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In memoriam de Mgr Antonio Livi

par Disputationes theologicae

Le théologien “non académique” évoqué dans ses articles

 

13 mai 2020, Saint Robert Bellarmin et anniversaire des apparitions de Fatima

 

 

Monseigneur Livi nous a quittés il y a environ un mois, ceux qui l'ont connu de près savent - comme l’a rappelé récemment un de ses amis - qu’il n’aurait pas aimé des panégyriques en son honneur, craignant aussi que ces paroles ne soient plus dictées par les circonstances que par le cœur. Il était ainsi le doyen de la faculté de philosophie de l'Université du Latran, à qui Mgr Gherardini laissa par écrit la direction de Divinitas le 14 janvier 2016, nous étions présents, afin que cette revue puisse continuer dans l’esprit de Mgr Piolanti. Homme au caractère pas toujours facile et parfois réservé, il n’a jamais trop fait confiance à ceux qui l’encensaient ; de dures épreuves durant sa vie sacerdotale lui avaient appris une réticence prononcée à l’égard des flatteurs, surtout s’ils se cachaient derrière des propos apparemment “charitables”. Nous lui obéirons donc, et nous ne nous souviendrons de lui que par ses écrits, comme il l’aurait souhaité : “allez voir ce que j'ai écrit et signé”. Et c’est bien vrai. Si on veut le connaître et l’apprécier, mais surtout si on veut comprendre comment lire cette crise extraordinaire de la pensée et de la pensée catholique, il faut lire entre autres ses écrits. C'est pourquoi nous rapporterons en bas de page tous les articles qui ont marqué sa collaboration avec Disputationes Theologicae de 2012 jusqu'à l’invasion de la pensée de Walter Kasper dans l'Église qui l’horrifiait. Dieu sait combien à juste titre.

 

Nous nous permettrons une seule dérogation à ce que nous nous sommes proposés, et cela parce que, sans cacher que nous n’avons pas toujours été d’accord, nous nous considérons dans ce cas comme à l’abri des risques susmentionnés. Ce sera un éloge de sa répugnance envers la “médiocrité académique”, surtout lors de ces dernières années pendant lesquelles il a voulu donner une orientation plus déterminée à certains de ses choix. Nous ne parlons pas ici des faibles capacités intellectuelles de tel théologien ou de tel philosophe, au contraire, nous ne nous souvenons pas sur ce point d’une dureté particulière de sa part, pas même devant certaines nullités qui siégeaient sur des chaires universitaires. Mais nous parlons de ce qui est la véritable médiocrité, surtout chez les hommes d'Église qui devraient enseigner, parce qu’elle est une véritable tiédeur. “Si doctus es doce nos” aurait dit Saint Bernard. Celui qui en sait plus, celui qui a mieux compris - surtout sur ce fléau qui infecte et affaiblit l'Église aujourd’hui - doit parler davantage. Mieux, il doit crier sur les toits, certes en fonction de l'opportunité des cas et selon ses capacités, mais il y a un devoir de témoignage dont nous serons amenés à rendre compte. C’est ce que Mgr Livi a fait, en payant le prix fort, surtout lors de ces dernières années au cours desquelles son cri était devenu plus décisif et plus rugissant que par le passé, entre autres lorsqu’il voyait ce que la tiédeur des “chiens muets” d'Isaïe avait produit. Il allait donner des conférences là où il y avait “quatre chats”, comme il disait, dans un village perdu, peut-être organisées par une association qui n’était pas forcément dans les bonnes grâces de certains groupes de pouvoir curiaux, et - devant ce public souvent peu habitué aux distinguo thomistes - il adaptait ses discours. Et cela, afin que ces personnes, peut-être ignares des distinctions philosophiques, mais désireuses de rester fidèles à l'Église, puissent être mises en garde contre les dangers de certaines doctrines séduisantes, imprégnées d’hérésie et qui sont la voie privilégiée vers le feu éternel. Ces derniers temps surtout, c’est à cela qu’il pensait, à l'essentiel. Lui, le véritable académicien. Alors qu’il lui aurait été facile de se cacher derrière les distinctions théologiques ou d’école les plus savantes et les plus soignées - dont il aurait été capable et que peut-être beaucoup de ses adversaires n'auraient même pas comprises... - et de plonger ainsi dans un certain équilibre d’académie, qui au fond veut éviter de choisir entre le Christ et Bélial, il a préféré s’attaquer aux ennemis de la Doctrine avec une fureur impétueuse même verbalement. Et il les désignait par leur nom, prénom et titre académique ou hiérarchique, pour mettre en garde les plus faibles.

 

C’est cela la “grandeur académique” et c’est cela que nous voulions rappeler de lui, avant de lui laisser la parole par ses écrits. D'ici-bas, nous prions pour l’âme de Monseigneur Livi, et que lui intercède pour tous ces savants catholiques de bonne doctrine, et il y en a - même s'ils sont parfois cachés - afin qu'ils puissent porter l’onus et honor du véritable académicien catholique en ces temps d'apostasie dominante.

 

Don Stefano Carusi

 

 

Au sujet de la Communion aux Protestants:

 

«Amoris Laetitia», Mgr Livi s’adresse aux pénitents et aux confesseurs:

 

Au sujet de l’hérésie des doctrines eucharistiques de Kasper:

 

Au sujet des hérésies ecclésiologiques de Hans Küng:

 

Pour une relance de la philosophie pérenne:

 

Au sujet de l’incompatibilité entre théologie catholique et philosophie hégélienne:

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Sur l’“abolition” du Vetus Ordo

par Disputationes theologicae

Une hypothèse sur l’expression “forme ordinaire/extraordinaire

 

25 avril 2020, Saint Marc

 

 

Nous publions l’article suivant qui nous a été envoyé par l’abbé Leszek Królikowski, que nous remercions, afin que l’hypothèse proposée puisse susciter parmi nos lecteurs un discussion sur le sujet.

 

 

Quelques remarques en marge

du Motu Proprio Summorum Pontificum

 

 

1. Deux choses suscitent la surprise

 

Lorsque le Motu ProprioSummorum Pontificum” de Benoît XVI a été promulgué le 7 juillet 2007, deux affirmations qu'il contenait ont suscité la surprise. Toutefois cela paraissait peu de chose par rapport à la teneur générale du document, qui engendra la joie des conservateurs et l'indignation des progressistes.

 

La première de ces affirmations est que la forme extraordinaire et la forme ordinaire sont deux formes du même rite romain (article 1 du Motu Proprio). Pour quiconque connaît ces deux formes, il est frappant de constater que malgré une structure similaire, il est difficile de parler d’une unité de rite. La structure est similaire, mais il en va de même pour les autres rites occidentaux (Ambrosien, Mozarabe), que personne ne refuse d'appeler des “rites distincts”. La Messe de Paul VI rompt définitivement avec certaines caractéristiques du rite romain, comme la présence d'une seule anaphore (alors que dans la Messe de Paul VI, il y a une multiplicité de prières dites eucharistiques), ou l’existence des mémoires, c'est-à-dire une possible multiplicité de prières (orationes) dans une seule Messe (alors que dans la Messe de Paul VI, la “mémoire” a changé de sens et détermine le rang liturgique de tel ou tel jour). En observant les rites orientaux on peut constater que la messe “tridentine” a davantage de points communs avec eux qu’avec la Messe de Paul VI, qui ressemble davantage, sous l’aspect rituel, aux services de l’église calviniste. Nous pouvons donc conclure au sujet de cette affirmation du Motu Proprio qu’il ne s'agit pas d'une description théologique de la liturgie, mais d'une fiction juridique qui, pour une raison à déterminer, désigne la Messe tridentine et la Messe de Paul VI comme deux formes d’un même rite, de la même manière que l'Union Européenne considère une carotte comme un fruit et un escargot comme un poisson. Ce sont des fictions juridiques, fondées plutôt sur ce qui est de l’ordre de la ressemblance extrinsèque. 

 

Une autre affirmation surprenante est la remarque à la fin de l'article 1 qui dit, en passant, que la Messe tridentine n'a jamais été abolie. Jusqu’alors, on croyait que l'intention de Paul VI, en introduisant la nouvelle Messe, était de remplacer les rites précédents de la Messe uniquement par le rite promulgué par lui-même. Ceci est indiqué, mais pas d’une manière absolue, à la fin de la Constitution Apostolique “Missale Romanum”, qui introduisit la nouvelle Messe : “Nous voulons que ce que Nous avons établi et prescrit soit tenu pour ferme et efficace, maintenant et à l’avenir, nonobstant ce qui pourrait y avoir de contraire dans les Constitutions et Ordonnances apostoliques données par Nos prédécesseurs et dans toutes les autres prescriptions, même dignes de mention spéciale et pouvant déroger à la loi”.  

Le 31 août 1973 Mgr Sustar, Secrétaire du Conseil des Conférences Épiscopales Européennes, a demandé au Saint-Siège de préciser que l'ancienne Messe était interdite. Le Secrétaire d'État le Cardinal Jean-Marie Villot a estimé qu'une confirmation officielle d'une telle interdiction serait contraire à l'autorité du Pape, qui s'était déjà exprimé officiellement sur la question. Il a donc chargé le secrétaire de la Congrégation pour le Culte Divin, l'Archevêque Hannibal Bugnini, principal auteur de la Messe de Paul VI, de lui répondre officieusement. Cette réponse non officielle de l'Archevêque Bugnini commençait par la déclaration que la “Messe de Pie V” avait été définitivement abolie et que pour le comprendre, il suffisait de lire la clause finale de la Constitution Apostolique “Missale Romanum”. Cependant, en raison de la confusion sur cette question, la Secrétairerie d'État prépara un document qui fut approuvé par Paul VI le 28 octobre 1974 et promulgué ensuite par la “Notification” de la Congrégation pour le Culte Divin. Ce document interdit l'utilisation du missel traditionnel dans les pays où la Conférence des Évêques a déjà approuvé l'introduction d'un nouveau missel. Toutefois, une exception est autorisée pour les prêtres âgés et malades, en établissant que les Messes qu'ils célèbrent dans l'ancien rite ne peuvent pas être publiques (Cfr. Annibale Bugnini, La riforma liturgica, Roma 2012, pp. 300-301).

 

 

2.        Un texte peu connu du Concile de Trente

 

Dans les documents du Concile de Trente, on distingue deux parties : l’enseignement de la foi et ensuite la condamnation des erreurs. Ces condamnations (dites canons) ont un rang dogmatique élevé. Celui qui considérerait la thèse condamnée comme vraie serait un hérétique. À la fin du document sur les sacrements en général, on trouve le canon suivant : “Si quelqu'un prétend que les rituels acceptés et reconnus dans l'Église catholique, qui sont habituellement utilisés pour l'administration solennelle des sacrements, peuvent être ignorés, ou que les ministres peuvent librement les omettre sans aucun péché, ou que n'importe quel pasteur de l'Église peut les changer pour de nouveaux rites, qu'il soit exclu de la communauté des fidèles”. Dans l'original latin, la partie la plus intéressante (la dernière partie de l'alternative) est la suivante: “Si quis dixerit receptos et approbatos Ecclesiae catholicae ritus... in novos alios per quemcumque ecclesiarum pastorem mutari posse: anathema sit” (Denzinger-Schönmetzer 1613). Ce canon étant peu connu, il vaut la peine de s’y arrêter.

 

Premièrement, il s'agit d'un canon dogmatique, et pas seulement disciplinaire.

 

Il peut arriver que les Papes accordent une sorte de privilège “pour tous les temps”, mais que le futur Pape peut en principe invalider (ce qui, soit dit en passant, dans le passé était généralement évité et n'était mis en acte que si les conditions avaient changé d’une manière décisive). Cependant ici il s'agit d'une déclaration dogmatique et définitive de l'Église, valable pour toujours, qui engage tout le monde, en particulier le principal dépositaire de la foi - le Pape.

 

Deuxièmement, l'interdiction de ce canon concerne les Pasteurs de l'Église. Aucune exception n'est faite pour aucune catégorie, mais au contraire par le mot “quemcumque” (“quel qu’il soit”), comme quantificateur général, l'universalité de l'interdiction est soulignée. Par conséquent, les Papes eux-mêmes sont également soumis à cette interdiction.

 

 

Troisièmement, dans la partie qui nous intéresse, le canon interdit non seulement l'introduction de nouveaux rites, mais parle aussi d’un pasteur de l'Église qui pourrait introduire un rite tellement nouveau qu’il remplacerait “les rites acceptés et reconnus dans l'Église (ritus)”.

 

 

3.        Hypothèse

 

Benoît XVI était si compétent en théologie qu'il est difficile de supposer que l'enseignement du Concile de Trente lui fût inconnu. Pour cette raison il a dû en tenir compte dans son Motu Proprio “Summorum Pontificum”.

En prenant ceci en considération, j'avance l'hypothèse que c'est pour cette raison qu'il considère que Paul VI n'a pas aboli l'ancien rite de la Messe et ne l'a pas remplacé par un nouveau (mais a seulement introduit une nouvelle forme “ordinaire” de ce rite), afin de libérer Paul VI de l'accusation d'hérésie, qui consiste à proclamer que l'ancien rite peut être aboli et remplacé par un nouveau.

 

Quant à la question de savoir s'il y est parvenu, cela reste un sujet de discussion distinct.

 

x. Leszek Królikowski

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Entre "épidémies" et "hégémonies", la bonne mort

par Disputationes theologicae

Préparons-nous à l'essentiel

 

25 mars 2020, Annonciation de la Bienheureuse Vierge Marie

 

Francesco Trevisani (entourage), La mort de Saint Jospeh,

Celano, Château Piccolomini

 

 

Le mois de mars est particulièrement consacré à Saint Joseph et à la préparation de la Bonne Mort, dont le Saint Patriarche est le protecteur spécial. Cette période semble avoir connu une augmentation objective et imprévue du nombre de décès même si le sensationnalisme des médias est à soumettre à une évaluation minutieuse. Un de nos lecteurs dont le père récemment touché par cette nouvelle maladie est décédé sans avoir eu la permission de recevoir les sacrements nous a contactés et invités à rendre publiques certaines considérations. Nous le faisons volontiers en ajoutant quelques brèves réflexions et une prière finale valable pour tous les temps, quelle que soit la nature réelle de cette "épidémie" plutôt mystérieuse.

 

Notre lecteur a voulu nous faire connaître les circonstances de la mort de son père : la famille n’a pu le voir que derrière une vitre et le prêtre n’a pas obtenu l’autorisation de lui administrer l’extrême-onction (même à l’aide d’un instrument comme l’Église le permet en temps de peste et revêtu des mêmes protections que les médecins qui le visitaient tous les jours). Après avoir insisté et vaincu tout respect humain, il fut finalement possible d'obtenir qu'il reçoive à travers la vitre une bénédiction (ou peut-être une absolution sous condition) de l'aumônier. L'homme était un bon chrétien et est vraisemblablement mort dans les meilleures dispositions, mais cela n'enlève à la réflexion qu’on doit mener et à la leçon à en tirer.

 

Juste au moment où pour le monde et l'Eglise semble approcher une époque cruciale, Fatima docet, la mort peut soudainement nous frapper. Et pas nécessairement par le  Coronavirus, étant donné que les incertitudes qui suivront la situation actuelle semblent beaucoup plus sombres que sa cause.  

 

"Notre Sœur, la mort corporelle" arrive sans préavis et trouve la plupart des gens mal préparés, cela aussi parce que les marionnettistes que nous mentionnons semblent faire un effort particulier pour nous distraire de l'essentiel. Nous sommes maintenant pris en charge de manière forcée par "notre Frère Internet", qui nous accompagne, nous berce, nous distrait, nous remplit d'angoisses qu'il "apaise" lui-même en nous poussant à nous reconnecter - après quelques heures - pour réécouter les maîtres de l'information. Tout cela pourvu que nous ne pensions pas à l'essentiel. C'est une course vers le vide, dans laquelle nous devons aller toujours plus vite pour ne pas nous rendre compte du véritable point d’arrivée, qui - virus ou pas - nous attend de toute façon.

 

C'est ainsi que le malade doit être au milieu des infirmiers qui courent de droite à gauche, des virologues d'État qui font venir par avion des masques produits en Chine, des médecins qui fournissent les plus puissants respirateurs artificiels; mais il ne doit pas y avoir le temps ni la possibilité pour qu’un fils - même à distance - suggère à son père un Je vous salue Marie avant qu'il n’expire, pour qu’un prêtre le confesse, pour que quelqu'un lui montre, derrière le verre protecteur stérile, une image de saint Joseph auquel il pourrait se vouer avant de rendre son âme à Dieu.

 

Et c'est ainsi que pour les adultes comme pour les enfants, pendant ces heures qui devraient être des heures de méditation, de silence, de réflexion, de prière et d'abandon à Dieu, les bombardements médiatiques - pour les plus nobles buts apparemment - se multiplient. Une mère nous disait : mes enfants sont devant l'écran - hébétés - du matin au soir pour les cours d'école, puis pour des activités parallèles qui ne sont pas strictement scolaires et enfin même le curé, certainement avec les meilleures intentions, a également mis en place des activités et un cours de catéchisme en streaming, encore plus intense et plus long qu’en temps normal. Bref, même dans les familles qui en faisait un usage modéré, sous apparence de bien, s'instaure une dépendance hégémonique à ces moyens qui ne sont pas mauvais en eux-mêmes, mais qui sont "hégémonisés" précisément par les centrales de la pensée unique. Cela ressemble presque à une compétition à qui courra le plus sur les canaux Internet - tant qu’ils y sont... - et à qui réfléchira le moins en silence et dans une lecture critique des événements. Et à la fin de la soirée, nous confiait encore cette maman, on n'a juste l'impression d'une grande course au milieu des bombardements... médiatiques. Non pas que tout ce qui est transmis soit dénué de sens, mais la plupart du temps, même chez ceux qui ont de bonnes dispositions, il manque une direction ordonnée, il manque un critère, il manque l'essentiel.

 

A contre-courant de ces "courses", souvenons-nous tous de penser souvent à l'essentiel, sans que d'autres "hégémonisent" notre esprit, remercions encore ce lecteur qui nous a suggéré d'écrire et rendons hommage à cet homme qui voulait mourir avec les Sacrements, mais qui n’a pas pu. Pour que ce "sacrifice" d'une mort de confiné profite à tous, si nous devons nous trouver dans des situations similaires ou si nous devons conseiller notre prochain ; sachons avant tout mettre de côté tout respect humain, et ne pas nous laisser dominer par celui qui, autour de nous serait désormais incapable de penser à l'essentiel. Rappelons-nous, loin du désespoir satanique qu'on voudrait nous instiller, qu'il est bon d'entretenir le désir de la Confession et de la Communion, ou de l'Extrême Onction si nécessaire, même lorsque nous ne pouvons pas les recevoir sacramentellement. Le Seigneur ne laissera pas Sa grâce manquer à celui qui Le cherche sincèrement. 

 

À cette fin, si cette persécution des Sacrements devait se poursuivre, ne méprisons pas les signes sacrés et les moyens simples à notre portée : par exemple réciter les prières des agonisants ou montrer au mourant "infecté" derrière la vitre une image sacrée pour le réconforter. Cette situation dont la nature réelle, quelle qu’elle soit nous échappe encore largement, répétons-le, doit au moins nous amener à nous responsabiliser sur ce que  nous devons à nous-mêmes et aux autres en ce qui concerne l'essentiel : être prêt dès maintenant à la bonne mort, d'autant plus si les événements futurs sont incertains.

 

Nous vous présentons ci-dessous la belle et émouvante prière d'une jeune fille protestante convertie à l'âge de 15 ans et morte à 18 ans en odeur de sainteté :   

 

 

Litanies de la bonne mort

 

Seigneur Jésus, Dieu de bonté, Père de miséricorde, je viens devant Vous avec un cœur humble et contrit pour Vous recommander ma dernière heure et ce qui m'attend après elle.

 

Quand mes pieds immobiles m'avertiront que ma carrière dans ce monde touche à sa fin, Miséricordieux Jésus ayez pitié de moi.

 

Quand mes mains tremblantes et engourdies ne pourront plus tenir le crucifix contre mon coeur et que malgré moi je Vous laisserai tomber sur mon lit de souffrances, Miséricordieux Jésus ayez pitié de moi.

 

Quand mes yeux, obscurcis et troublés par l'effroi de la mort, porteront vers Vous leurs regards languissants et mourants, Miséricordieux Jésus ayez pitié de moi.

 

Quand mes lèvres froides et tremblantes prononceront pour la dernière fois Votre nom adorable, Miséricordieux Jésus ayez pitié de moi.

 

Quand mes joues pâles et livides inspireront la compassion et la terreur à ceux qui m’assistent et que mes cheveux, baignés de la sueur de la mort, se dresseront au-dessus de ma tête, annonçant ma fin prochaine, Miséricordieux Jésus ayez pitié de moi. 

 

Quand mes oreilles, près de se fermer à jamais aux discours des hommes, s'ouvriront pour entendre Votre voix, qui prononcera la sentence irrévocable et qui fixera mon sort pour toute l'éternité, Miséricordieux Jésus ayez pitié de moi.

 

Quand mon imagination, ébranlée par des fantômes horribles et effrayants, sera plongée dans des tristesses mortelles, et que mon esprit troublé par le souvenir de mes iniquités et  par la crainte de Votre justice luttera contre l'ange des ténèbres, qui voudra m'ôter la vue consolante de Vos miséricordes et me plonger dans le désespoir, Miséricordieux Jésus ayez pitié de moi.

 

Quand mon cœur faible, opprimé par la douleur de la maladie, sera surpris par les horreurs de la mort et sera épuisé par les efforts qu'il aura faits contre les ennemis de mon salut, Miséricordieux Jésus ayez pitié de moi. 

 

Quand je verserai mes dernières larmes, symptômes de ma dissolution prochaine, recevez-les, ô Mon Jésus, en sacrifice d'expiation, pour que je meure comme victime de pénitence; et en ce terrible moment, Miséricordieux Jésus ayez pitié de moi.

 

Quand mes parents et amis, proches autour de moi, s'attendriront sur mon état douloureux et Vous invoqueront pour moi, Miséricordieux Jésus ayez pitié de moi.

 

Quand j'aurai perdu l'usage de tous mes sens, que le monde entier aura disparu pour moi, et que je gémirai dans l'angoisse des dernières agonies et dans les affres de la mort, Miséricordieux Jésus ayez pitié de moi.

 

Quand les derniers soupirs de mon cœur forceront mon âme à sortir de mon corps, acceptez-les comme venant d'une sainte impatience d’aller vers Vous; et alors, Miséricordieux Jésus ayez pitié de moi.

 

Quand au dernier instant mon âme se détachant de mon corps, sortira pour toujours de ce monde et laissera mon corps pâle, glacé et sans vie, acceptez la destruction de mon être comme un hommage que je viens rendre à Votre divine Majesté; et alors, Miséricordieux Jésus ayez pitié de moi.

 

Enfin, lorsque mon âme apparaîtra devant Vous et qu’elle verra pour la première fois la splendeur immortelle de Votre divine Majesté, ne la rejetez pas de Votre présence, mais daignez me recevoir dans le sein de Vos miséricordes, afin que je chante éternellement Vos louanges.

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Secret de Fatima, le Carmel de Coimbra ne nie pas

par Disputationes theologicae

Voici la lettre envoyée aux moniales sans recevoir aucun semblant de démenti

 

29 janvier 2020, Saint François de Sales

 

Pétition au Carmel de Coimbra

                                                                                  Camerino, 29 août 2019 

Révérendes Sœurs, loué soit Jésus-Christ

                    Dans le livre publié par votre Carmel Un Cammino sotto lo sguardo di Maria, et préfacé par l’évêque du lieu, on lit que la Sainte Vierge, apparut à sœur Lucie qui avait de très grandes difficultés à écrire la troisième partie du Secret et débloqua ainsi la situation, en lui disant: «écris ce qu’ils t’ordonnent, mais n’écris pas ce qui t’a été donné de comprendre au sujet de sa signification» (p. 266). 

Par conséquent, étant donnée la libéralisation en matière d’apparitions établie par la législation générale en vigueur, et en considérant qu’en vue d’écarter les supputations qui sinon s’en trouveraient favorisées, une pleine transparence sur les faits et les documents historiques pourrait contribuer à l’apaisement des esprits, je vous demande: 

 * Soeur Lucie n’a-t-elle jamais mis par écrit de manière absolue, jamais et nulle part, cette signification de la vision venue d’en-haut dont il est question (son interprétation, son explication, ou quelque chose de semblable), ou Soeur Lucie ne l’a-t-elle pas écrite dans ce texte et à cette date?  

 *   Niez-vous que dans les œuvres inédites mentionnées dans la Bibliographie de votre publication, les Lettres et le Journal de la voyante (le Lettere e il Diario della veggente p. 482), il y ait des références à «quelque chose de plus» au sujet du Secret de Fatima, qui à ce jour n’ont pas été publiées textuellement? 

Je vous remercie de l’attention que vous voudrez prêter à la présente lettre. En union de prière, dans les Cœurs de Jésus et de Marie.

 

                                                La Rédaction de “Disputationes Theologicae

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Synodalité collégiale et autocratie du lobby

par Disputationes theologicae

Le vote programmé au Synode de l’Amazonie

 

18 novembre 2019, Dédicace des Basiliques Saints Pierre et Paul

 

 

Concernant la réunion sur l’Amazonie de ce mois d’octobre 2019 beaucoup de choses ont déjà été écrites et dénoncées avec courage par d’éminents hommes d’Eglise, mais on a peu parlé du problème de ladite “méthode synodale” et de sa capacité à devenir un instrument entre les mains du pouvoir mondain plutôt qu’entre celles des Evêques ou du Pape qui dirigerait le Synode. Un peu comme quand, par le passé, les différents gallicanismes ou anglicanismes, sous  des apparences de synodalité, étaient fermement tenus par le pouvoir royal qui les pilotait.

 

Le mode de vote, la présentation des propositions et le choix des rapporteurs, sont autant de facteurs qui conditionnent. Beaucoup. C’est pourquoi, l’Eglise dans sa sagesse a toujours établi un mode de fonctionnement des assemblées réglementé par le droit, un droit codifié précédemment et acquis de manière stable comme patrimoine des Pères qui y participent, dans le respect de la coutume, en évitant trop de retouches “procédurales” parce que c’est ainsi que l’on peut facilement manipuler les assemblées.

 

En effet, le parlementarisme dans l’Église risque de faire prévaloir l’imposition des minorités au service du pouvoir mondain plutôt que le choix monarchique du Souverain Pontife ou la volonté générale des Evêques ou la voix tant vantée du peuple. Et ceci avec pour circonstance aggravante que le système des nombreux passages et des réélaborations de la part des Commissions au détriment du débat ouvert et public permet aux responsables - internes et externes - de rester dans l’ombre.

 

Il est utile de s’arrêter sur les explications du fonctionnement du Synode sur l’Amazonie données en ouverture des travaux par S. Em. le Card. Baldisseri le 7 octobre 2019, qui résume pour les Pères synodaux les méthodes de discussion, de vote et d’approbation des documents, ainsi qu’une requête  sévère de silence “prudent” sur les discussions dans l’Aula et en particulier sur les noms et les positions de chacun [1].

 

Une requête de “secret” sur laquelle avait insisté peu auparavant Pape François, certes il ne s’agit pas « d’un secret qui est plus propre aux loges qu’à la communauté ecclésiale, mais simplement une délicatesse et une prudence dans la communication que nous ferons à l'extérieur..[2]. En soulignant aussi que le Synode « n’est pas un lieu de débat »[3] et que toutes les quatre interventions il y aura quatre minutes de silence. Si on considère, comme nous le verrons, que les interventions auront une durée de quatre minutes, il est logique de présumer que toutes les vingt minutes il y aura quatre minutes de silence : « pour garantir que la présence du Saint Esprit soit féconde, avant tout prier [...] réfléchir, dialoguer, écouter avec humilité [...] pour favoriser cette attitude à la réflexion, à la prière, au discernement, écoute avec humilité et parler avec courage après quatre interventions nous aurons quatre minutes de silence »[4]. Un Synode donc plus « contemplatif » - pour ainsi dire - qu’un « lieu de débat ».

 

En revenant ensuite sur l’importance du secret il a affirmé : «un processus comme celui d’un Synode peut être un peu endommagé si lorsque je sors de cette salle je dis ce que je pense»[5] (mais ne sommes nous pas à l’époque de la parrhésie et de la franchise évangélique?), de toute façon, Bergoglio conclut, « nous ne devons pas perdre le sens de l’humour »[6].

 

Le discours suivant du Cardinal Baldisseri a entériné avec précision les modalités pratiques de gestion du Synode, en soulignant lui aussi que tout se déroule «sous la conduite du Saint Esprit » et qu’une « ouverture vers des catégories qui transcendent le langage des sciences exactes»[7] est nécessaire. En effet, la méthode sera innovante: «il est un devoir de rappeler que nous sommes en train de célébrer un Synode avec des caractéristiques particulières» [8] et cela même au sujet des modalités de déroulement: «il ne s’agit donc pas d’une assemblée générale ordinaire [...] d’une assemblée générale extraordinaire non plus [...], celle-ci est au contraire une assemblée spéciale avec une typologie de Synode qui selon la Constitution Apostolique Episcopalis Communio est convoquée en assemblée spéciale pour traiter des matières qui regardent principalement une ou plusieurs zones géographiques destinées [correction] déterminées, article 1 paragraphe 3», en effet  «le règlement de l’assemblée spéciale peut disposer que les Commissions, les organes et les modes soient éventuellement établis au cas par cas» [9]. Un règlement ad hoc donc.

 

Mais venons-en au vif du sujet : « l’ Instrumentum laboris  [...] a été finalement discuté et approuvé par le conseil pré-synodal »[10]; ensuite en s’adressant au Pape François qui, en plus de paraître fatigué et éprouvé physiquement, donne presque l’impression de découvrir à la dernière minute certaines nouveautés : « la méthodologie, est une méthodologie un peu différente, je dois dire Sainteté...que...celui-ci est le quatrième Synode. Chaque année, chaque fois nous modifions de quelque manière la méthodologie. En cela, nous sommes en train de grandir, je crois pouvoir être, avec expérience...être efficace pour le mieux »[11].

 

Son Eminence poursuit: «l’ Instrumentum laboris constituera le point de repère et la base nécessaire de la révélation [... Son Eminence se corrige] de la réflexion et du débat synodal. Ce n’est pas un texte à amender. Attention. Parce que je rappelle l’année dernière ce problème était sorti. Ce n’est pas un texte à amender parce que peut être que quelqu’un a un numéro, la référence il faut la prendre, on prend un numéro, un numéro de l’ Instrumentum laboris parce que celui-là est le terme de référence et ensuite voilà ne pas faire un amendement, mais construire quelque chose de plus, faire parce qu’il faut élaborer un nouveau document alors il faut qu’on développe ce thème-là provenant du numéro 1, du numéro 3, du numéro 4...» [12].

 

«A la lumière de ce qui a été exprimé, je désire maintenant brièvement expliquer les modalités selon lesquelles se déroulent les travaux en restant pour d’autres détails à l’instruction qui est disponible, qui est disponible et au règlement consigné à vous tous dans votre sacoche vous trouverez les instructions et le règlement. Il contient une série de dispositions normatives et spécifiques de cette assemblée spéciale et le calendrier des travaux élaboré par cette secrétairerie en étroite liaison avec la méthodologie proposée, un tel règlement rédigé sur la base de l’Instruction Episcopalis Communio et de l’ Istruzione, ceux-là sont les derniers documents de 2017, maintenant par contre le règlement est le troisième document au sujet duquel nous parlons maintenant et que nous avons en main. Un tel règlement rédigé sur la base de l’ Istruzione contient des informations complètes, détaillées sur la procédure des activités de l’assemblée, et c’est pour cela un instrument indispensable pour suivre les travaux. S’il vous plait aujourd’hui ce soir lisez-le, naturellement lisez-le»[13].

 

Un règlement nouveau donc, auquel les Pères synodaux semblent avoir accès le jour même et qu’ils liront...dans la soirée.

 

Mais comment un Père synodal pourra donner son opinion sous l’impulsion de l’Esprit Saint qui - ne l’oublions pas - peut aussi se manifester dans l’expression d’un désaccord et au cours d’un débat public dans l’assemblée ? Le Cardinal déclare: «A travers le module de la petitio loquendi, vous à l’intérieur de votre sacoche vous devriez avoir aussi la petitio loquendi, la petitio loquendi est fondamentale pour pouvoir prendre la parole, chaque orateur a la faculté de parler une seule fois au cours des Congrégations Générales, en se référant à la partie et au numéro du paragraphe de l’ Instrumentum laboris qu’il préfère [...] en ayant donné plus de place aux circuli minores qui sont au nombre de onze, à chacun sera consenti d’intervenir dans l’aula pour un temps maximal de quatre minutes, et cela même l’année dernière, donc seulement quatre minutes, le texte peut aussi être plus long mais alors vous le consignez par la suite, vous le consignez en secrétairerie, cependant vous avez seulement quatre minutes sinon après le micro s’éteint, donc non, ce n’est pas...vous ne pouvez pas parler»[14].

 

«Certaines Congrégations Générales de l’après-midi, prévoient des moments d’une durée d’une heure dédiés aux dites interventions libres et j’insiste qu’elles ne soient pas une autre intervention elles doivent être un commentaire, non pas une deuxième intervention dans ces occasions parce que d’habitude c’est ainsi que les choses se passaient, cela devrait être comme une réaction à ce que l’on a entendu des autres, et donc dire sa propre opinion, donc précisément à travers l’échange d’opinion dans l’esprit de communion fraternelle le consensus va se modeler»[15].

 

Son Eminence revient ensuite sur le sujet des amendements: «La référence que j’ai faite aux amendements, laissez tomber cette idée d’amendement. Attention»[16].

 

Pendant qu’on explique le système complexe de l’apport des « cercles mineurs » - favorisé au détriment de la discussion en assemblée plénière et donc en rendant nécessaire une réélaboration plus large des contenus - on explique que même les rapports des cercles mineurs qui seront présentés dans l’aula et qui seront publiés auront un aspect de synthèse. Il est logique de supposer qu’à ce niveau-là aussi le rôle des “synthétiseurs” des rapports des cercles mineurs sera très important. «Mais ne craignez pas parce que petit-à-petit ensuite vous rentrerez, vous rentrerez dedans, et nous avons nos collaborateurs qui vous indiqueront ce qu’il faut faire, spécialement pour celui qui n’a jamais été à un Synode comme la majorité de ceux qui sont ici»[17]. C’est donc « nos collaborateurs qui vous indiqueront ce qu’il faut faire » plutôt qu’aux Pères synodaux de comprendre comment fonctionne le Synode en changement continuel.

 

Donc, il n’y pas d’amendement de manière classique - «laissez tomber cette idée d’amendement» - on ne parle que pendant quatre minutes au maximum aux Congrégations Générales, qui sont plus rares car comme affirmé par le Cardinal «nous avons donné plus de place aux cercles mineurs», ce qui équivaut à une division en groupe du débat des participants. Quatre minutes après quoi «le micro s’éteint», pour «laisser place à l’Esprit»...

 

Dans la complexe et difficile explication du Cardinal qui cherche à synthétiser le nouveau texte, l’institution de l’amendement n’est cependant pas complètement supprimée mais “réélaborée” dans lesdits «modes collectifs». Son Eminence explique ainsi les nouveautés : « Alors une fois conclues les interventions dans l’Aula et les travaux des cercles mineurs commence le processus d’élaboration d’un projet, document, du projet final qui prévoit la récolte de tout ce qui a été exposé dans l’Aula, mais aussi et surtout la synthèse des contributions que chaque cercle présentera dans sa propre langue, le susdit projet sera présenté à l’assemblée dans l’Aula le lundi 21 pendant la 14ème Congrégation Générale et tout de suite après le texte passe à nouveau aux cercles mineurs, et voilà ici, ici on arrive aux cercles mineurs qui doivent avoir, ils ont un texte à la main, on ne peut pas changer, on ne peut pas dire non, il faut amender, amender et ça ce sont les modes, ça ce sont les modes, à ce point-ci nous voulions, nous voulions éviter certaines complications du passé en disant nous recueillons tout le matériel, la lecture, nous écoutons les Pères, les cercles mineurs se réunissent dans un premier moment ensuite dans un second moment pour récolter, lorsqu’ils ont en main, lorsqu’on a en main tout ce matériel il y a une commission ad hoc qui fait la synthèse et qui projette le document [...] ce document, projet sera présenté aux Pères un jour et demi avant au moins pour qu’ils puissent le lire, ceci est le document final »[18].

 

Vatican News le 21 octobre écrivait: «le texte, qui récolte le fruit des interventions présentées pendant les travaux, passera maintenant aux Cercles Mineurs pour l’élaboration des “modes collectifs” [...] de tels amendements - dans les journées de mercredi et de jeudi - seront insérés dans le Document final par le Rapporteur Général et par les Secrétaires spéciaux avec l’aide des Experts. Donc le texte sera revu par la Commission pour la rédaction pour être lu ensuite dans l’Aula le vendredi après-midi au cours de la 15ème Congrégation Générale. Samedi après-midi enfin, la 16ème congrégation générale verra la votation du document final»[19].

 

A ce stade celui qui connait les méthodes traditionnelles de rédaction d’un document d’une assemblée, où chaque amendement est discuté - en public - et ensuite voté pour faire partie ou pas du document final, peut se poser quelques questions. N’était-il pas plus simple de laisser la méthode traditionnelle de vote des amendements et de rédaction du texte final ? Pourquoi tous ces passages et toutes ces élaborations “collectives” des amendements dans les “cercles mineurs”, qui finissent par réduire le rôle de proposition de chaque Evêque et par faciliter une “collectivisation synthétique” même de leur propre intervention ? N’y a-t-il pas un risque que le Rédacteur soit plutôt la Commission, le Rapporteur Général, les Secrétaires et les Experts plutôt que les Successeurs des Apôtres ?

 

Et ensuite, qui fait partie de cette Commission qui rédige le texte final qui sera présenté, croit-on  comprendre, à la votation presque comme un bloc ? Son Eminence poursuit: «une Commission pour l’élaboration du document final sera élue d’ici peu, elle sera composée du Rapporteur Général, du Secrétaire Général du Synode, des Secrétaires spéciaux, de sept Pères synodaux, quatre élus par l’assemblée synodale et trois nommés par le Saint Père, les quatre élus nous les élirons précisément d’ici peu. [...] Dans sa rédaction définitive il sera présenté dans l’Aula le matin du 25 octobre de manière qu’il restera pour la lecture un temps congru»[20]. Si on se met à faire les comptes - même s’il faut acquérir une « ouverture vers des catégories qui transcendent le langage des sciences exactes » au final ce qui compte dans les votations ce sont les chiffres - on déduit que la majorité de la Commission qui “synthétise” les éventuelles dissensions à la ligne dominante et qui rédige le texte final est en grande partie désignée, alors que les membres élus sont minoritaires.

 

Et ensuite la recommandation finale sonne comme un avertissement: «les Pères synodaux sont libres de concéder des interviews hors de l’Aula synodale, ainsi qu’en général communiquer avec les media à leur discrétion...à leur responsabilité. Jamais, jamais dire quelque chose qui a été dit ici et en donnant le nom; on peut dire les choses de manière générique, mais jamais le nom, le nom d’aucune personne. Chacun présente soi-même, donc faites très attention à ne pas, à ne rien dire de ce qui est ici à l’intérieur du Synode de manière personnelle, à se diriger à une personne, à un groupe. Des réflexions personnelles, chacun peut les faire. Donc cela est très important»[21].

 

La position de notre revue, notoirement, n’est pas “synodaliste” ou “collegialiste” (sans pour autant mépriser l’apport des Conciles et des Synodes comme l’Eglise l’a toujours fait), mais il semble singulier que l’on parle beaucoup d’organes collégiaux et qu’ensuite on les gère d’une manière presque autocratique, manière par laquelle celui qui commande n’est même pas le Pape (comme on le pense souvent en simplifiant).

 

Son Excellence Monseigneur Séguy, ancien Evêque d’Autun, nous confia un jour comment fonctionnaient certaines dynamiques de la Conférence Episcopale Française. Nous citons de mémoire: lorsque pendant une Conférence Episcopale sortait au milieu de la discussion une idée farfelue, qui de toute évidence n’allait pas en faveur du bien pastoral des fidèles le plus élémentaire, nous nous demandions entre Evêques qui avait pu inventer une bêtise pareille. Parfois nous prenions la peine de chercher de qui cela pouvait provenir et nous nous interrogions entre confrères Evêques: C’était toi ? Es-tu d’accord ? La presque totalité des Evêques était d’accord sur le fait que de telles idées, si on les appliquait auraient été nuisibles pour le bien des fidèles et nous nous demandions tous qui avait pu penser à les proposer. Par la suite cette idée était présentée en assemblée. Elle était discutée et elle devenait avant même le vote “la volonté de la Conférence Episcopale”, on en parlait déjà comme “la volonté générale”, de telles idées finissaient ensuite par passer et être approuvées. Il concluait: Vous ne me croirez pas, mais les choses se sont passées ainsi à plus d’une occasion et nous restions tous (ou presque tous) stupéfaits de notre impuissance.

 

 

Association de Clercs Saint Grégoire le Grand

 

 

 

[1] Les citations qui suivent sont tirées de la suivante enregistrement: Vatican News - Italiano, Sinodo dei Vescovi: Processione dalla Basilica di San Pietro all’Aula del Sinodo e apertura dei lavori sinodali, 7 ottobre 2019 (https://www.youtube.com/watch?time_continue=1461&v=3Oi5YM-5VZs&feature=emb_logo).

[2] Ibidem, 1: 09: 01.

[3] Ibidem, 1: 02: 50.

[4] Ibidem, 1: 05: 39.

[5] Ibidem, 1: 09: 51.

[6] Ibidem, 1: 10: 56.

[7] Ibidem, 1: 13: 48.

[8] Ibidem, 1: 16: 20.

[9] Ibidem, 1: 16: 36.

[10] Ibidem, 1: 41: 00.

[11] Ibidem, 1: 41: 46.

[12] Ibidem, 1: 42: 16.

[13] Ibidem, 1: 43: 38.

[14] Ibidem, 1: 45: 37.

[15] Ibidem, 1: 47: 04.

[16] Ibidem, 1: 48: 35.

[17] Ibidem, 1: 50: 37.

[18] Ibidem, 1: 50: 55.

[19] Vatican News (Italiano), #Sinodo Amazzonico. Presentata la bozza del Documento finale, 21 ottobre 2019, (https://www.vaticannews.va/it/vaticano/news/2019-10/sinodo-amazzonia-congregazione-generale-vescovi-bozza-finale.html).

[20] Vatican News (Italiano), Sinodo dei Vescovi: Processione dalla Basilica di San Pietro all’Aula del Sinodo e apertura dei lavori sinodali, cit. 1:53:12.

[21] Ibidem, 1: 57: 04.

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L’IBP a-t-il fini dans les mains de la TFP?

par Disputationes theologicae

Au sujet du Chapitre 2019

 

29 septembre 2019, Saint Michel Archange

 

 

Abyssus...

 

Le récent Chapitre du Bon Pasteur a laissé dans l’étonnement plusieurs observateurs. Son résultat voit l’élection comme Supérieur Général d’un prêtre presque inconnu originaire d’Amérique latine. Ordonné dans la Fraternité Saint Pie X qu’il abandonna pour le diocèse de San Bernardo au Chili, il y célébra la messe réformée pendant une quinzaine d’années avant d’arriver au Bon Pasteur après 2014. Ce prêtre s’appelle Luis Gabriel Barrero et est assez peu connu par les prêtres, par les séminaristes et par les fidèles. 

 

Que s’est-il vraiment passé au Chapitre et comment expliquer cet événement ? Voilà la question  adressée à notre Rédaction par certains lecteurs. La réponse à cette dernière est une analyse de la crise identitaire de l’Institut, étayée aussi par les confirmations récentes parvenues jusqu’à nous par des confrères de l’IBP, parmi lesquels certains Pères Capitulaires.  

 

Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons déjà largement écrit et argumenté, mais pour comprendre ce qui est arrivé ces derniers temps il est capital de relire nos articles couvrant la période qui s’étend de la demande de nous aligner sur l’herméneutique de la continuité, en mettant de côté concrètement la critique constructive, et de renoncer “à tout exclusivisme” (avec une réaction pas franche, pas vraiment filiale, mais servile) jusqu’au « putsch de Fontgombault » duquel est sortie la classe dirigeante de l’époque 2013-2019. Ce qui s’est passé était en partie prévisible, ne serait-ce que comme conséquence de l’anéantissement de l’identité et de la conscience selon lequel on avale ce qui est contraire à ses propres spécificités.  

 

En bref, au Chapitre 2019 le candidat sortant M. l’Abbé Philippe Laguérie n’a pas été réélu. On nous a rapporté qu’il a eu seulement deux voix lors de l’élection du Supérieur Général. Il s’est ensuite présenté à l’élection de simple Assistant, mais là encore on nous a rapporté qu’il a eu seulement deux voix. Son concurrent, M. l’Abbé Vella, jadis un des plus fidèles de l’Abbé Laguérie, mais qui cette fois se présentait comme candidat indépendant, a obtenu peu de voix à l’élection du Supérieur Général. M. l’Abbé Raffray, lui aussi pilier de l’administration Laguérie, devenu son concurrent au Chapitre, a eu également très peu de voix. Cependant, l’événement inattendu a été que dès le début le candidat qui avait le plus de voix était un certain Padre Barrero; certains des votants nous ont avoué que personne ne savait bien quel avait été son passé et que la plupart ignorait le fait que pendant plusieurs années il avait choisi le rite reformé en abandonnant le rite traditionnel. Sic !

 

Il n’a pas fallu longtemps aux Pères Capitulaires pour comprendre que toutes ces voix ne pouvaient qu’être la conséquence d’un plan lié à une composante de l’IBP dépendante de l’association brésilienne « Montfort », qui dérive d’une scission de la TFP, dont elle a su maintenir les méthodes d’organisation et les stratégies de commandement. Les électeurs français se sont trouvés en minorité, et cela aussi parce qu’il semble que l’Abbé Aulagnier - depuis toujours lié à la « Montfort » et à certains financiers du giron de la TFP qui par un complexe système “redistribuent” les dons atlantiques - ait déjà pris depuis longtemps (mais avec discrétion) le parti sud-américain, qui est particulièrement à la mode.

 

Le reste est connu, Padre Barrero - avec un coup de pouce de la Pologne - est devenu le nouveau Supérieur Général; l’Abbé Aulagnier a gardé sa place de premier Assistant Général; l’Abbé Vella a pu rester second Assistant Général, maigre consolation pour ce qui en substance est une défaite. L’Abbé Laguérie disparait complètement de la scène et dans le communiqué officiel il n’y a même pas les remerciements habituels. Spontanément, vient à l’esprit : “il n’a pas accepté les vrais amis, et voilà”. Concernant d’autres détails sur le déroulement et la “préparation” du Chapitre, comme ils ne sont pas essentiels à la compréhension de ce qui s’est réellement passé, mieux vaut ne pas en parler.

 

Les faits parlent d’eux-mêmes, il ne nous semble pas qu’il faille ajouter grand-chose, si ce n’est que la dérive que nous dénonçons depuis 2012 a connu une accélération plus rapide que prévue et que la dénaturation identitaire de la société sur le long terme a mené à une véritable “mutation génétique”. Il faut noter également que tous les membres du nouveau Conseil Général non seulement ne sont pas des fondateurs, mais qu’aucun d’entre eux n’était membre de l’Institut à l’automne 2006, lorsqu’au milieu de grands sacrifices et avec peu de monde naissait l’IBP (l’Abbé Vella arriva en 2007, l’Abbé Aulagnier en 2011 - juste à temps pour voter au Chapitre de 2012 - et le nouveau Supérieur Général seulement en 2014). Il nous semble qu’il faut renouveler un appel aux confrères de l’IBP qui nous ont contactés, reconnaissant implicitement que nous défendons encore l’identité de l’IBP-2006, la validité de cette ligne et de ces présupposés, même si désormais nous sommes réunis dans la Communauté Saint Grégoire le Grand : aujourd’hui, face à des signes si évidents, le moment de revenir sur certaines options et sur certaines stratégies utilitaristes qui ont démontré à un tel point leur échec n’est-il pas arrivé ?

 

La Rédaction de “Disputationes Theologicae

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Les passions de l’irascible

par Disputationes theologicae

Jésus les avait-il?

 

 

(III)

29 juin, Saints Pierre et Paul

 

 

Ici la première partie. Ici la deuxième partie

 

La colère

 

La colère est une passion qui touche l’âme lorsqu’elle se rend compte qu’une injustice lui a été infligée; la tristesse conséquente pousse donc au désir de vengeance, dans l’espoir de rétablir la justice lésée[15]. Le mot «vengeance» est à prendre dans le sens classique, que saint Thomas lui attribue, c'est-à-dire le rétablissement d’un certain équilibre selon l’ordre de la justice. Dans ce sens la colère se porte « per se » vers un bien (la justice), mais «per accidens» elle se porte vers le mal (l’auteur de l’acte injuste)[16]. La colère est donc en étroite relation avec la justice. C’est en effet l’appréhension de l’injustice dans l’intelligence qui va causer le mouvement appétitif et corporel. Le rapport étroit de cette passion avec la justice va intervenir aussi dans l’évaluation morale. Ce qui va déterminer la bonté morale d’un geste de colère sera en effet le rapport de justice entre la réaction de l’homme en colère et la dimension de l’offense subie[17].

 

Notre Seigneur, « le Juste » selon l’Ecriture, ne pouvait donc qu’éprouver de la colère face aux vraies injustices[18]. L’épisode évangélique qui a le plus d’éclat, en raison des transmutations corporelles[19] qu’il a engendrées et de l’extériorisation conséquente et visible, est sans doute l’expulsion des marchands du Temple. « Le Juste de Dieu » renverse les tables, cause la destruction des biens vendus et chasse les vendeurs. La vision du Temple profané, la nonchalance envers le lieu sacré des vendeurs et des « maiores » du Sanhédrin (qui auraient dû, au contraire, préserver la Maison de Dieu), engendrent dans le Christ la tristesse face à l’offense faite à Dieu. Cette offense réclame une juste vengeance, un rétablissement de la juste vénération pour le Temple. Cela ne peut rester seulement un souhait ou une prédication, mais doit s’exprimer par le châtiment des offenseurs, dans un geste de zèle profond pour tout ce qui est consacré à Dieu : « zelus domus tuae comedit me » (Ps 69, 10 ; Jn 2, 16-17). La réaction du Christ ne doit pas paraître disproportionnée, au contraire elle tient compte du terme de l’offense qui est Dieu et du sujet qui a offensé, des hommes, de simples créatures. Elle prend donc des proportions majeures, parce que le dédain de l’inférieur (dans ce cas une créature) envers le supérieur (dans ce cas le Créateur) est plus grave que l’offense entre deux personnes du même niveau ; elle est plus grave et donc elle réclame en proportion une réaction majeure[20]

 

Pour une raison analogue Jésus-Christ s’indigne avec plus de véhémence envers ses amis qu’envers les autres. Il est naturel que nous nous attendions à plus de ceux qui nous sont proches, parce que le lien d’amitié exige un rapport plus grand de respect et d’amour[21]. Jésus aura des paroles particulièrement dures pour saint Pierre qui veut l’éloigner de la Passion : « retire-toi de moi, Satan » (Mt 16, 23). Non seulement saint Pierre est quelqu’un de proche, mais il est aussi en plus grande possession de la finalité de l’œuvre rédemptrice, par la connaissance qu’il en a. Sa responsabilité est donc plus grande, et plus grande sera donc aussi la réaction de vengeance.

 

Jésus est particulièrement dur aussi envers ses disciples, lorsqu’ils sont injustes avec les enfants qui l’entourent : « voyant cela Jésus se fâcha » (Mc 10, 14). En effet la colère peut être mue aussi par une injustice faite aux personnes qu’on aime[22], et il est aussi injuste de s’en prendre à ceux qui ne peuvent pas se défendre, tels des enfants. Voilà donc la juste réaction du Christ qui rééquilibre l’abus de ses disciples.

 

Les mots que Jésus réserve aux pharisiens sont eux aussi un indice clair de l’indignation que provoquent en lui ces « serpents et race de vipères » (Lc, 23, 33) : « à l’intérieur vous êtes remplis de cupidité et de méchanceté » (Lc 11, 39). C’est le désir de rétablir la justice, de remettre ces « hypocrites » (Mc 7, 6)  à leur place, pour que leur réputation soit celle qui leur est due et pour qu’ils n’éloignent pas les hommes de Dieu, avec leur extérieur faussement pieux (Mt 23, 1-7). Jésus dans sa colère cherche un bien, qui est surtout celui d’une idée juste de ce qu’est la religion, mais per accidens il doit diriger ses invectives vers des hommes concrets, qu’il faut reprendre pour le bien commun et pour le leur. Là aussi le Christ montre qu’on peut et qu’on doit parfois se mettre en colère, et pas seulement d’une façon impersonnelle ou indéterminée. Cela pourrait être non pas de la vertu, mais de la lâcheté. Parfois la colère exige une action ponctuelle et un destinataire qu’on puisse repérer (individu ou personne morale), dit saint Thomas[23]. L’unique condition toujours requise pour le bon exercice de la colère est que la réaction reste proportionnée, opportune et raisonnablement mesurée[24].           

 

 

Conclusion

 

La vie du Christ à l’instar de la nôtre est marquée par les passions, parce que celles-ci sont naturelles et nécessaires à l’homme. Chez l’homme cependant, les passions telles que nous les connaissons sont en connexion avec un appétit sensitif qui a perdu l’état d’équilibre originaire, en recevant une certaine inclination au mal : il s’agit du « fomes peccati ». L’ordination donnée à l’origine n’est plus présente et chez nous les passions sont souvent occasion de péché. La perfection de nature et de grâce dans le Christ ne le soumettait pas aux dérèglements issus du péché originel[25].

Dans ce cadre il y a donc une triple distinction à introduire selon saint Thomas [26] :

 

              1) par rapport à l’objet, dans le Christ les passions ne pouvaient que tendre au bien, alors que chez nous elles se dirigent souvent vers ce qui est illicite.

 

            2) par rapport au principe d’opération, dans le Christ les mouvements de l’appétit sensitif étaient toujours en harmonie parfaite avec la raison et sous sa domination, alors qu’en nous les mouvements préviennent souvent le jugement de la raison et ils se soustraient à son autorité.

 

              3) par rapport à l’effet, chez le Christ les passions ne dépassaient jamais de façon désordonnée la sphère sensitive et elles ne troublaient jamais la raison et la volonté, alors qu’en nous elles arrivent à obscurcir l’intelligence et à conditionner la volonté en troublant l’esprit.

 

Dans le cas des passions du Christ, en raison des distinctions mentionnées, l’usage du mot distinctif de « propassions » est classique pour indiquer les mouvements de l’appétit sensitif qui ne dépassent pas leur cadre et ne troublent pas la raison et la volonté, dans une parfaite conformité à la perfection et à la rectitude de la nature[27]. La perfection naturelle et surnaturelle du Christ n’est nullement atteinte par l’usage des passions; au contraire ce sont les passions elles-mêmes qui rendent possible cette perfection dans l’action. Il en va de même dans la vie morale de tout homme. Sans oublier que chez les hommes les passions nécessitent souvent d’être contenues en raison du péché originel, il faut cependant rejeter comme fausse et dangereuse l’opinion qui assimile la vie chrétienne à une vie sans passions, alors que la philosophie et la Révélation nous  démontrent la nécessité de chacune d’elles. La perspective du théologien moraliste ne peut donc pas être seulement orientée vers la modération contraignante des passions. Au contraire, l’exemple donné par le Christ rappelle qu’il peut aussi y avoir péché lorsque l’on réprime injustement une passion raisonnable et proportionnée.  Ne pas se mettre en colère lorsque cela est nécessaire ou ne pas donner suite à un juste mouvement d’audace peut constituer une faute morale : même la colère, souvent décrite comme la plus nuisible des passions, peut être bonne et nécessaire parce qu’elle est naturelle à l’homme en tant qu’homme. Ce qui est naturel a une raison d’être et donc une bonté et peut alors être utilisé raisonnablement. C’est là le fondement de la doctrine des passions de saint Thomas qu’on peut synthétiser en rappelant que la nature ne fait rien en vain: «Natura nihil facit frustra»[28].

 

 

[15] S. Th., Ia IIae, q. 46, a.1, corpus.

[16] S. Th., Ia IIae, q. 46, a 1, corpus.

[17] S. Th., Ia IIae, q. 46, a. 7, corpus.

[18] S. Th., IIIa, q. 15, a 9, corpus.

[19] S. Th. Ia IIae, q. 48, a. 2, corpus : « appetitus potissime tendit ad repellendum iniuriam per appetitum vindictae. Et ex hoc sequitur magna vehementia et impetuositas in motu irae »

[20] S. Th. Ia IIae, q. 47, a. 4, corpus : « indigna despectio est maxima provocativa irae ».

[21] S. Th., Ia IIae, q. 47, a. 4, ad tertium, Cet article est plutôt  relatif au mépris des amis, la raison est dans le fait qu’on prétend plus d’un proche et de quelqu’un qui nous connait, que non des autres.

[22] S. Th., Ia IIae, q. 47, a. 1, ad secundum : “ nous concevons de la colère contre ceux qui font du mal aux autres (….) c’est qu’ils (ces derniers) nous sont liés de quelque manière, parenté, amitié ou simple communauté de nature ».

[23] S. Th. Ia IIae, q. 47, a.7, ad tertium.

[24] Ibidem, corpus.

[25] S. Th, IIIa, q. 15, a. 2, corpus.

[26] S. Th, IIIa, q. 15, a. 4, corpus.

[27] A. PIOLANTI, Dio Uomo, Roma 1995, p. 485.

[28] S. Th., IIa IIae, q. 158. a. 8, ad secundum.

 

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Pécheurs publics

par Disputationes theologicae

Aujourd’hui une vérité oubliée

 

31 mai 2019, Marie Reine

 

Mattia Preti, Jésus admoneste la femme adultère

Palerme - Palazzo Abatellis

 

 

 

Aujourd’hui les pécheurs publics se multiplient. Le concubinage, même entre personnes issues du milieu catholique, connaît un “boom” impressionnant, et passe aux yeux de l’opinion publique comme une chose normale. Les dits divorcés-remariés réalisent la prétention contenue dans l’association de ces deux mots “divorcés” et “remariés” et cela comme si de rien n’était.

 

Décidément, Jean XXIII n’avait pas eu le don de clairvoyance lorsque dans l’allocution Gaudet Mater Ecclesia, il avait affirmé: «non pas qu’il manque des doctrines fallacieuses, des opinions et des concepts dangereux […] mais […] désormais les hommes par eux-mêmes semblent être enclins à les condamner».

 

Les unions entre personnes de même sexe ont été légalisées en France par le gouvernement Hollande et en Italie par le gouvernement Renzi d’une façon qui singe le mariage. Elles ont été promulguées en Italie en 2016, le jour même de l’Assomption - avec une impiété dont on peut se demander si elle relève du simple hasard - et juste une semaine après se déclenchait la succession de tremblements de terre qui a flagellé l’Italie a plusieurs reprises.

 

Ces péchés, ceux des pécheurs publics précisément, ont une gravité particulière. Et cela pour deux motifs. Tout d’abord en raison de leur nature publique, par le scandale (au sens évangélique) qui en découle et par la relativisation de l’institution fondamentale de la famille qui en dérive.

 

L’autre raison est que dans ce genre de situation on demeure dans le péché, péché qui s’en trouve structuré : dans le péché ordinaire on tombe et on est relevé par le Bon Dieu qui relève celui qui est tombé, alors que ces situations tendent à nous laisser par terre (même avec l’illusion d’être debout). C’est pour ces raisons que l’Église a toujours exprimé avec force la particulière gravité des péchés de ce genre. Et aujourd’hui, alors que les péchés publics se répandent? Certes, les mass-média lorsqu’ils donnent l’idée que l’Église aujourd’hui admet tout cela sont souvent les instruments d’un système et sont malicieux et superficiels. Mais, il est vrai aussi que la lumière doit se mettre sur le chandelier comme l’enseigne l’Evangile. Et lorsqu’un bien qui touche à la foi ou à la morale a été menacé, semper et ubique l’Eglise réagit avant tout en soulignant ce bien, en le professant d’une manière plus explicite. Est-ce là ce que nous voyons arriver aujourd’hui sur ce sujet? En rappelant que l’œuvre de Miséricorde est d’admonester les pécheurs, pensons au passage suivant de la parole de Dieu: “Fils de l’homme je t’ai constitué sentinelle […] mais de sa mort, à toi je te demanderai des comptes”. Et en rappelant l’unique perspective catholique sur ce sujet nous renvoyons à notre article sur ce qu’a fait Sainte Marguerite de Cortone.

 

 

Association de Clercs “Saint Grégoire le Grand”

 

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Fatima

par Disputationes theologicae

La (tardive) non-réponse de la Congrégation

 

12 avril 2019, Vendredi de la Passion

 

 

Le 26 septembre 2018 nous avons envoyé une lettre contenant trois “questions d’éclaircissements spécifiques” à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Une fois passé un délai de trois mois sans réponse, le 28 décembre 2018 nous l’avons publiée (voir ici), en y ajoutant un commentaire et en invitant les lecteurs à l’envoyer eux-aussi. 

Au mois de mars, l’Archevêque de Camerino a reçu la lettre suivante de la Congrégation (pourquoi l’Archevêque plutôt que ceux qui avaient écrit ?) à son tour il nous l’a transmise :

 

      CONGREGATIO                                   26 février 2019                                                
   PRO DOCTRINA FIDEI                                          
      Palazzo del S. Uffizio 
   00120 Città del Vaticano

    ——

Prot. N. 1801/1933 ̶ 69145


Excellence, 


     Récemment le Rév. Don Stefano Carusi, Prêtre de ce Diocèse, avec trois autres signataires (Abbé Louis-Numa Julien, Abbé Jean-Pierre Gaillard, Kl. Lukasz Zaruski), a soumis à cette Congrégation certaines questions relatives au dit “Troisième secret” de Fatima.

    Comme vous le savez, ce qui fait référence au troisième secret de Fatima a déjà été largement rendu public il y a quelques années  ̶  par la volonté de Jean-Paul II  ̶  à travers la publication Le Message de Fatima (2000), édité par ce Dicastère (cf Annexe).

    Dans ce livret, sont reproduites intégralement la première et la deuxième partie manuscrite de la relation faite par Sœur Lucie Do Santos le 31 août 1941, destinées à l'évêque de Leiria ̶ Fatima, et la troisième partie, écrite le 3 janvier 1944. 
En d'autres occasions, Sœur Lucie a eu la possibilité de rapporter à son neveu prêtre que tout ce qui concerne le secret de Fatima a été publié.
    En considération de cela, je Vous prie de transmettre aux demandeurs - si Vous l’estimez opportun - copie de la publication Le Message de Fatima.

    En Vous remerciant pour ce qui est dit plus haut, je profite de la circonstance pour Vous assurer de mes sentiments distingués.

 Votre dévoué

+ Giacomo MORANDI
Archevêque tit. de Cerveteri
Secrétaire

 

(En Annexe : Le Message de Fatima)
—————————————————

A Sua Eccellenza Rev.ma
Mons. Francesco MASSARA

Arcivescovo di Camerino ‒ San Severino Marche
Piazza Cavour, 7
62032 Camerino (MC)

 

Ici la reproduction de l’original


Une lettre de ce type correspond à ce que nous avons relevé dans l’article du 31 mai 2018 (voir ici), auquel nous renvoyons les lecteurs : “Ce phénomène est vraiment remarquable : à plusieurs reprises du côté officiel au sujet de Fatima on a recours à des démentis génériques d’une manière ou d’une autre, en refusant certaines réponses précises et le dialogue direct”.

Nous avions envoyé trois brèves questions ; la Congrégation n’a pas donné trois réponses spécifiques.

On préfère renvoyer à la publication « Le Message de Fatima (2000) ». Et pourtant - les lecteurs qui ont suivi les débats contrastés sur ce sujet le savent, tout comme on le sait aussi à l’intérieur de la Congrégation - il existe une littérature qui met en évidence de manière large et articulée parmi les incohérences continuelles d’une certaine ligne, le fait que ce livret exigerait pour le moins une mise au point plutôt que des renvois génériques. 

Par exemple, il omet de reporter traduit et dans le texte un passage présent dans une citation en note : « que tanto ansiais por conhecer ». Par exemple, il nous informe que S.S. Jean-Paul II aurait lu le Troisième Secret entre le 18 juillet et le 11 août 1981, en omettant l’affirmation du porte-parole du Vatican de l’époque Navarro-Vals selon lequel le Pape l’avait déjà lu une première fois peu de jours après son élection (“Washington Post”, 1er juillet 2000). Même omission de la première lecture et même dédoublement de date que pour S.S. Paul VI : le 27 mars 1965 selon cette publication, 27 juin 1963 selon le témoin Mgr Capovilla (dans ses “Note riservate”, écrites en 1967).

Si deux documents relatifs au Troisième Secret n'existent pas et n'ont jamais existé, le livret officiel donnerait non seulement des rapports incomplets, mais aussi des informations erronées : il soutient qu’après la lecture « le pape Jean XXIII décida de renvoyer l’enveloppe scellée au Saint-Office »; alors que son secrétaire Mgr Capovilla témoigne dans ses Notes réservées (1967) qu’après la lecture de Jean XXIII le Secret resta dans l’Appartement pontifical et que c’est encore là que Paul VI le trouva sur son indication.

Ce livret offre aussi un exemple - et nous nous arrêtons ici - de la fiabilité desdites “confirmations” attribuées à Sœur Lucie (comme cette phrase extraite de la lettre dont il est question plus haut qui ne cite pas les références de l’affirmation exacte : “elle a eu la possibilité de rapporter à son neveu prêtre”). 
Le livret soutient qu’à propos de la date pour la publication de 1960, la Sœur aurait dit en 2000 à Mgr Bertone, à l’époque Secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi : « Ce n’est pas la Dame, mais c’est moi qui ai mis la date de 1960 ». Dans son livre “La dernière voyante de Fatima” ( “L’ultima veggente di Fatima”, 2007) le Cardinal Bertone rappelle avec force : la Sœur lui aurait dit aussi: «Cela a été ma décision […] la Sainte Vierge ne m’a rien communiqué à ce sujet». Cependant, le Cardinal Bertone lui-même a montré à la télévision le 31 mai 2007, les enveloppes contenant le Secret ; sur deux (pourquoi deux enveloppes jumelles ?) paraissait l’écrit autographe de Sœur Lucie, rédigé lorsqu’elle était dans la fleur de l’âge, qui attribue la date de 1960 à un « ordre exprès de Notre Dame ». Un « ordre exprès ». Que penser de l’assertion contraire rapportée plus haut ?

Ensuite, quant au Premier et au Deuxième Secret, le Cardinal Angelo Amato, lui aussi par le passé Secrétaire de cette même Congrégation, a affirmé à un Congrès et sur le quotidien du Saint Siège (le 7 mai 2015), qu’il y a à ce sujet « certains ajouts faits en 1951 ». Vu que cela semble une nouveauté, spontanément on se demande : parlait-il de choses qu’il ne connaissait pas bien ou sinon quels sont ces “ajouts” ?

Les questions que nous avons posées restent telles quelles. Et, en conscience, deux questions émergent avec plus de force : Quelle est la gravité de ce sujet - dont on reconnait l’existence en privé à Rome - pour qu’on persiste ainsi dans un refus d’éclaircissement ? Quels désastres doivent encore se produire pour qu’on s’en occupe à nouveau ?


La Rédaction de Disputationes Theologicae

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Les passions de l’irascible

par Disputationes theologicae

Jésus les avait-il?

(II)

21 mars, Saint Benoit

 

Sebastiano Conca, Agonia nell'Orto degli Ulivi, Torino - Palazzo Reale

 

Ici la première partie.

 

Passions de l’irascible et réalisme de l’Evangile

Le texte inspiré rend témoignage de la véridicité de l’Incarnation, autant dans l’aspect le plus proprement physique de la chair du Christ, percée par des clous sur la croix, que dans la description des passions de l’âme du Christ, mentionnées avec leurs effets de redondance sur le corps. C’est à ce dernier propos que les évangiles dévoilent l’humanité de Jésus, dans son aspect plus proprement “moral”, et fournissent un modèle de vie ordonnée. Relativement aux passions de l’irascible plusieurs passages seraient à citer ; on se limitera dans cette étude à quelques exemples significatifs pour chacune des cinq passions, en essayant de suivre en parallèle l’analyse spéculative que saint Thomas donne dans la Somme de Théologie.

 

Espoir et désespoir

L’espoir, par rapport au désir son analogue dans le concupiscible, prévoit un aspect d’effort supplémentaire et une tension de l’âme vers le bien difficile à obtenir1. Lorsque le Christ annonce sa Résurrection, la glorification de son corps et le salut des hommes (Mt 16, 21 ; 20, 19 ; 22, 31) - non seulement avant les tourments de la Passion, mais aussi après sa Résurrection - il annonce une œuvre bonne, mais difficile et même unique. Un travail ardu est requis pour atteindre un tel bien. La grandeur du bien stimule alors une passion qui va le diriger vers l’action et lui permettre d’y tendre malgré les difficultés : c’est l’espoir que le Christ même a éprouvé. Cette passion, selon le texte sacré, devait se manifester aussi dans son corps et dans son attitude, parfois au point de devenir contagieuse pour ceux qui l’entourent. C’est l’effet qu’on constate sur les foules et sur les disciples. Sans exclure l’œuvre surnaturelle et invisible de la grâce, il y a sans doute ici un mode humain dans l’extériorisation de l’espoir du Christ. Ainsi en témoignent les disciples d’Emmaüs. Ces derniers confessent l’ardeur que Jésus leur avait transmise en leur parlant de la gloire future et du ciel : « n’est-il pas vrai que notre cœur était tout brûlant au-dedans de nous lorsqu’il nous parlait en chemin et qu’il nous expliquait les Ecritures ? » (Lc 24, 33). Ce passage montre aussi que l’espoir du Christ et de ceux qui l’écoutent est ordonné et rationnel ; il ne s’agit pas d’une chimère car il se porte vers un véritable bien. L’évangéliste donne même le fondement rationnel de cette passion : en effet, la certitude de la possibilité d’obtenir le bien dont on parle repose sur la fidélité de Dieu à ses promesses. L’annonce aux prophètes est véridique, car Dieu ne trompe pas, et ce bien ardu de la résurrection, vrai bien pour l’homme, peut être obtenu (Lc 24, 25-27).

 

La grandeur du bien espéré demande cependant souvent un effort ardu “proportionné” ; ce dernier aspect peut raisonnablement décourager et engendrer une répulsion, parce qu’il va exiger de renoncer à d’autres biens. Au Jardin des Oliviers, par exemple, l’humanité du Christ ne peut qu’être accablée par la pensée qui se présente aux yeux de son intelligence. L’appréhension intellective de tous les tourments qu’Il va endurer, ainsi que le mal physique qui va s’ensuivre pour son corps, laissent Jésus dans l’angoisse la plus profonde : « il commençait à éprouver de la tristesse et de l’angoisse » (Mt 26, 37). Son âme est « triste jusqu’à la mort » (Mt 26, 37).

 

Ce qui détermine le désespoir est justement cette appréhension intellective du mal futur comme imminent et inévitable, un mouvement de répulsion est naturel. L’objet de souffrance est saisi par l’intellect et il ne peut qu’engendrer un mouvement de l’appétit2. Le bien est considéré « selon son rapport à l’impossibilité de l’obtenir […] et c’est ainsi que le désespoir se rapporte à l’objet »3. Jésus désespère par exemple du bien de son intégrité physique. Lui-même attribue ces effets à la nature humaine, à la matérialité de sa chair : «l’esprit est ardent, mais la chair est faible» (Mt 26, 41).

Chez Jésus a lieu aussi le mouvement de répulsion connexe au désespoir, celui que saint Thomas appelle « un mouvement d’un certain éloignement »4. Chez le Christ cependant la passion reste toujours sous l’emprise de la raison, qui ordonne tout à une cause supérieure. Le mouvement normal de la nature qui ne veut pas sa destruction, n’empêche pas la volonté de rester ferme dans sa tendance au bien supérieur qu’on a choisi (les thomistes distinguent voluntas ut natura et voluntas ut ratio)5 : Jésus accepte et veut le bien lié à cette douleur, ainsi que les moyens nécessaires pour y parvenir, parce que telle est la volonté du Père (voluntas ut ratio) : « Mon père, si ce calice ne peut pas passer sans que je boive, que votre volonté soit faite !» (Mt 26, 42). Cependant sa nature (voluntas ut natura) ne peut pas aimer sa destruction : voilà d’où naissent les expressions de répulsion chez le Christ. Notre-Seigneur va aussi user du moyen surnaturel de soutien dans le désespoir, la prière. Celle-ci aide l’acceptation patiente d’une volonté supérieure qu’il est impossible de changer : « veillez et priez » (Mt 26, 41).

 

C’est encore le désespoir que Jésus éprouve, très humainement, dans l’élan d’attachement pour sa ville et son Temple. Dans l’évangile de Luc, on Le voit regarder la ville sainte de Jérusalem et en imaginer la ruine. L’objet de cette représentation est la fin d’un bien, la fin de cette belle ville qui a marqué son existence terrestre et qui garde toutes les mémoires de son peuple : « ils te détruiront, toi et tes habitants et ils ne laisseront pas dans ton enceinte pierre sur pierre » (Lc 19, 44). La destruction de sa patrie est devenue inévitable à cause du refus du Sauveur, qui n’est rien d’autre que sa propre personne, ce qui redouble sa douleur. Le mouvement de l’âme est tel que la commotion le touche et, dès que l’objet apparaît à sa vue (Jésus connaît aussi par science acquise)6, l’effet corporel s’ensuit et Il verse des larmes: « en voyant la ville il pleura sur elle » (Lc 19, 41).

 

 

Crainte et audace

« La crainte se rapporte à un mal futur » dit saint Thomas et les mouvements qui l’accompagnent parviennent même à donner une certaine « contraction ». C’est pour cela que le nom de « passion » lui convient souverainement7. Le fait que le mal soit futur et non pas présent n’est pas une raison pour laquelle les conséquences sur le corps devraient être moindres. Au contraire, la transmutation corporelle peut même être plus grande lorsque l’objet est seulement représenté8, que lorsqu’il est présent. Cela peut se produire parce que le remède à ce mal n’est pas encore survenu : en effet la passion d’audace (le contraire de la crainte, à laquelle elle apporte une certaine solution)9, survient généralement dans un deuxième temps, en respectant les suites temporelles de notre intelligence discursive. On appréhende le mal, on le craint, et il faut alors un remède pour le dépasser.

 

En suivant la description de la Passion de Jésus-Christ on serait tenté de voir cette succession décrite par les évangélistes : à Gethsémani, lorsque la Passion future se faisait présente à son esprit, « Il commença à être pris par la terreur et la frayeur » (Mc 14,33). D’une telle terreur ne pouvait que s’ ensuivre le désir de fuir le mal10 : « Père, s’il est possible éloignez de moi ce calice » (Mc 14, 36 ; Mt 26,39). Les conséquences physiques ne manquent pas et le corps en ressent jusqu’à la sueur de sang (Lc 22, 44). La disproportion du mal par rapport à la capacité de le supporter est justement l’aspect le plus effrayant chez celui qui craint, et qui se voit seul face à l’incapacité de résister11. L’évangile, sous un angle plutôt pédagogique, rend raison de cet état, qui semble réclamer - même chez le Christ - de l’aide, le recours à un autre qui ne soit pas dans le même état : c’est l’ange consolateur de saint Luc (Lc 22, 43). Dans le Christ certes il n’y avait pas d’erreur ; l’ange n’a donc pas un rôle de conseiller contre un jugement erroné causé par la passion. Cependant on pourrait voir ici une certaine analogie avec la disposition au conseil dans la crainte, dont parle Saint Thomas12. Le Christ a voulu se faire consoler par un autre, en enseignant de la sorte que le recours à autrui, lorsque on est en difficulté, peut être une chose bonne et le signe d’une saine humilité.

 

L’évangile insiste, en nous montrant presque une passion après l’autre, en dévoilant l’utilité de chaque passion, comme remède à une difficulté précédente. Face à un mal aussi grand que celui qui s’annonce pour le Vendredi Saint, il faut un mouvement proportionné qui puisse permettre de l’affronter et de penser en triompher. C’est l’audace qui « agresse le danger imminent pour le vaincre»13. Saint Jean nous dit que Jésus non seulement ne cherche pas à fuir, mais qu’Il avance seul vers les soldats du Sanhédrin et Judas. Il leur répond avec fermeté, tout en sachant ce qui va lui arriver: « Jésus en sachant ce qui allait lui arriver, avança et leur dit: “qui cherchez vous?”» (Jn 18, 4-8 ). Il n’hésite pas à leur dire qu’Il est prêt à les suivre, et cela même sur un ton impérieux. Il sait qu’il faut affronter ce mal pour un plus grand bien (les bienfaits qui suivront son sacrifice), en effet «par accident on peut poursuivre un mal, mais en raison du bien qui s’y joint»14. Jésus, pris par l’audace, va ressentir - le ton de ses mots le dévoile - ce mouvement corporel, ce qui va lui permettre de monter au Calvaire pour obtenir un bien sans mesure.

 

FIN IIème PARTIE

 

 

1 S. Th., Ia IIae, q. 40, a. 1.

2 S. Th., Ia IIae, q. 40, a.2 corpus.

3 S. Th., Ia IIae, q.40. a 4, corpus.

4 Ibidem.

5 S. Th., IIIa, q. 18, a. 3, corpus.

6 Sur l’intellect agent chez le Christ: S. Th., IIIa, q. 9, a. 4, corpus.

7 S.Th., Ia IIae, q. 41, a.1, corpus.

8 S. Th., Ia IIae, q.41, a1, ad primum, ad secundum.

9 S. Th., Ia IIae, q. 45, a 1, corpus.

10 S. Th., Ia IIae, q. 41, a.3, corpus; IIIa q. 15, a. 7, corpus.

11 S. Th. Ia IIae, q. 41, a.4, corpus.

12 S. Th., Ia IIae, q. 44, a. 2.

13 S. Th., Ia IIae, q. 45, a 1, corpus.

14 S Th. Ia IIae, q. 45, a. 2, corpus.

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