d’Eglise d’ici-bas, quand j’y serai je vous aiderai”. Mgr Gherardini fut un homme de parole sur terre, il le sera aussi du Ciel.

Dans les dernières rencontres il rappelait aussi de temps en temps la souffrance causée par tous ceux qui l’avaient abandonné; déjà en 2009 ses prises de positions lui valurent la défection d’ “amis” de longue date. Puis vers 2014 avec le vent nouveau qui soufflait, beaucoup de caméléons, jadis admirateurs du grand théologien, commencèrent à déserter sa maison en s’éclipsant. Il s’en attristait, mais sans grande peine. Désormais sa situation de “retraite érémitique” lui permettait de penser davantage à Dieu et lui donnait beaucoup de temps pour prier. Cette sérénité, presque d'ascète désormais, se lisait dans ses yeux bleus azur et profonds.

Sur son talent théologique, beaucoup de choses ont déjà été dites, et d’autres encore seront dites. Ce qui marquait le plus notre regard était cette esprit de synthèse profonde lorsqu’il parlait de la scientia Dei et cette vision, presque celle d’un aigle en vol, percevant toutes choses d’en haut et dans leur ensemble. “J’ai eu de grands maîtres” s’esquivait-il comme pour se justifier d’un talent qu’il ne voulait pas s’attribuer. Sa mémoire reconnaissante allait tout de suite à Pietro Parente (au Parente théologien, spécialement celui des premières années d’études et d’enseignement) et ensuite à l’inoubliable Mgr Piolanti, qui lui avait enseigné - un peu comme Saint Thomas - à prendre le bon partout où il se trouve, le purifiant des contours pollués, surtout sans se perdre dans les idéologismes. C’est aussi cela l’Ecole Romaine. Quand il y avait des questions théologiques disputées, après avoir écarté catégoriquement les hérésies qui pouvaient naitre de la discussion, à celui qui, trop empressé par la fougue de la jeunesse, demandait une réponse péremptoire, il donnait une réponse qui était le sommet entre deux excès, en se prévalant de sa phrase récurrente “si vis theologus esse distingue frequenter”, énoncée sans aucune prétention.

Et lorsqu’un grand théologien - désormais récompensé par les plus hautes charges ecclésiastiques et dans la “ferveur post-conciliaire” peut-être plus engagé à maintenir le prestige du rang qu’à défendre pleinement la doctrine de l’Eglise - reprocha à Mgr Gherardini la trop grande rigueur d’une réponse en lui disant :“mais qu’as-tu écris !”, il répondit simplement : “J’ai écrit ce que Vous m’avez enseigné quand vous étiez mon professeur sur la chaire de l’Université”.

Mais il se tromperait celui qui verrait seulement en Mgr Gherardini le théologien. Lui-même rappelait souvent que “le prêtre est père, maître et ami” et il était aussi un confesseur délicat qui ciblait précisément les difficultés; en témoignent les nombreuses religieuses présentes à son enterrement, à qui il avait offert depuis de nombreuses années sa direction spirituelle. Peut-être n’avaient-elles pas toutes lu ses écrits théologiques, mais toutes avaient expérimenté sa profondeur et - avec plus de gratitude peut-être que beaucoup de théologiens - elles étaient toutes présentes pour le pleurer le jour de son dernier adieu.

Et enfin, l’ “ami”, parce que Mgr Gherardini avait une conception très haute de l’amitié, et pour cela - là où l’amour de la vérité l’imposait et parce qu’il fuyait toute duplicité - il savait refuser à certains le salut, comme l’exige l’Evangile devant l’hérésie ou plus simplement devant l’hypocrisie. Mais si on était loyal en amitié et si elle se fondait vraiment sur une unité d’intention - “idem velle, idem nolle” - alors on découvrait que sous son apparence d’ecclésiastique toscan distingué, grand et très maigre, se cachait un coeur qui compatissait avec l’ami sans ombre d’affectation et à qui répugnaient tous faux-semblants surtout curialesques. Il tenait à l’amitié et en avait parfois souffert, admettant qu’un de ses défauts était de beaucoup tarder à voir le mal dans le prochain, jusqu’à ce qu’il se résolve à ouvrir les yeux, omnia munda mundis . Mais ensuite il tournait son regard vers les Hauteurs. C’est peut être aussi pour cela qu’un de ses derniers efforts théologiques fut dédié à Marie, à la Mère de Dieu, à qui il consacra de nombreuses pages. Il retraça les gloires de la Reine des Cieux avec tant de sagesse et d’amour filial, que l’on peut penser - pour reprendre les paroles de l'homélie funèbre du Cardinal Comastri - que lorsque la Sainte Vierge le rencontrera dans le Paradis elle pourra bien lui dire : “bene scripsisti de me”.

                                                                                                               Don Stefano Carusi

 

 

Voici les articles que Mgr Gherardini a publié dans notre revue :

 

La valeur « magistérielle » de Vatican II (5 mai 2009)

Le « Dieu de Jésus-Christ » (29 janvier 2011)

Eglise-Tradition-Magistère (7 décembre 2011)

Antonio Piolanti - In memoriam (27 mai 2013)

Hommage à Pie IX (29 septembre 2014)

L’ « intercommunion » avec les Luthériens (26 novembre 2015)

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